Face à la nature, vous êtes-vous déjà senti en danger ?
Oui, bien sûr. Je trouve que c’est primordial de se sentir fragile. J’aime ce sentiment de me sentir proie. On est une espèce qui a toujours voulu dominer les autres et je trouve que de temps en temps, se sentir potentiellement proie d’une bête, comme d’un ours, se sentir fragile, c’est important. J’ai eu souvent peur.
Lors du premier confinement, vous aviez publié un texte sur Facebook, avouant ressentir une certaine satisfaction à voir nos sociétés éprouver enfin leur fragilité…
C’est la première fois que j’entendais des hommes politiques ou autres prononcer le mot humilité. Humilité par rapport à ce qui arrive, ne pas savoir, ne pas connaître, c’était une chose positive. Évidemment je le dis tout doucement car il y a des gens qui souffrent de cette pandémie. Mais des fois, j’ai cette sensation qu’on est comme des enfants gâtés, on exploite, on bouffe, on maîtrise, on gère, tous ces mots que je ne supporte pas. C’est comme si cette pandémie nous avait mis une gifle, en nous disant : « Non ! Il faut cesser de prendre cette direction et essayer de composer avec tout le monde, de rétablir les équilibres à tous niveaux. » C’est quand même fou que plus on avance, plus les fossés, les déséquilibres sociaux se creusent. Alors oui j’avais un petit espoir, c’était la note positive avec cette pandémie de revoir un peu notre copie, de faire différemment, mais bon… On est repartis comme avant. Il faut consommer, acheter la dernière voiture. Les croisières en Antarctique, en Arctique, ça me dépasse, c’est une honte.