Danseur aux mille facettes

Amala Dianor est artiste associé à Pole-Sud depuis 2017. Danseur et chorégraphe aux mille facettes, il cherche l’hybridation transcendante de tous les vocabulaires dansés qui ont nourri son parcours : du sabar sénégalais à la danse contemporaine en passant par le hip hop. Avec The Falling Stardust, il va cette fois-ci taquiner la danse classique jusque dans ses fondements. Plus le mouvement est osé, plus belle est la rencontre. Entretien.

Le nouveau spectacle d'Amala Dianor, The Falling Stardust.
Le Chorégraphe Amala Dianor, artiste associé à Pole-Sud à Strasbourg.

Existe-t-il des différences de mouvement majeures, techniquement, entre la danse classique, le hip hop et d’autres vocabulaires chorégraphiques ?
Quand j’étais étudiant en danse contemporaine, on avait régulièrement des cours de danse classique – avec l’idée d’avoir une meilleure connaissance du corps, une structuration. Un travail sur l’axe. Le travail de la danse hip hop est très éloigné de ça, mais les deux se rejoignent dans la rigueur et dans l’exigence de s’approcher du mouvement parfait.

Vous parlez « d’axe » : qu’entendez-vous par là ?
Dans la danse classique, il y a une réelle recherche de verticalité. Tendre à se détacher du sol pour s’envoler. C’est là, à mon sens, tout son intérêt. S’élever, en opposition à d’autres danses qui pourraient être plus primales et terriennes, avec un appui au sol très enraciné.

Vous dites justement que vous venez « de la terre »…
Je fais un lien avec mes origines et les premières danses que j’ai pratiquées au Sénégal, le sabar par exemple. Sa particularité est d’être une danse terrienne qui imite des animaux, essentiellement des oiseaux qui veulent s’envoler. Un rapport au sol très présent et une volonté d’élévation.

Prendre des danseurs virtuoses dans un domaine pour les emmener vers un autre vocabulaire chorégraphique, est-ce les mettre en danger ?
C’est là tout l’intérêt de ce projet. Les danseurs, classiques ou autres, tendent à une maîtrise totale de leur technique. Ils ne sont formés qu’à ça. Moi, ce sont les individus qui m’intéressent, danseurs à part entière. Je veux les inviter à se révéler autrement, avec leurs forces et leurs faiblesses.

Vous êtes allé chercher de fortes personnalités pour ce projet. L’objectif est-il aussi de vous laisser surprendre par rapport à votre propre recherche chorégraphique ?
Il s’agit vraiment de faire un chemin les uns vers les autres. J’y découvre et j’y apprends des choses. Au départ, par exemple, je devais danser dans ce spectacle. Mais, après les auditions, je me suis rendu compte qu’il y avait une forte différence de générations et de techniques avec les danseurs retenus – 5 danseurs classiques et 4 contemporains. Je n’y avais pas ma place. Par contre, je les invite à comprendre comment se construit le mouvement dans mon corps pour qu’ils puissent, ensemble, transgresser ce qu’ils ont appris.

Comment est-ce que la scénographie et la musique accompagnent ce mouvement ?
Je travaille pour la première fois avec un scénographe qui s’appelle Clément Debras, qui va aussi faire les costumes. Ensemble, nous avons réfléchi à la façon de transgresser les codes. La danse classique, c’est la danse du Roi Soleil, un cadre prestigieux. Il y a souvent un lustre. Comment donner à cet objet une autre couleur ? Il prend une place inédite dans le projet, c’est le dixième danseur. Pour la musique, j’ai travaillé une fois de plus avec Awir Léon. Nous sommes en train de créer ensemble la partition en se référant à une œuvre composée pour un orchestre classique, transposée en électro.

Le titre du spectacle, The Falling Stardust, évoque la chute…
Plus que les chutes, ce qui m’intéresse ce sont les poussières d’étoiles et les étoiles filantes. Poussières d’étoiles en référence aux danseurs qui ne sont cantonnés qu’à une seule technique. Je pense aussi au danseur étoile, à ce que cela révèle d’élitisme dans la danse classique. Ceux qui ne sont pas étoiles brillent moins, or ce sont eux que je voudrais donner à voir.

Vous questionnez l’élitisme en vous appuyant sur des danseurs virtuoses.
Pour questionner, il faut donner à voir. Mais pour moi tout cela est d’abord un prétexte à la danse plus qu’un discours politique. Ce que je veux avant tout, c’est entrer dans la danse.


The Falling Stardust,
du 16 au 18 janvier 2018
Théâtre de Hautepierre à Strasbourg
www.pole-sud.fr


Par Marie Bohner
Photo Jef  Rabillon