Sur le fil

Dans son approche du textile, Juliette Vergne revalorise les techniques anciennes : la teinture naturelle, l’impression, en les mêlant avec son univers. Son atelier est un laboratoire, le tissu s’immerge dans la couleur et passe de bain en bain…

Juliette travaille à partir de matières brutes (soie, laine, lin, coton…) qu'elle ennoblît.

Après sa formation à la Haute école des Arts du Rhin de Mulhouse, achevée en 2012, Juliette est tombée amoureuse de la ville pour son passé textile bien vivace, ses ateliers d’artiste et sa nature toute proche. Motoco – une ruche remplie d’artistes, d’artisanes et d’artisans d’art –, ancienne filature réhabilitée dans une démarche post-industrielle, au cœur du site de la filature DMC, a encore ajouté des paillettes dans ses yeux. Une étagère digne d’une herboristerie trône à l’entrée de son antre, mêlant bocaux et sacs en papier soigneusement fermés et étiquetés : garance, racine de rhubarbe, écorce de grenade, cochenille, indigo… composent sa palette de teintures végétales. Étonnant contraste entre les créations de Juliette, tout en poésie, en finesse et en volutes de soie, et l’imposante batterie de marmites qui composent sa cuisine de « chimiste » éprise de teintures naturelles.

Juliette résume ainsi son art : dessiner, teindre, imprimer.

Quelques poignées de plantes brutes, portées lentement à ébullition, lui offrent un jus coloré. Généralement, elle profite du temps de décoction pour mordancer le coupon de soie, de lin ou de chanvre qu’elle souhaite teinter selon des recettes ancestrales, qui connaissent aujourd’hui une seconde vie. L’étoffe ainsi préparée ( grâce à la pierre d’alun, un mordant naturel ) est plongée dans son bain de teinture et brassée à la main pour répartir la couleur. Vive les gros gants en caoutchouc pour protéger ses mains de la chaleur et de la couleur ! De ses premières collections, très graphiques, à ses nouvelles créations, inspirées de son herbier personnel, le style de Juliette a évolué vers la recherche de toujours plus de naturel. Feuilles de corydale ramassée dans le parc de Motoco, de figuier ou de ginkgo glanées ici et là lui fournissent de délicats motifs d’impression. Circuit court toujours, elle imprime sur place en sérigraphie, à partir de pigments artisanaux. Et déploie librement ses motifs sur ses coupons ocre, jaune, vert, rouge… Autour du cou, dans la main ou à la maison, ces beaux objets textiles ont le caractère unique du 100% fait main.


Juliette Vergne


Par Corinne Maix
Photos Dorian Rollin