Festival Météo :
les musiques expérimentales en ville

Le retour des concerts commence doucement à Mulhouse. Depuis quelques semaines, mais surtout du 26 au 29 août, le festival Météo, festival de musiques expérimentales, contemporaines et improvisées, s’étend à travers la ville. Ils pourront faire résonner cornemuses, ondes martenots et autres GSMs malgré la pandémie. Plus d’une vingtaine de performances sont prévues sur trois jours dans une petite dizaine de lieux différents de Mulhouse.

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Audrey Chen. Luc Ex, Audrey Chen et DJ Illvibe seront en concert le samedi 29 août à 22h30 à Motoco. Photo : Sébastien_Bozon

Pas de précipitations, mais une programmation au beau fixe prévue pour le Météo Festival 2020. Avez-vous déjà entendu… un concert de cornemuses dans une église, du blues interstellaire dans une friche industrielle, ou encore un mélange de transistors radio et de cellulaires ? Voilà un aperçu des découvertes musicales possibles en se baladant à Mulhouse pendant l’imprévisible festival Météo.
L’événement mélange musiques traditionnelles, acoustiques, électroniques, noise et autres expérimentations, justement nommées « aventures sonores » par Mathieu Schoenahl, le directeur du festival. Il rassure : « Ce n’est pas un festival de vieux initiés des musiques expérimentales, on peut vraiment se laisser emmener et faire la fête, notamment parce que beaucoup de concerts sont en extérieur et/ou gratuits. »

Le festival existe depuis plus de 35 ans et diffusait surtout sur du freejazz auparavant. Cette année, mis à part quelques groupes comme Das Kapital, il y a « encore moins de jazz » pour cette édition que pour les précédentes. « Ce n’est pas qu’on n’aime pas ça, mais on s’en éloigne depuis une dizaine d’années, assez naturellement, afin de proposer quelque chose de plus expérimental et surtout plus éclectique », explique le directeur.

La culture malgré la COVID, c’est possible

Comment Météo peut-il être l’un des seuls festivals à se maintenir cet été en Alsace ? Contrairement à certains acteurs de la culture comme les gros festivals d’été, nul besoin d’avoir 5 000 personnes au même endroit. « La jauge maximale chez nous, c’est 300 personnes, et ça sera souvent moins que ça ! On met en place distanciation physique, gel hydroalcoolique, une chaise sur deux, sens de circulation et port du masque obligatoire à l’intérieur », détaille Mathieu Schoenahl.

« Différents concerts ont lieu à différents endroits de la ville, et ce n’est pas pareil qu’un festival comme Décibulles. De plus, les lieux qu’on investit sont des ERP [établissements recevant du public, ndlr], donc pas besoin d’accord de la préfecture tant qu’on respecte les règles. » Malgré tout la programmation a dû être adaptée et a subi plusieurs changements, avec annulation des spectacles debout, ou proches du public. Le directeur Mathieu Schoenahl regrette une dizaine de concerts en moins cette année.

Un festival « service public » ?

« Honnêtement ça fait quelques mois dans la culture qu’on attend des annonces toutes les deux semaines. Et quand il y en a, on les comprend à moitié, personne ne sait vraiment ce qu’il a le droit ou non de faire. On n’est pas un club ou autre gros événement, donc on a moins d’attente vis-à-vis des annonces officielles. Quand on voit qu’on autorise une jauge de 5 000 en France, alors qu’en Belgique ils viennent de réduire à 100 personnes en intérieur… C’est plus un comportement moral à avoir vis-à-vis du public et des artistes. Au moins on gère raisonnablement le festival et les gens seront à l’aise. »

« Pour les structures privées c’est plus compliqué, mais nous on est largement subventionné, par la ville en premier lieu, puis la DRAC, la Région et le Département. Ces institutions nous ont confirmé leur soutien. Ça remet en avant le fait qu’il faut aussi se considérer comme un service public ! On aurait pu annuler le festival en payant les musiciens, mais c’est aussi un événement qu’on propose aux gens, notamment à ceux qui ne peuvent pas partir en vacances. On investit l’espace public, pour qu’il se passe un truc en ville dans une période où il ne se passe pas grand-chose ! Ça se traduit aussi par les stages et les ateliers qu’on met en place, ou encore la programmation de résidences et autres qui se passent tout le long du mois. »

Focus sur la scène locale expérimentale

Ce festival, c’est aussi l’occasion pour la structure de (ré)affirmer ses liens avec la scène artistique locale. Plusieurs structures locales comme le Motoco ou La Filature-Scène Nationale de Mulhouse ont renouvelé leur confiance au festival. Cette dernière a proposé de reprogrammer un concert qui devait avoir lieu en mai dans le cadre du festival. Motoco partage sa toute nouvelle guinguette avec le festival Météo, pour lui permettre un peu d’activité supplémentaire quand d’autres, comme des séminaires et conférences, ont dû être annulées.

Zut Magazine Festival Météo Stéphane Clor Nuits @ Laurent Orseau
Stéphane Clor, Nuits Photo : Laurent Orseau

Côté artistes, la pandémie a poussé le festival à pousser ses relations avec les musiciens du Grand Est : « On n’était pas si inquiet que ça puisqu’on connaît désormais beaucoup de musiciens très bons et pas loin, avec qui on peut imaginer des projets. Tant pis pour l’international cette année, mais c’est loin d’être un festival au rabais ! » Un des seuls concerts international sera celui du trio Ex/Chen/Vibe (PaysBas, Allemagne, USA) qui propose un mélange de voix, djing et basse pour « une sorte de blues interstellaire ».
Mathieu Schoenahl précise : « Nos musiques se jouent difficilement devant 3 000 personnes, les petites jauges, on a l’habitude, on ne va pas être déboussolé par rapport à ça. On voit ça comme une opportunité pour investir différents lieux, des parcs, des places, des églises… » Plusieurs artistes programmés sont issus du label strasbourgeois Soleils Bleus, par exemple. À noter aussi, le projet Dreieck Interférences, 80 artistes s’y sont associés durant le confinement, sous la houlette de Stéphane Clor, un musicien accompagné depuis un an par le festival.

Des performances dans des lieux atypiques

Certains lieux atypiques du festival ont été choisis sur-mesure pour les projets artistiques, à l’instar de Météores de Yvan Etienne, dont les deux performances sont pensées spécifiquement pour la Chapelle Saint-Jean et son acoustique. D’autres s’ancrent plus symboliquement dans la ville, comme le projet La Peuge en Mai du Geoffroy Gesser Sextet, mélangeant témoignages audio de l’usine Peugeot Belfort Montbéliard et de Mai-68 avec des instruments stridents, entrant directement en résonance avec l’histoire ouvrière de Mulhouse.

Autrement, des musiciens comme Julien Desailly et Lise & Lisa réinventent la cornemuse chacun de leur côté dans des lieux atypiques. Le « chanteur-bricoleur » Loup Uberto propose un mélange de chant traditionnels italiens et de bricolage électronique. Le duo Karam Al Zouhir et Olivier Duverger se baladera entre musiques du Moyen-Orient, musique contemporaine et jazz. ErikM et Nathalie Forget travailleront de leur côté avec des ondes martenots au son modifié par voie électronique.
Le festival déborde aussi le dimanche 30 août avec deux concerts en plein air au Parc Salvator, du « micro brass-brand » Pinto et des musiques improvisées et traditionnelles de Merve & Ross. De quoi finir cet été si particulier, sans nouvelles perturbations on l’espère, ou alors, seulement musicales.


Le Festival Météo édition 2020 – La programmation complète ici
Du 26 au 29 août à Mulhouse

Pass global festival 60€ – mélange d’événements gratuits, à 5, 10, 15 ou 20€


Par Martin Lelievre