Galerie Radial : Radi(c)al

Frédéric Croizer, directeur de la galerie Radial à Strasbourg, affirme une ligne artistique forte où cercles concentriques et lignes géométriques jouxtent éclats chromatiques et beautés mécaniques.

Frédéric Crozier directeur de la galerie Radial.
Frédéric Croizier, directeur de la galerie d'art Radial. © Pascal Bastien

« Mon métier a considérablement changé depuis que je l’exerce. » Frédéric Croizer évoque sa profession en perpétuelle mutation parmi les courbes colorées de Jean-Daniel Salvat. Proche de Claude Viallat et du mouvement Support / Surface, il produit des acryliques sous vinyle, apparaissant par transparence, entrant pour l’occasion en dialogue avec les sculptures de verre signées Julius Weiland. Lorsqu’on questionne Frédéric – toujours tiré à quatre épingles – sur sa vie d’avant la galerie qu’il créa en 2010, quai de Turckheim, sa réponse est tranchante : « Le passé est le passé. »

Aucun secret à cacher mais, avec le directeur de Radial, pas de fioritures, ni de mots inutiles : droit au brut ! Les blocs de verre attaqués à la perceuse de Till Augustin, les œuvres d’aluminium et de gomme de pneu de Carlo Borer, rutilantes comme des bolides sortis d’usine, la verticalité des laques sur alu de Frank Fischer, les spectaculaires implosions du sculpteur Ewerdt Hilgemann, les sculptures froissées de Willi Siber, les fabuleux et lumineux reflets en trompe-l’œil de Ben Jack Nash… Aux longs discours sur son parcours, Frédéric Croizer préfère laisser la parole aux œuvres. Leur présence est charismatique, frontale, frappante, éclatante. 

Oeuvre d'Alain Clément © Pierre Schwartz

Imaginaires du bâti
Guidé vers l’art contemporain grâce aux découvertes de jeunesse de Picasso, Miró ou Calder – figures tutélaires ne cessant de l’accompagner –, Frédéric se passionne pour l’abstraction, déclinée en peintures graphiques, surfaces minimalistes ou volumes géométriques. Fidèle à ses choix esthétiques et aux artistes qu’il défend, le galeriste a su s’adapter au métier. Attendre patiemment le chaland confortablement assis au centre de son white cube ? Pas le style de la maison…

Pour ses ventes – en très grande majorité à des acheteurs étrangers –, il multiplie les « activités satellitaires », notamment en faisant l’interface entre plasticiens de son catalogue et agences d’architecture qui cherchent un supplément d’âme à leurs constructions. « De plus en plus, je joue le rôle de conseiller auprès de commanditaires, en collaboration avec des artistes capables de transposer leur imaginaire à différentes échelles et dans divers contextes. »

Outre la commande d’une œuvre pour le nouveau siège parisien de la banque Goldman Sachs (à la demande d’un cabinet d’architectes londoniens), Estelle Lagarde s’apprête à concevoir une série de photographies en un monument ancien prêt à une seconde vie, un château avant restauration, y plaçant des personnages fantomatiques qui auraient habité les lieux avant qu’ils ne glissent vers l’état de ruines. Un décor théâtral, une fiction se mettant doucement en place, grâce à l’objectif de la seule artiste figurative de l’écurie Radial.

L’intuition comme moteur
La galerie représente une vingtaine de peintres ou sculpteurs, parfois les deux à la fois. Frédéric, sourire malin en coin : « Je les connais très bien, depuis longtemps parfois, et me permets de fouiller dans leurs ateliers pour y trouver les pièces les plus extrêmes », reléguées dans des caisses, oubliées sous des piles d’autres travaux. Il a par exemple fureté durant trois jours chez Alain Clément pour dégoter des « exceptions, allant à contre-pied de ce qu’on sait de lui : des œuvres qui répondaient à des préoccupations d’une époque révolue, mais qui en disent beaucoup sur son parcours. »

Oeuvre d'Alain Clément © Klaus Stöber

Un choix stratégique ? Le galeriste a tout simplement confiance en son intuition, tout comme ses acheteurs et les artistes qu’il suit de près et « soutient sur la durée ». Tous pratiquent un art de recherche quasi scientifique, au process complexe ou nécessitant une technologie de pointe. Il s’apprête à offrir un show solo à Bodo Korsig, artiste « protéiforme » que Frédéric connait depuis ses années new-yorkaises.

Ses formes sculpturales ont la semblance d’énigmatiques anamorphoses, d’images grossies par l’objectif d’un microscope, de symboles médicaux, de molécules chimiques… Korsig, passionné de neurosciences, exprime plastiquement l’angoisse ou la violence. Son expression est abstraite mais, comme souvent chez Radial, les sentiments humains se cachent sous le vernis.

Galerie Radial art contemporain
11b, quai de Turckheim
radialartcontemporain.com


Par Emmanuel Dosda
Portrait Pascal Bastien