Quand on la voit arriver, en ce début d’après-midi, on repense à la première scène du spectacle, où ancrée dans le sol et statufiée telle une figure de L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais, elle demande à Maria de Medeiros : « Ça va ? » Derrière ce « Ça va ? » initial, on sent le poids de la culpabilité d’une mère qui n’a su ni prévenir ni dénoncer les viols répétés de sa fille par son père.
Dans la pénombre du petit salon de l’hôtel où nous avons rendez-vous, Bulle se dissimule derrière ses lunettes. Elle a un peu de mal à commenter son rôle, alors elle se défile un peu, répond à demi-mots, on essaie autre chose. Nous prenons conscience – nous le supposions déjà – que ce rôle, bien au-delà des situations malaisées de la pièce, la renvoie à un double rôle non sans répercussions : celui de la fille aimante qui puise encore dans la relation très affectueuse qu’elle entretenait à sa propre mère, artiste-peintre, et celle bien sûr de cette mère privée de son enfant, l’actrice Pascale Ogier, dont le doux prénom vient parfois ponctuer le fil de la conversation.
Bien sûr, nous ne commettons pas la maladresse de chercher à creuser cette voie-là, et l’interrogeons sur sa rencontre avec Christine Angot. Elle nous relate une histoire de boots rose vif en daim qu’elles convoitaient toutes deux chez Yohji Yamamoto à Paris – « Une solde de soldes ! » Christine interroge Bulle qui lui conseille de les prendre. « Nous étions dans un rapport de femmes, se souvient Bulle, un rapport intime. » Il s’avère que chacune a pu partir avec une paire de boots à sa taille. Le plus amusant c’est qu’il y a une suite à cette histoire. « Quand j’ai revu Christine par la suite, elle m’a avoué qu’elle avait tenté de teindre ses boots en noir et qu’elles ont fini par déteindre sur ses pieds. »