Que cherchez-vous à montrer dans vos livres ?
Je cherche à montrer de la beauté. Je le dis pour Haguenau et Wissembourg comme je le dirais pour l’Afrique. Même la Place de l’Homme de Fer à Strasbourg peut être belle ! Je peux le montrer, je l’ai fait, et c’est cela ma fonction. Mes photos doivent être compréhensibles par tous. Le but de mes livres n’est pas de s’interroger, de se torturer l’esprit. Mon objectif est d’apporter de l’harmonie et du bonheur. J’essaye de rendre les lieux séduisants, tout simplement parce que ça fait du bien . Ca peut même guérir aussi. Un jour une femme m’a raconté qu’elle avait offert mon livre Bleu de Terre sur des paysages vierges dans le monde à son fils hospitalisé et qui ne parlait plus. En regardant les photos, ses premiers mots depuis 7 mois auraient été « c’est ça que je voudrais ». Cette histoire m’a bouleversé.
Quelles sont les contraintes liées à votre travail ?
La principale contrainte pour réussir une photo, c’est le temps. Le temps de repérer le potentiel d’un lieu, le temps pour l’imagination de construire l’image et préciser la composition, le temps d’attendre (des jours parfois !) la météo idéale et la lumière exacte. Je fais au moins une cinquantaine de clichés de chaque endroit pour choisir ensuite les cadrages en fonction du livre. C’est très long, la photographie. Or la société d’aujourd’hui exige des délais, et il faut faire avec, alors que le livre va vivre longtemps. Pour photographier la ville, il y a aussi un problème très concret, celui de la pollution visuelle : les voitures qui encombrent les rues (j’ai toujours besoin d’une échelle), les tags, les affiches collées partout, les logos agressifs sur de jolies façades …
Vous avez voyagé dans le monde entier. Est-ce que Haguenau et Wissembourg vous inspirent d’autres lieux que vous avez connus ?
Bien sûr, chaque lieu appelle toujours des références. À Haguenau et à Wissembourg, j’ai retrouvé un peu de Prague où je suis né, mais aussi d’autres villes des pays de l’Est. Il ne s’agit pas d’ensembles, mais de fragments aperçus ici et là, et qui la plupart du temps me rappellent et réveillent mon enfance. Un coin de verdure, une façade, une fenêtre, une ruelle … autour du canal à Wissembourg, on reconnaît de nombreux aspects des villes médiévales tchèques. A l’époque, les architectes, artistes et artisans voyageaient et échangeaient beaucoup, peut-être plus que maintenant. L’Europe existait déjà. C’est évident, l’Alsace a quelque chose de l’Est. D’ailleurs ici, c’est déjà l’Est pour les Parisiens, non ?