Sébastien Loeb, le virage parfait

Natif de Haguenau, Sébastien Loeb – le « Patron » pour les intimes – multiple champion du monde, revient avec plaisir dans la ville qui l’a vu user ses premiers pneus. Portrait d’un pilote avant tout amoureux du geste.

Sébastien Loeb © Christophe Urbain
Portrait de Sébastien Loeb, photographié à l'Espace sportif Sébastien Loeb, à Haguenau. Photo : Christophe Urbain

Rien ne change : plus de 10 ans après son premier titre en WRC, le championnat du monde des rallyes en 2004, Sébastien Loeb est toujours prophète en son pays. Nul ne peut oublier les apparitions régulières du champion dans sa ville natale, Haguenau – il a vécu dans le secteur jusqu’à ses 25 ans et est désormais installé à Vaud (Suisse). Sa venue est toujours précédée d’une rumeur (« C’est Sébastien Loeb ?! ») et suivie d’un élan populaire lors de démonstrations rugissantes.

L’Espace sportif Sébastien Loeb – orné d’un rutilant portrait du sportif – où nous le prenons en photo, aujourd’hui occupé par les scolaires, mettra quelques minutes à se vider. Le temps que quelques élèves téméraires osent lui demander quelques selfies et que les professeurs se laissent gagner par la même ferveur : « Si les élèves le font, pourquoi pas nous ? »
Ce succès populaire, Sébastien Loeb le gère avec une distance désarmante, peut-être ce côté cartésien qu’il dit avoir hérité de sa mère. Pudique sur son parcours jalonné de victoires, nombreuses et successives, il semble s’être laissé prendre par la vitesse, sans même en avoir conscience. « Je ne me pose pas beaucoup de questions. Ça reste de la compétition, du sport. Si je gagne, c’est bien. Si je ne gagne pas, tant pis. Ça a sans doute été ma force : je ne me mettais pas la pression, peut-être parce que j’ai gagné tout de suite ? »

En effet, son ascension a été fulgurante : dès ses deux premiers Rallyes Jeunes, la machine s’emballe. « Venu de nulle part », il se retrouve en première ligne au côté d’un Dominique Heintz – amateur de pilotage qui l’a découvert et encadré de nombreuses années – dont on connaît la phrase légendaire : « Soit ce type est fou, soit c’est un génie. »

Un génie qui s’est d’abord essayé à la gymnastique à haut niveau : « J’aurais pu intégrer un centre national de gym à 13-14 ans, mais à ce moment-là, je rêvais juste d’une mobylette. » De son propre aveu, cette pratique de la gymnastique lui a peut-être permis de mieux situer son corps dans l’espace de la voiture. Un détail sans doute, mais qui comme tous les détails a son importance pour celui qui allait devenir un surdoué de la conduite.

Sébastien Loeb Rallye Dakar 2016
Le bolide de Sébastien Loeb lors du Rallye Dakar 2016 – DR

Très tôt, il arrête ses études, préférant « travailler bêtement pour pouvoir [se] payer une voiture » et saisit « simplement » sa chance lorsqu’il tombe sur une annonce du Volant Rallye Jeunes. Ce « goût du pilotage », il ne se l’explique pas. « J’allais dans les champs et quand il y avait un virage, j’étais capable de le passer 20 fois pour faire le virage parfait, mais je ne sais pas pourquoi ça me plaisait. » Cette obsession du geste parfait explique-t-elle sa capacité à s’adapter à tout type de route ? Lui qui non seulement est devenu champion du monde à 9 reprises, dépassant ainsi le record symbolique de Schumacher en F1, mais aussi vainqueur sur tous les rallyes classiques et les 6 surfaces différentes du WRC, y compris – une première pour un non nordique ! – les rallyes de Suède et de Finlande. Il y a des chances.

Rétrospectivement, et même s’il affirme que sa carrière est loin d’être finie – sa victoire récente en rallycross l’atteste –, on constate que c’est bien la conduite qui lui importe le plus. Pas tant les voitures, étonnamment. Ni leur esthétique, même s’il peut se montrer sensible devant « de belles lignes ».

Quand on l’interroge avec un brin de malice sur ce qu’il regarde quand il croise une voiture, il répond de manière laconique : « Ben, je repère la portière pour entrer. » Et de nous avouer que s’il ne regarde pas tant les voitures – « Tu sais, il m’arrive même d’être au volant d’une voiture et de ne pas savoir quels sont les sponsors à l’extérieur ! » –, il « aime la course ». Éperdument, presque viscéralement. « Oui, j’aime conduire », insiste-t-il. Sans en rajouter. Le goût du pilotage pur, débarrassé de tous ses apparats.


Sébastien Loeb
– Les temps forts

  • 1974
    Naissance à Haguenau.
  • 1977
    Devient gymnaste.
  • 1994
    BEP électrotechnique.
  • 1995
    Première course au Volant Rallye Jeunes sur le circuit Paul Ricard. Il gagne mais est déclassé au profit de Nicolas Bernardi. Il se fait repérer par Dominique Heintz.
  • 1997
    Premier rallye couru avec la team Ambition Sport Auto de Dominique Heintz. Victoire avec plus de 10 secondes d’avance malgré un départ manqué. La saison se soldera par 4 victoires sur 6.
  • 1998
    Trophée Citroën Saxo Kit Car. Première saison avec son copilote Daniel Elena, début d’une collaboration de près 20 ans.
  • 1999
    Intégration à l’équipe de France FFSA. Débuts en WRC – championnat du monde des rallyes.
  • 2000
    Champion de France des rallyes sur terre, catégorie deux roues motrices. Première victoire au classement général d’une épreuve du Championnat de France. Devient pilote professionnel.
  • 2001
    Pilote officiel de Citroën Sport.
  • 2004
    Premier titre de champion du monde WRC, conservé jusqu’en 2013.
  • 2012
    Élu sportif préféré des Français.
  • 2013
    Retraite des rallyes et reconversion sur circuit.
  • 2014
    Première saison au Championnat du monde des voitures de tourisme.
  • 2015
    Premiers pas en rallye-raid.
  • 2016
    9e place au Rallye Dakar 2016. Remporte l’épreuve de Lettonie en rallycross.

Par Emmanuel Abela et Cécile Becker
Photo Christophe Urbain