Le film repose sur deux personnages, Vincent Macaigne et Sandrine Kiberlain, comment avez-vous trouvé l’évidence de ce couple ?
Ça a été très long de constituer le couple de ce film. J’avais envie de retravailler avec Vincent après Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait. À l’instant où j’ai pensé associer Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, quelque chose m’a paru évident. Ce sont deux acteurs qui portent une fantaisie, ils sont à la fois très drôles et très touchants. Je trouvais que ça permettait au film d’être à la fois léger et grave.
Vous accordez une grande place à la parole et aux dialogues. Les deux protagonistes sont en constante introspection et décortiquent chacune de leurs actions. Est-ce une façon pour vous de mettre en scène la dualité entre le cérébral et le sentiment ? La difficulté morale face à ses désirs ?
C’est un couple qui aime autant parler que faire l’amour. Je pense que lorsqu’on voit à l’écran des personnes qui prennent autant de plaisir à communiquer, à commenter, à essayer de se dire ce qu’ils vivent, ce qu’ils ressentent, il y a un effet de complicité qui fait qu’on porte d’autant plus de crédit au fait que quelque chose les lie fortement. Les échanges d’idées sont aussi importants dans un couple que le physique, il n’y a pas de position entre les deux. Et je crois que la sexualité ressemble aussi à la façon dont on se parle.
Qu’est-ce qui vous plaît dans les dialogues ?
Les dialogues permettent d’entrer à l’intérieur des personnages. Ce que j’aime dans la comédie américaine c’est ce côté où les personnages s’expriment. Il y a une sorte de musique de la parole, il y a quelque chose de vivant dans le fait de parler et de se parler. C’est quelque chose pour moi de l’ordre du plaisir. Dans Chronique d’une liaison dangereuse, les dialogues servent à suivre les circonvolutions de leurs désirs et de leur approche. Il y a quelque chose de très ludique à cela.
Simon ne cesse de douter et de répéter à chaque rencontre : « C’est peut-être la dernière ». Est-ce une manière pour lui d’exorciser cette fin inévitable ?
Je ne dirais pas de l’exorciser, mais plutôt de l’intensifier, de la dramatiser. Il met au tapis cette peur que tout s’arrête. Une peur que le spectateur partage puisqu’il les voit bien ensemble, mais connaissant le titre du film, il se doute de son issue.
Malgré l’apparente légèreté de cette liaison, les sentiments prennent le dessus et le dialogue ne sert plus. L’intellectualisation des relations a-t-elle ses limites ? Comment ne pas deviner le caractère vain de la règle du « pas de sentiments » ?
C’est plutôt leurs principes qui consistent à ne se voir que pour le plaisir et à mettre les sentiments de côté. En mettant les sentiments de côté, on ne leur donne pas la liberté de s’exprimer. Cette forme de liberté sexuelle empêche une libre circulation d’un sentiment amoureux. Pour moi, ils courent après une certaine forme d’utopie qui s’avère difficile.
Vous avez opté pour des plans-séquences, des personnages mobiles qui se déplacent constamment. Quelle était la volonté de cette mise en scène ?
J’ai choisi de mettre en scène beaucoup de décors car je voulais que les personnages soient tout le temps en mouvement, peut-être à cause des questions qu’ils se posent. Aussi, on peut dire d’une liaison que c’est une aventure et je voulais que cette histoire en ait l’aspect. Je l’illustre en faisant traverser de nombreux décors aux personnages. Je n’avais pas envie de les coincer dans un lit entre quatre murs, c’était une façon de donner de l’ampleur à cette histoire très intime.