Rallumer la culture à Strasbourg (et plus...)

Dans un précédent article, nous vous parlions des conséquences de la crise sanitaire sur certaines structures culturelles. Après trois mois à l’arrêt et un manque évident ressenti par la population, le domaine de la culture reprend petit à petit des couleurs à Strasbourg (avec une embardée à Mulhouse). Sélection non-exhaustive des actions menées.

À l’Opéra du Rhin, les danseurs portent des masques pendant leurs répétitions.
À l’Opéra du Rhin, les danseurs portent des masques pendant leurs répétitions. Danse et distanciation physique, quels enjeux ? Photo : Klara Beck

Réouverture des expositions

Il était temps. La hâte et l’excitation de revenir à la rencontre des œuvres et des artistes nous ont tenu en haleine durant de longues semaines. Le 13 juin dernier, les Musées de la Ville de Strasbourg ont rouvert leur porte.
– Au Musée Tomi Ungerer, l’exposition Friedrich Dürrenmatt. La satire dessinée présentée jusqu’au 31 octobre exhibe les illustrations méconnues de l’écrivain, dramaturge, peintre et dessinateur. Le 6 novembre, la suivante intitulée Frank Hoppmann/Michel Kichka dans la lignée de Tomi Ungerer s’installera dans les murs de la Villa Greiner.
– De son côté, le Musée d’Art moderne et contemporain s’ouvre sur le monde avec Delhi Motion, regard sur l’Art contemporain Indien. Visuelle et sonore, cette exposition dévoile l’Inde dans toute sa richesse et ses paradoxes.

– Au CEAAC et jusqu’au 12 juillet prochain, il est possible de déambuler dans l’exposition Time to leave the capsule…if you dare. Univers spatial, complots, dystopie et remise en question de nos certitudes au menus. Afin de contrer une fermeture du lieu et relancer la communication, des podcasts présentant les œuvres ont été réalisés après le confinement et mis en ligne sur Soundcloud. Dans l’espace international Superstition Supervision / Pierres de mauvaises langues expose les œuvres de l’Alsacien Jonathan Naas et de la Québécoise Fanny Latreille. Ici, croyances populaires invisibles et richesse imperceptible des langues sont interrogés.

– De son côté, La Chambre s’est frayée un chemin au cœur des extravagances de la religion aux États-Unis avec la nouvelle exposition photographique In God We Trust de l’artiste français Cyril Abad : fusion de couleurs entre immersion et reportage.

– À Stimultania, l’exposition Marcher dans l’image, ouverte depuis le 4 juillet, retrace l’œuvre de l’artiste André Kertész, précurseur de la photographie de rue. Son Leica à la main, il a déambulé dans les recoins de la capitale française des années 1930 et photographié les individus qui croisaient son chemin.

Vue d'une photographie de Dayanita Singh dans lexposition Dehli Motion, Regard sur l'art contemporain Indien
Vue d'une photographie de Dayanita Singh dans l'exposition "Dehli Motion, Regard sur l'art contemporain Indien" © Dayanita Singh

Réouverture des théâtres

Tandis que la plupart des structures théâtrales ont toutes ou presque suspendu et reprogrammé les représentations à la saison 2020-2021, quelques irréductibles ont tenté la réouverture.

Du 2 au 4 juillet, La Filature de Mulhouse a accueilli pour quatre représentations ouvertes au public, le sublime spectacle Centaures, quand nous étions enfants avec Camille, Manolo et leurs majestueux étalons Indra et Gaïa. Elle proposera du 8 au 29 juillet 2020 une performance sur WhatsApp. Avec Emmi & Leo, la compagnie belge SKaGen questionne la quarantaine que nous avons vécu ces derniers mois et le rôle du numérique pour palier à cet isolement.

– De son côté, le Maillon invite son public à venir découvrir le 8 juillet, le spectacle Bruit de couloir de Clément Dazin : un voyage émotionnel dans les derniers instants de vie de plusieurs individus, entre danse contemporaine hybridée et jonglage. Seconde information et non des moindres : la crise ayant eu un impact économique sur les foyers français, la saison prochaine sera marquée par une logique de solidarité : un plein tarif désormais fixé à 12€ et la mise en place d’un tarif de dernière minute à 8€. Ouverture de la billetterie le 4 septembre.

– Autre annonce euphorisante : La traversée de l’été du TNS. Alors que les flots d’annulations de festivals ont assombri le paysage estival, Stanislas Nordey l’annonçait le 12 juin dernier : le théâtre vivra à Strasbourg pendant l’été. Au programme : lectures, ateliers d’écritures, pratique, itinérance, visites du théâtre, découverte des répétitions, le tout gratuitement. Dans la lignée d’une démarche de longue date, l’actuel directeur du Théâtre National de Strasbourg, aidé par le ministère de la Culture, souhaite toucher des populations diverses et variées. Des actions seront notamment menées en direction de résidents d’EPHAD, publics particulièrement touché par l’isolement de ces derniers mois.

– Une belle initiative que l’Espace Django propose également : concerts aux fenêtres, raids urbains et fresques participatives prévues.

Vue d'une répétition des danseurs du ballet de L'Opéra National du Rhin. Photo : Klara Beck

Reprise des répétitions

Pas de spectacles sans répétitions. Alors que la crise sanitaire a mis à l’arrêt l’ensemble des projets de création, au TNS comme à l’Opéra du Rhin, les équipes artistiques ont finalement enfin pu réinvestir les plateaux.
– La création de Berlin mon garçon de Marie Ndiaye mise en scène par Stanislas Nordey a débuté le 2 juin. Des répétitions au démarrage particulier dans des circonstances séparant spatialement les acteurs des techniciens : distanciation sociale même pour les artistes. L’équipe d’Andromaque à l’infini, pièce au programme de l’Autre Saison 2020-2021, posera ensuite ses valises sur scène.

– À l’Opéra du Rhin, alors que les techniciens sont rapidement retournés au travail pour démonter le décor d’Until The Lions – Echoes from the Mahâbhârata resté en place depuis mars, les Artistes du Chœur ont repris le chemin de la scène. Sous la direction du chef de chœur Alessandro Zuppardo, les danseurs masqués travaillent à l’unisson pour préparer la prochaine saison culturelle de l’OnR. Prévue pour septembre 2020, la création française Solveig (l’attente) d’après le Peer Gynt d’Henrik Ibsen prend forme. Dans un même temps, les artistes du Ballet, des Chœurs et de L’Opéra Studio accompagnés par des musiciens des Orchestres Philharmoniques de Strasbourg et de Mulhouse ont renoué avec la scène le 1er et 2 juillet pour un concert de retrouvailles.

Aussi, les répétitions pour Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns et Hansel et Gretel d’Humperdinck vont pouvoir se concrétiser. Représentations prévues respectivement du 16 octobre au 8 novembre et du 9 décembre au 10 janvier.

Soutien aux artistes :
lancement de résidences

Corps culturel le plus fragilisé par la crise sanitaire, les artistes ont subi de plein fouet l’annulation ou le report de leurs projets. Bien que la plupart des institutions aient fait le choix de maintenir les cachets des artistes et intermittents afin de les soutenir financièrement dans cette crise, se remettre d’une telle période n’en reste pas moins difficile pour une grande majorité d’entre eux.  De ce fait, nombre de lieux ont dès que possible repris et proposé des résidences.

– Le Maillon a accueilli dès la mi-juin la compagnie La Générale Posthume pour une restitution du travail effectuée le 30 juin dernier. Nouveau théâtre, nouvel espace de création et d’aide aux artistes : le théâtre accueillera en résidence Nathalie Béasse du 19 au 30 avril 2021 et Clément Dazin du 15 au 25 juin de la même année.

L’Espace Django quant à lui, a reçu le groupe strasbourgeois The Fat Badgers. Le 26 juin, un concert live participatif sur Zoom a investi le salon de quelques centaines de spectateurs.

– De son côté, Pôle Sud a lancé – en collaboration avec La Briqueterie du Val de Marne et plusieurs CDCN de France – un appel aux artistes pour une résidence de création de deux semaines prévues pour janvier 2021. Dossier à envoyer avant le 28 juillet. Dans une recherche de soutien aux artistes, le CDNC a réuni un groupe d’artistes de la région – chorégraphes, pédagogues, interprètes – afin de réfléchir à une thématique pour le début de la prochaine saison. Au pied levé résonnera comme la première période de la saison 2020-2021 et questionnera à partir d’histoires individuelles d’artistes tels que Radhouane El Medded, l’universalité : quand l’intime devient collectif. Seconde thématique : L’année commence avec elle. Cette deuxième édition mettra à l’honneur des artistes femmes et interrogera la place et la représentation du féminin dans les arts.

Dans l’ensemble, un nouveau départ prenant en compte numérique, adaptabilité, inventivité et incertitudes semble débuter pour les structures culturelles.
Les saisons 2020-2021 s’annoncent toutes plus riches, de quoi ravir le plus tatillon des amateurs de culture. Le Festival Musica ouvrira le bal le 17 septembre et jusqu’au 3 octobre 2020. Au programme : musiques d’aujourd’hui, un Mini-Musica pour les jeunes publics et les familles, des collaborations entre de nombreuses structures du territoire alsacien mais aussi quelques réflexions politiques.
Quant à l’été, la ville de Strasbourg vibrera au rythme des propositions. L’objectif pour toutes et tous : sauver l’artistique, soutenir les artistes, conserver le lien avec le public, répondre à un besoin évident d’unité.