« Avec Fauve, c’est comme si on était partis au Japon pendant six mois : à un moment, il faut rentrer chez soi sinon on perd ses repères. Et puis on avait tellement d’autres pays à visiter ! Offrir une fin à cette aventure, avant qu’elle ne se galvaude, c’était la chose la plus saine à faire, la plus respectueuse du projet, du public, de nous. On en reste persuadés, encore aujourd’hui. Magenta, c’est le début d’un nouveau voyage. » Un voyage dont le point de départ fut un appart boulevard de Magenta, à Paris, où la bande de copains est repartie de zéro pour s’approprier les contours d’une musique parfaitement inconnue, qu’ils nous avouent d’ailleurs avoir pas mal snobée à l’époque, la résumant alors naïvement à un truc de machines et de boutons. « Et là on a (re)découvert un morceau, Revolution 909 des Daft Punk, et puis un autre, et ça a fait comme une épiphanie dans notre cerveau : on était passé à côté de ça toute notre vie. Dans ces moments où l’on cherchait ce qu’on allait faire après Fauve, ouvrir un bar, construire des meubles… on n’avait plus de questions à se poser ! La date de fin de Fauve n’était pas encore fixée que l’on se faisait déjà écouter des boucles, des sons, on avait déjà genre trente démos – bon, on n’a rien gardé, mais c’était déjà là. »
Cette idée de prolonger l’aventure tout en racontant une autre histoire, toujours en collectif, toujours en anonyme, toujours d’une seule voix, avec un tout nouveau territoire à conquérir. Suivent alors cinq années de tâtonnements, d’apprentissage, de doutes, de cheminement – le temps nécessaire pour apprivoiser les claviers, trouver leur voie et un nouveau mantra : surfer sur les codes traditionnels de la fameuse french touch des années 90’s pour en faire leur propre « musique qui danse et qui pense ». Laisser à la fois parler le corps et l’esprit, les beat ultra-dansants et la force du texte, l’envie de lâcher prise et de tendre l’oreille. « L’électro un genre plutôt délaissé par les auteurs, mais pas pour nous. On voulait conserver nos valeurs humaines, alors on a dû apprendre à construire la voix autour de la musique – c’était le contraire pour Fauve – et pas en mode “move your body”. Trouver un équilibre… En fait on ne change pas, on évolue. Comme les Pokémon ! »
Les voilà donc repartis sur les routes, synthés et machines dans le coffre, personnalités effacées au profit du collectif, visages toujours cachés, et puis ce nouveau nom à faire connaître, le public à trouver, les petites salles à remplir plus ou moins selon les soirées. « On pourrait imaginer que jouer devant 90 personnes alors qu’on faisait des zéniths, c’est moins excitant. Que c’est un retour en arrière. Pourtant il faut le voir à travers le prisme de notre aventure humaine : réussir à en faire notre vie, encore aujourd’hui, c’est juste incroyable. Le point de vue change tout. Oui, avant on avait deux tours-bus maintenant on est en van, mais on est tellement contents, tellement vivants, c’est une seconde jeunesse, une renaissance. On n’a pas du tout la nostalgie d’un succès passé, on ne cherche même pas à avoir le succès de Fauve. » Et finalement, c’est pourtant tout le mal qu’on leur souhaite.
Monogramme premier album de Magenta (Sunata/Because Music)
En concert mercredi 27 octobre (19h30) à la Laiterie à Strasbourg.
Par Aurélie Vautrin
Photo Arno Paul