Demi-dieux

Auteur et plasticien, Michel Bedez trace les contours d’un univers poétique « marqué au fer rouge » par le Val d’Argent, sa terre natale. Il expose ses créatures idolâtrées au musée Würth à Erstein jusqu’au 12 février.

Placées côte à côte, les sculptures en bois de tilleul semblent prêtes à se mettre en marche. Comme en attente d’un signal, l’escouade mutique et nue regarde droit devant elle. Crabe, cerf, serpent… chacune des idoles porte un animal totem, comme un cache-sexe arrogant. Ces figurines d’une trentaine de centimètres de haut émanent d’autant de peintures de Michel Bedez. Artiste autodidacte, ce dernier a été invité à exposer ses croquis, toiles et sculptures au Musée Würth. « Les idoles sont des demi-dieux bienfaisants, mi-païens, mi-divins. Des personnages telluriques, sources d’énergie. Des saints patrons guérisseurs, des fétiches vosgiens qui ont le pouvoir de soigner les maux des hommes et de la société », hommages à la fois à la culture populaire et au sacré.

Plongée dans l’inconscient
« Je suis un artiste émergent tardif… Le pouvoir de l’imagination, m’a toujours transporté », explique ce barbu vif-argent, peintre sur le tard, créatif de longue date. Après une enfance dans le massif vosgien où, adolescent, il croise les artistes prometteurs Christophe Meyer et Rodolphe Burger, Michel Bedez s’ancre à Strasbourg où il fonde Passe Muraille, une agence de communication spécialisée dans la création de temps forts. 30 ans d’aventures événementielles plus tard, il transmet l’entreprise à ses collaborateurs afin d’emprunter de nouvelles voies artistiques. Les peintures et sculptures d’idoles ainsi qu’un livre de prose poétique – Le Boa, paru en 2012 aux éditions Chapeau Claque – pavent ses nouveaux cheminements. « Mon art est un retour aux émotions de l’enfance », considère Michel Bedez. Des émotions qui se nourrissent d’un inconscient structuré dans le Val d’Argent, mystérieux et minier, merveilleux, forestier et sinistré. Artistiquement parlant, « je ne me situe nulle part », considère le plasticien strasbourgeois. Nulle part, comme nombre de créateurs non académiques versés dans la catégorie Art brut.

Premiers pas en sculpture
Les figurines d’idoles qui seront exposées jusqu’au 12 février au Musée Würth sont sculptées en collaboration avec Loïc Bosshardt à Thannenkirch, à partir des peintures et des croquis de Michel Bedez. Descendant d’une lignée de sculpteurs, Loïc donne aux figures peintes leur troisième dimension. Presque timidement, Michel Bedez à son tour fait ses premiers pas en sculpture. Il façonne ses premiers gisants, cadavres grotesques et miniatures couchés sur un cercueil de bois. Avec le voeu ou la perspective de voir un jour ces transits s’incarner grandeur nature, joyaux de la crypte d’une église imaginaire.


4 janvier –> 11 février
Musée Wurth, rue Georges-Besse à Erstein

Les idoles, Michel Bedez, 48 pages, 15 €, éditions Chicmedias
À commander en ligne, shop.chicmedias.com, ou à retrouver à la Vitrine, 14, rue Sainte-Hélène à Strasbourg. 


Par Pierre Jean Singer
Photos Christophe Urbain