Se détendre dans les musées

Restaurants, cafés, jardins, espaces de médiation ou d’accueil d’événements, les lieux de vie associés aux musées invitent à la détente, à la contemplation ou à la réflexion. Ils constituent des prolongements de l’identité des institutions qui les accueillent. Tour d’horizon en Lorraine et au Luxembourg.

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - le MUDAM au Luxembourg
Mudam café - Photo : Julian Benini

— Mudam café : calme et volupté

En descendant le vaste escalier circulaire qui achève le parcours des expositions, on débouche sur un havre de paix lumineux, sous l’immense verrière du bâtiment créé par Ieoh Ming Pei. Le Mudam café, aménagé par les designers Erwan et Ronan Bouroullec, dont le mobilier et la tonnelle en tuiles de tissu ont été intégrés à la collection du musée, constitue de ce fait un complément de la visite. Repas, brunchs et petite restauration sont proposés aux visiteurs durant la semaine, ainsi que des événements, rassemblés le mercredi en une formule « afterwork » de 18h à 23h (les expositions du Mudam étant ouvertes ce jour-là jusqu’à 22h). Art, musique, performances, projections ou conférences sont à découvrir, ainsi qu’une carte agrémentée de quelques nouveautés. Une particularité du Mudam café, qui peut être vue comme un aspect positif ou négatif selon le point de vue, est de n’être ouvert qu’aux visiteurs munis d’un billet… ce qui renforce le sentiment qu’il est considéré comme un environnement artistique à part entière.
Autour du musée, fontaines, bancs et même emplacements pour vélos sont également l’œuvre d’artistes et font partie de la collection Mudam. On peut également parcourir le Park Dräi Eechelen, au milieu des vestiges de l’ancienne forteresse du Fort Thüngen et d’œuvres d’art contemporain. Un lien entre passé et présent qui constitue un rappel de l’histoire, comme un écho aux visions actuelles du musée luxembourgeois.


Mudam Luxembourg / Mudam café
3, Park Dräi Eechelen à Luxembourg

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - Ca(fé)sino
Ca(fé)sino - Photos : Sylvain Munsch

— Le Ca(fé)sino

À deux pas du centre de Luxembourg, tout au bout du pont Adolphe, se trouve le Casino, un lieu qui cultive les paradoxes. Abrité dans un bâtiment magnifique du XIXe siècle, il renferme un forum d’art contemporain et un restaurant, le Ca(fé)sino. L’ensemble a été restauré il y a quelques mois, à l’exception du bistrot dont on a conservé murs et moulures d’origine. Baignée de lumière, la salle a une vue imprenable sur la vallée de la Pétrusse et la Gülle Fra (une statut de femme en or qui représente la liberté du Luxembourg). Le Ca(fé)sino se trouve dans le salon Saint Hubert, l’ancienne salle des fêtes du Casino il y a plus d’un siècle. Si on lève les yeux, une fresque peinte au plafond transporte le visiteur dans les années 1880. Et si on les baisse, le mobilier moderne et chic donne tout simplement envie de rester pour déguster les préparations du chef : la carte propose des plats de la cuisine traditionnelle française et luxembourgeoise revisitées. C’est une « cuisine récréative » comme aime à dire le chef cuisinier. Saumon à la plancha, poulet au curry, bœuf bourguignon, bouchée à la grande duchesse, tous ces plats sont bien connus des papilles gourmandes, mais ils sont préparés avec une touche de modernité. Surprise, il n’y a pas un plat du jour mais trois : viande, poisson et végétarien. La carte change au fil des saisons et on y retrouve des produits bios et locaux. Pour ceux qui aiment goûter à tout et piocher de plat en plat, il faut venir le lundi midi pour le buffet à volonté ou le dimanche pour le brunch. Les jeudis soirs, un plat gastronomique est élaboré en accord avec l’artiste qui expose ses œuvres dans le forum d’art contemporain, juste à côté. Et de temps en temps, le bistrot propose des dégustations de vins. Entre luxe, modernité, histoire et dégustation, le Ca(fé)sino joue une partie de poker gourmand.


Le Casino / Le Ca(fé)sino
41 rue Notre-Dame à Luxembourg

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - le jardins du Musée de l’École de Nancy
Musée de l'École de Nancy - Photo : Thibaud Dupin

— Les jardins du Musée de l’École de Nancy et du Musée lorrain

Direction Nancy, où deux des plus grands musées de la ville cultivent leurs jardins. Le Musée de l’École de Nancy est installé dans une demeure dessinée par Lucien Weissenburger au début des années 1910 et rachetée par la commune de Nancy quarante ans plus tard, avec une partie de son jardin, réhabilité en 1998 par Philippe Raguin. Très agréable, celui-ci accueille aussi trois monuments qui constituent des œuvres à part entière : la porte en chêne des ateliers Gallé, le monument funéraire que fit construire le critique d’art nancéien Jules Rais à son épouse, et un pavillon-aquarium au charme indéniable. Clairement un espace muséal à ciel ouvert et un lieu hors du temps, où l’on replonge un siècle en arrière, encadrés par la superbe façade de la maison, accompagnés par les esprits de Victor Prouvé et d’Émile Gallé.

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - le musée Lorraine de Nancy
Musée lorrain - Photo : Thibaud Dupin

En plein cœur historique de Nancy, on trouve le Palais des ducs de Lorraine, qui abrite le Musée lorrain, consacré à l’histoire de la région du Moyen-âge au XIXe siècle. Il est actuellement accessible par une unique entrée donnant sur ses jardins. Dans le cadre des grands travaux de rénovation, dont la fin est prévue pour 2023, ceux-ci s’apprêtent à devenir un véritable de carrefour et un espace de détente. Les jardins du Palais ducal seront donc au cœur du projet de « musée-promenade » du Musée lorrain, en s’ouvrant de part en part sur la Grand rue, la rue Jacquot et le Jardin public du Palais du Gouvernement, lui-même relié au Parc de la Pépinière. Une façon d’inviter le public comme les passants à se réapproprier les lieux et à ouvrir davantage ce vaste espace muséal, au propre comme au figuré.


Musée de l’École de Nancy
36-38, rue du Sergent Blandan

Le Palais des Ducs de Lorraine – Musée lorrain
64, Grande Rue à Nancy

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - la Gue(ho)st house de la Synagogue de Delme
Gue(ho)st house - Photo : Julian Benini

— La Gue(ho)st house de la Synagogue de Delme

En pleine campagne mosellane, à une demi-heure de Metz et Nancy, les contours de la petite Synagogue de Delme se détachent au cœur de cette commune de 1 000 habitants. Construite en 1881, la synagogue devient en 1992 un centre d’art contemporain tourné vers la création, le soutien aux artistes, notamment émergents, et la médiation. Quasiment dissimulée à quelques mètres de l’édifice, la Gue(ho)st house créée par Christophe Berdaguer et Marie Péjus est une architecture-sculpture étonnante, constituée d’une couche de résine venue recouvrir la maison d’origine, ce qui lui confère un aspect fantastique. Les fantômes de son histoire ont inspiré le duo d’artistes qui lui ont donné ce nom hybride, référence à sa fonction de « maison d’hôte » et d’accueil, et à son histoire : la maison fut au XIXe siècle une prison, avant de devenir l’annexe d’un collège puis une chambre funéraire. La patine des escaliers et la porte de cellule sont encore là pour le rappeler.
À l’étage, un petit appartement est destiné aux artistes de passage liés à la Synagogue de Delme, tandis que le rez-de-chaussée est divisé entre des espaces de documentation sur les expositions et un ancien préau clos par une baie vitrée. Le lieu est un espace d’accueil et d’échanges pour des ateliers avec le jeune public ou des étudiants en art, des conférences, des expositions alternatives, des soirées ou apéritifs ou encore des séances de travail. La Gue(ho)st house, construction attachante (aux allures de nuage ou de marshmallow d’après les plus jeunes) se veut attrayante et capable de donner les clés des expositions accueillies à la Synagogue de Delme.


Gue(ho)st House / Synagogue de Delme
33, rue Raymond Poincaré à Delme

ZUT - lieu de détente en Lorraine / Luxembourg - La Voile Blanche à Metz
La Voile Blanche - Photos : Julian Benini

— La Voile Blanche

C’est un grand nom de la restauration qui s’associe à un musée de premier plan : Éric Maire se sépare donc de son établissement À Côté, après avoir créé l’Écluse où il a décroché son étoile au guide Michelin en 2001, pour prendre ses quartiers au Centre Pompidou-Metz. Pour revisiter ces espaces, il a fait appel à l’architecte Jean-Denis Sagan, qui avait également rénové l’Écluse en 2000. Le design intérieur de La Voile Blanche mise désormais sur la transparence, la visibilité et l’épure. Sols, plafonds, mobilier, tout a été éclairci entre la salle, la véranda imaginée par l’École d’architecture de Nancy, et la terrasse surmontée de la célèbre voile de Shigeru Ban. « L’esprit de cette rénovation est proche de celle effectuée à l’Écluse, avec ces tables sans nappage, décrit Éric Maire. Nous avons installé un bar en salle et un autre dans la véranda, ce qui apporte un sentiment de convivialité et permet d’imaginer divers événements, en apéritif et en soirée. Avec la terrasse, ce sont trois ambiances qui changent aussi en soirée ; nous avons veillé à ce que l’atmosphère soit bien particulière à ce moment-là. »

Du mobilier, avec les chaises et luminaires édités par la célèbre maison suisse Vitra, aux tables conservées mais poncées et revernies, en passant par la cave à vins et l’aménagement floral, La Voile Blanche a opéré une vraie métamorphose. Auprès d’Éric Maire, les équipes du Centre Pompidou-Metz ont veillé à ce que ces aménagements reflètent au mieux l’esprit des lieux. « L’association de nos deux noms constitue un message porteur de sens pour les visiteurs, c’est quelque chose de cohérent, note le restaurateur. J’accueillerai une clientèle variée : mes habitués et ceux qui me connaissent, ceux attirés par le musée, et aussi une clientèle d’entreprise, d’affaires, internationale, avec la proximité de la gare et du futur quartier de l’Amphithéâtre. » La Brasserie de La Voile Blanche au rez-de-chaussée et son agréable terrasse est également incluse dans le projet. Réaménagée et agrandie, avec des espaces restauration et bar séparés, elle accueille plutôt une clientèle de passage désireuse de s’accorder une pause ou de manger sur le pouce. Les plats d’hiver s’apprêtent à investir sa carte (navarins, soupes, bourguignons…) tout comme celle de sa grande sœur du sommet, avec des produits comme les Saint-Jacques ou le foie gras.
Éric Maire tient à « prendre le meilleur de la philosophie des bistrots et des restaurants gastronomiques », ce qui se reflète aussi dans sa cuisine, alimentée de produits frais, en lien avec des producteurs locaux. À noter que les deux établissements, de 140 couverts pour la Voile blanche et 35 couverts pour la Brasserie en configuration fermée, 285 avec la terrasse, bénéficient d’entrées séparées de celles du musée. Pour la première fois, l’accès direct entre les galeries et le restaurant sera ouvert dès le mois de novembre. Le Centre Pompidou-Metz présente ainsi deux nouveaux visages pour ses lieux de vie, propositions étroitement liées à son identité, proposant de s’attarder encore davantage entre ses murs.


Centre Pompidou-Metz / La Voile blanche
1, parvis des Droits de l’Homme à Metz


Par Benjamin Bottemer et Fanny Ménéghin