Tu dis souvent que ce qui te fascine dans l’armée sont notamment les rapports de fraternité – c’est aussi une forme d’amour –, là, il est aussi question de sororité entre ce groupe de femmes. Dans le film, les deux s’opposent dans un certain sens, as-tu souhaité opposer ces deux mondes ?
Le dispositif du film présente deux arènes : les femmes et les hommes, ce qui permet de traiter de couples de manière générique. En tant que femme, j’ai personnellement vécu des moments avec des hommes et des femmes, ce n’est pas une question de genre, il est davantage question d’endroit où c’est possible de partager. La sororité, on la retrouve aussi dans les chambrées militaires. Ce n’était pas opposer les choses, mais plutôt montrer que ce sont deux mondes séparés.
Peut-on être féministe lorsqu’on est femme de légionnaire ? Est-ce une question qui t’a préoccupée ?
Le personnage de Céline est très indépendant, frondeur contre l’archaïsme que propose la légion. Elle représente le changement de la société : de plus en plus de femmes d’officiers travaillent. Et puis, dans le film, les femmes sont des combattantes, elles s’occupent de tout, de la maison, des enfants, comblent tout l’espace ; et les hommes, eux, sont dans le care là où on a l’habitude de mettre les femmes, avec Maxime qui pouponnent presque ses hommes. Ensemble, ils font leur lessive, s’occupent les uns et des autres.
Il y a cette scène, où les femmes se préparent au retour des hommes, elles s’épilent, discutent. Là encore, cette scène existe plus pour illustrer un décalage : pendant qu’elles se préparent, les hommes se recueillent autour du cercueil de leur collègue décédé. Il y a ce que vivent les hommes et ce que vivent les femmes, leurs deux univers étant décalés. Ce n’était pas pour porter un jugement de valeur mais plutôt d’illustrer deux états, deux consciences qui ne sont pas les mêmes.
Il y a aussi un rapport de classes dans le film : dans l’armée, on est tous égaux, or, Maxime et Céline et Vlad et Nika ne sont pas du tout sur la même échelle (même les comédiens qui les incarnent), voulais-tu aussi parler de ça ?
Ça fait partie du monde que je décris, c’est important que ça existe. Tout le monde n’a pas les mêmes outils. Il y a des différences de place sociale, même s’ils vivent ensemble au même endroit. On le sent plus chez les femmes, dans la vie civile, alors que dans l’armée, les différences sont gommées sur le terrain.
Tu disais pendant la rencontre que Louis Garrel n’a pas été un choix évident pour toi, pourquoi ?
Tout simplement parce que ce n’est pas du tout dans ce genre de rôle qu’on l’imagine. Je n’avais pas du tout envie de le rencontrer pour ce rôle, et c’est mon producteur qui m’a convaincue. Pendant le casting, j’ai été surprise par son intelligence du texte, elle était telle que c’était impossible de ne pas prendre le risque.
Tu es aussi passée sur une autre échelle de production, qu’est-ce que ce film a changé pour toi ?
C’était plus dur de faire ce film. Comparé à Baden Baden, c’était censé être un plus gros budget ; en vérité, j’aurais eu besoin du double. De fait, il y a eu beaucoup plus contraintes dans ce film : sur le repérage, les déplacements, les décors, le matériel. C’est sûr, l’ambition était différente avec un tournage sur trois territoires et beaucoup de figurants.
Et ton prochain film ?
Ce sera un film d’espionnage avec trois nanas assez balaises qui sont dans le milieu du renseignement. J’espère entrer en casting en novembre…
Mon Légionnaire, à l’affiche aux cinémas Star et à l’UGC Ciné Cité à Strasbourg
Propos recueillis par téléphone par Cécile Becker
Portrait Rachel Lang : Christophe Urbain