ZUT Hors-Série — HEAR

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e ts éri s a r S rs— le de o H co in h é te d u R u a

PR E TR E EN U I V I —N S S O TE AT I S TI R E L R A E UN

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La Chaufferie

Galerie d’exposition de la Haute école des arts du Rhin, La Chaufferie accueille des événements artistiques portés par les ateliers ou les options de l’école, ainsi que des expositions d’artistes français et internationaux, pensées in situ.

Franck Leibovici

Octobre – Novembre 2018

Neil Beloufa

Janvier – Février 2019

Regionale 2018

Novembre – Décembre 2018

Hervé Youmbi

Mars 2019

Rencontres de l’illustration

Image : exposition Devoir de mémoire, 1er juin – 1er juillet 2018, La Chaufferie © HEAR, Antoine Lejolivet.

Mars – Avril 2019

HEAR – La Chaufferie 5 rue de la Manufacture des tabacs – Strasbourg

lachaufferie.hear.fr www.facebook.com/hear.fr


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04 Direction de la publication Bruno Chibane

L’ENTRETIEN Rencontre entre David Cascaro, directeur de la HEAR, et Bertrand Jacoberger, président de Solinest

Rédaction en chef Cécile Becker Design graphique Hugues François Rédaction Cécile Becker, Marie Beckrich, Sylvia Dubost, Antoine Ponza

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Photographie Hugues François Christophe Urbain Henri Vogt Couverture Laurence Bentz, diplômée de la HEAR en 2009 Typographies

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LE MÉCÉNAT Sati, ALE International, SAS 3B et Estimprim, des partenariats emblématiques

— Maax, de Damien Gautier, fonderie 205TF

Dépôt légal Juin 2018

LE PORTFOLIO Projets d’étudiant.e.s à l’épreuve du réel

— Orientation et Injurial, de Sandrine Nugue, diplômée de la HEAR en 2011

Imprimeur EstImprim

LE REPORTAGE Exposition des étudiant.e.s et professeurs de la HEAR au parking Opéra Broglie (Parcus)

Relectures Léonor Anstett Sylvia Dubost

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LE TEXTILE La section Design textile à Mulhouse travaille en lien étroit avec les entreprises

ISSN 226 1-7140 Tirage 3 000 exemplaires Ce hors-série du magazine Zut est édité par Chicmedias 12, rue des Poules 67000 Strasbourg

Remerciements Christopher Crimes, directeur général du [N.A. !] Fund

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LA PROFESSIONNALISATION L’école : et après ? Réflexions sur la professionnalisation des étudiants et portraits de diplômé.e.s de la HEAR

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Penser. Fabriquer. Montrer.

LE LIEU La Manufacture des tabacs, espace idoine des futures collaborations selon Alain Fontanel, premier adjoint au maire de Strasbourg et président de la HEAR

Lorsque la Haute école des arts du Rhin a sollicité nos équipes pour concevoir ce hors-série consacré à la collaboration de l’école avec le monde économique, il a été question d’à la fois mettre en lumière les partenariats passés, présents et à venir avec des entreprises de la région, mais aussi, par ce biais, d’illustrer le souci permanent de ses équipes à préparer les étudiant.e.s à ce qui les attend après leur formation. S’il est évident que ces partenariats participent de la diversification des ressources de l’école, il s’agissait, par cette publication, de les mettre en lumière. L’école, par définition, est un laboratoire d’où émergent de nouvelles idées, de nouvelles façons de faire et où sont façonnées des visions du monde. Chaque partenariat est l’occasion pour l’école d’imaginer des projets surmesure qui servent à sa pédagogie autant qu’aux visions de l’entreprise. L’étudiant.e-artiste, en ayant accès à d’autres outils et matières, en étant confronté.e à d’autres univers et savoir-faire, à des réalités qu’elle ou il sera amené.e à croiser dans le cadre professionnel, verra sans doute son travail évoluer. L’entreprise, elle, rompue à ses exigences de production, parfois à ses automatismes, en accueillant des artistes en formation ou des projets forcément inhabituels, pensera, fabriquera et montrera peut-être autrement. Il est évident que mettre en place des projets conçus et construits par et avec des étudiant.e.s, en lien étroit avec les équipes pédagogiques, relève d’une démarche en propre. Coopérer avec une école d’art, c’est forcément expérimenter plus fort. Travailler avec une école d’art, c’est se rapprocher d’un mode collaboratif plus horizontal pour que chacun saisisse les enjeux de l’autre et prenne le risque de l’inattendu. Peut-être que s’associer avec une école d’art, c’est insuffler des idées qui transpireront dans les partenariats futurs entre artistes et entreprises. En ayant à cœur de sensibiliser les entreprises aux démarches artistiques et les étudiant.e.s au monde du travail (au sens propre, comme au figuré) et en ayant pour ambition de concevoir une charte qui posera le cadre des partenariats entre l’école et les entreprises, la HEAR prototype peut-être les nouveaux modèles de partenariats entre deux mondes qui bien souvent, ne se connaissent pas. Si les entreprises, professeur.e.s et étudiant.e.s rencontré.e.s durant la réalisation de ce hors-série nous ont prouvé une chose, c’est que l’ouverture est vertueuse, à bien des égards.


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Zut.HEAR L'entretien

Parler de la relation artistes/entreprises, et plus particulièrement école d’art/entreprises, c’est nécessairement penser les termes de ce partenariat et lui donner du sens. DAVID CASCARO, directeur de la Haute école des arts du Rhin, et BERTRAND JACOBERGER, président de l’entreprise Solinest* posent les jalons de cette relation suivie.

Bel endroit pour une rencontre Par Cécile Becker Photo Henri Vogt

David Cascaro et Bertrand Jacoberger au Campus der Künste à Bâle.

* Distributeur de confiseries et produits de snacking installé à Brunstatt, Solinest est propriétaire de la marque [N.A. !], Nature Addicts et distribue les produits de Tetley, Chupa Chups, Starbucks ou encore Wonderful.


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« J’ASSUME LE PROPOS DE L’ARTISTE, IL PEUT ME CHALLENGER. » Bertrand Jacoberger Président de l’entreprise Solinest

David Cascaro, à votre arrivée à la direction de la HEAR en 2011, vous avez souhaité multiplier les partenariats avec les entreprises : pourquoi ? D.C. Avant que je ne sois nommé à la direction de l’école, il existait déjà des liens avec quelques entreprises, notamment et surtout au travers de la section Design, ce qui paraissait tout naturel puisque l’idée du “faire” y est inhérente. Or, j’estime qu’il est important de dépasser cette vision romantique de l’artiste qui continue néanmoins d’être cultivée, à l’intérieur même des écoles d’art mais aussi dans notre société. L’artiste n’est pas quelqu’un qui est en dehors du monde, déconnecté des réalités sociales et politiques, il y est et y sera directement confronté. Notre travail, c’est de l’y préparer de la meilleure façon qui soit. Une école d’art est une extension du monde, un carrefour où se croisent des étudiant.e.s-artistes, évidemment, mais aussi des musicien.ne.s, des designers, des graphistes, des enseignant.e.s qui ont par ailleurs un métier ou une pratique artistique. Au cœur de cette idée de penser

le monde et penser de nouveaux modèles de collaboration, il y a des barrières à dépasser. Multiplier les passerelles avec le monde de l’entreprise, c’est autant inviter les étudiant.e.s-artistes à dépasser leurs a priori et à développer leur curiosité, que les entreprises à prendre de la hauteur sur leurs pratiques, à envisager de nouvelles manières de produire ou de reconsidérer leur activité. Au cœur de cette démarche que je mène, il y a forcément l’idée d’ouverture. Bertrand Jacoberger, vous soutenez la création artistique au travers du [N.A !] Fund, créé en 2011 et devenu cette année [N.A. !] Project. Ses activités vont du mécénat d’expositions au soutien d’artistes. Au-delà de votre passion personnelle pour le spectacle vivant et l’art contemporain (vous êtes collectionneur), qu’est-ce qui a motivé la création de ce fonds ? B.J.  Tout a commencé avec la création du Club des entreprises partenaires de La Filature [Scène nationale à Mulhouse, ndlr].

Dans ce cadre, puis dans celui de ma fonction de président de cette structure, j’ai pris conscience, au côté de Christopher Crimes [ancien directeur de La Filature et désormais directeur général du [N.A. !] Fund, ndlr], de l’importance de soutenir la création, mais surtout de créer des liens qui vont au-delà d’un soutien éphémère : il s’agissait de participer à la vie d’un lieu, de connaître ceux qui le font et les artistes qui le traversent, de travailler ensemble. En 2009, nous avons lancé notre marque en propre : Nature Addicts, des produits de snacking préparés avec 100% de produits naturels. L’émergence de cette marque a soulevé beaucoup de questions, et notamment celle de notre responsabilité face au réchauffement climatique. Il m’a semblé nécessaire de participer à la prise de conscience des problématiques écologiques, et qui, mieux que les artistes, peut nous aider à prendre de la hauteur sur ces questions ? C’est ainsi que le [N.A. !] Fund est né. Rapidement, nous avons souhaité nous associer à un événement mondial et nous avons pensé à la Documenta à Kassel, un moment et un lieu important pour la création contemporaine. Pour l’édition 2012, la directrice Carolyn Christov-Bakargiev nous a mis à disposition un pavillon qu’elle souhaitait dédier à la biodiversité. En quelques mois, il a fallu monter toute une programmation : la première Académie [N.A. !] a été lancée et s’organise depuis chaque année, adossée à un événement (Biennale de Venise en 2015, Elefsina en 2017 – ville qui sera capitale de la culture en 2021 –, festival Indeterminacy à Buffalo en 2018, etc.). Cette Académie réunit artistes, chercheurs ou commissaires autour d’une thématique liée au développement durable, déterminée par un comité artistique. L’idée étant de ne pas investir un lieu, comme la plupart des fondations privées, mais plutôt de créer des réseaux. En dehors de l’Académie, il y a une vraie fidélité aux artistes qu’on accompagne, nous facilitons leurs projets, leurs démarches, leurs connexions. Pourquoi collaborer avec des artistes ? B.J.  Une ville qui n’a pas de dimension culturelle est une ville qui n’attire pas de talents, ce qui est un souci en Alsace. On vit dans une région transfrontalière dans laquelle on a une belle richesse culturelle qu’il faut mettre en avant. Soutenir les structures et les talents qui l’habitent me semble très important


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Zut.HEAR L'entretien

« L’ARTISTE N’EST PAS QUELQU’UN QUI EST EN DEHORS DU MONDE, DÉCONNECTÉ DES RÉALITÉS SOCIALES ET POLITIQUES. » David Cascaro Directeur de la Haute école des arts du Rhin

pour créer une dynamique de territoire. Nous sommes justement en train de réfléchir à un grand projet culturel autour du Rhin Supérieur qui soit populaire, qui ait un retentissement international mais surtout, qui soit exigeant ! Fédérer des acteurs économiques autour de projets culturels de très grande qualité est plus qu’important. Le partenariat idéal ? D.C. C’est celui où on arrive à s’entendre, à avoir un niveau de compréhension réciproque. Quand je suis face à un.e interlocut.rice.eur et que j’ai réussi à comprendre son projet, ses attentes, ses horizons et que j’ai réussi

à lui présenter où est l’école, vers quoi elle se projette, c’est là qu’on converge. Nous ne fantasmons pas sur une entreprise particulière parce qu’elle représenterait des valeurs dans l’air du temps, ce qui nous intéresse ce sont les personnes curieuses de l’école. B.J.  Il faut une vraie communication et, à mon sens, que le partenariat soit partagé avec les salariés de l’entreprise, que ce soit un outil d’interrogation et d’élévation. On le vit vraiment chez Solinest en installant des œuvres dans les espaces de travail ou en organisant régulièrement des événements. Je pense qu’on a créé un vrai intérêt pour la culture au sein de l’entreprise.


07 Frédéric Pagace, Every, 2017 (détail), pièce soutenue par le [N.A !] Fund et réalisée dans le cadre d’une résidence de l’artiste à la HEAR en 2016-2017. Photo Christian Creutz

D.C. Un vrai bon partenariat, c’est aussi une collaboration que l’on va co-construire. Si j’arrive avec un projet X et que je demande à une entreprise de le soutenir, ça ne va pas fonctionner. Si je lui parle en revanche de notre envie et qu’elle se retrouve dans cette démarche, on peut alors inventer ensemble les contenus. À l’heure où la question du statut et de la rémunération des artistes est brûlante, la collaboration avec le monde privé doit être questionnée. En tant que directeur d’une école d’art, quelles sont les valeurs que défend la HEAR dans le cadre d’un partenariat ? D.C. Nous menons une réflexion autour de la création d’une charte : sur la manière dont on parle de ces partenariats, sur la question de nos valeurs, du respect des artistes et créat.rice.eur.s, sur la question des droits d’aut.rice.eur. Il faut penser une forme d’éthique qui accompagne ces relations. Tout est centré sur la conviction que l’artiste a un rôle dans la société. Sans transformer le monde, il peut agir sur la société par petites touches, à des échelles plus petites, pour justement avoir la possibilité d’entraîner une population : c’est aussi la force politique de l’art, il peut changer nos visions du monde et notre rapport aux autres. Beaucoup de chefs d’entreprises font fausse route en pensant que l’art est d’abord un vecteur d’image et de communication. C’est ici même qu’il faut faire œuvre de pédagogie. Justement, Bertrand Jacoberger, comment garantissez-vous cette liberté, chère à la création, aux artistes ? B.J.  Je le fais par l’intermédiaire du fonds, qui est une sorte de garde-fou : il y a un comité artistique, des valeurs, une ligne, une mission. Je n’ai pas une position autocratique. J’assume le propos de l’artiste, il peut me challenger. Le fonds s’appelle N.A. et est lié à une marque, Nature Addict. L’artiste a le droit de me demander comment nos produits sont faits, de nous interroger sur leur

composition, sur nos valeurs. C’est aussi pour ce regard libre qu’on s’intègre dans ce genre de démarches. Ce n’est pas une œuvre qu’on commande, ce n’est pas du sponsoring, on soutient un artiste. Comment abordez-vous la question de l’intérêt général, qui me paraît être centrale dans le cadre du mécénat ? B.J.  Je me suis vraiment intéressé à la culture grâce à La Filature, une scène nationale : les exigences y sont donc très élevées. Ça a été un exemple à suivre pour les actions que je mène aujourd’hui. Si le système français relatif au mécénat (loi Aillagon) est très avantageux, certes, il faut en profiter mais aussi lui donner du sens et pour ça, prendre le temps de regarder chaque projet. Je pense qu’à l’ère des réseaux sociaux, plus rien ne passe : une entreprise qui fait du greenwashing ou du culturewashing, ce n’est plus possible. Il faut un vrai engagement, se laisser le temps de la réflexion, de la maturation. On ne peut pas être dans l’attente de résultats. D.C. Lorsqu’une entreprise nous demande un résultat, un projet précis, je la redirige vers un diplômé en activité, en revanche, si elle veut travailler avec nous, ça va être plus long : on va expérimenter ensemble. Comment dépasser les clichés et faire en sorte que ces deux mondes se comprennent ? D.C. Quand quelqu’un s’intéresse à l’école, on la lui fait visiter, rencontrer des étudiant.e.s, des enseignant.e.s, et les représentations évoluent vite. On se rend compte qu’il

y a des intérêts croisés. Nous sommes issus d’univers tellement différents que ça doit nous aider à porter un regard nouveau sur ce que nous faisons l’un et l’autre. Cet apport est fondamental à un moment où nos étudiant.e.s recherchent d’autres manières de travailler, en dehors du monde de l’art et des institutions culturelles officielles. De la même manière, je me sens investi de la mission de rappeler la dimension théorique de l’art, qui ne peut être séparée des questions de forme. Les artistes sont des chercheurs, qui ouvrent des voies exploratoires. Cela mérite un apprentissage dans la durée et c’est pour cela qu’il est indispensable d’accompagner nos partenaires dans un temps long. B.J.  Les entreprises sont confrontées à un grand besoin de transformation. On parle partout de disruption, de changement de modèle, de cohabitation entre générations qui n’ont pas les mêmes motivations. L’artiste est sensible à la compréhension des enjeux de transformation du monde et l’étudiantartiste d’autant plus. Dans l’école d’art se trouve la création même.


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Zut.HEAR Le reportage

Depuis 2016, PARCUS mécène une exposition temporaire dans les parkings de la ville dévoilant des œuvres des étudiant.e.s et enseignants de MULHOUSE ET STRASBOURG spécialement conçues pour l’occasion. Cette année, Morituri te salutant ! s’installe au parking Opéra Broglie ; reportage en attendant les œuvres.

Prendre place(s) Par Cécile Becker Photo Hugues François


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Thomas Soriano, Charles Kalt, Didier Kiefer, leurs étudiant.e.s et Philippe Lequette, responsable technique de Parcus en pleine préparation de l'exposition, au parking Opéra Broglie.

Thomas Soriano, Charles Kalt et Didier Kiefer, les trois enseignants qui encadrent l’exposition, tiennent à ce rendez-vous avec l’équipe de Parcus. Ce jour-là, les étudiant.e.s (et professeurs) présentent les œuvres qu’ils imaginent, partagent leurs besoins et les confrontent à l’espace… Une mise à plat technique cruciale avant d’entamer la production. Thomas Soriano revient sur la genèse de ce partenariat : « Pascal Jacquin, directeur général de Parcus est sensible à l’art. Il souhaitait faire entrer l’art dans les parkings et m’en a fait part. Charles Kalt rêvait lui aussi de ce genre d’exposition. On a joué la carte du mécénat et Parcus a pu dégager un budget. » Ainsi, depuis trois ans, Parcus finance la production des œuvres des étudiants et professeurs et accueille les expositions dans ses différents parkings, en fournissant appui technique et logistique. Il y eut Fiat lux ! en 2016 au parking Gutenberg, De profundis au parking Petite France en 2017, il y aura Morituri te salutant ! : « La confrontation d’un danger de mort métaphorique et d’un autre, bien réel, qui nous menacent, explique Thomas Soriano. Mais avec cette volonté d’en faire quelque chose de l’ordre de la célébration : on veut encore se battre. » Cette année, la thématique comme les 6 étudiant.e.s ont été sélectionné.e.s par les professeurs, leurs réalisations ne sont soumises « qu’aux » contraintes budgétaires, techniques et spatiales. Ce qui, selon Pablo Stahl (3e année) qui a prévu une installation questionnant la propagande politique, leur permet « d’être en interaction concrète avec un lieu, de se confronter à la réalité ». En d’autres termes, de se mettre en situation professionnelle, ce dont les étudiant.e.s sont évidemment friands. Et Pablo de poursuivre : « Que ce genre de démarches existe en école d’art est crucial, il faut qu’on

Morituri te salutant ! EXPOSITION Du 20.06 au 20.07.18 Parking Opéra Broglie, Strasbourg Avec Lisa Bonvalot, Lola-Ly Canac, Alice Cayol, Jacques Herrmann, Charles Kalt, Didier Kiefer, Vincent Lo Brutto, Thomas Soriano et Pablo Stahl.

soit préparé à ce qui nous attend “dehors”. J’aimerais que ce soit encore plus le cas. » S’il se sent libre, il se pose légitimement et plus globalement la question de l’implication d’une entreprise privée à de tels projets : pourquoi ? Quelles conditions ? Quels compromis ? « Quand je suis arrivé chez Parcus, raconte Pascal Jacquin, mon idée était de faire vivre les parkings. La question de l’appropriation de ces espaces est pour moi aussi importante que celle de la valorisation des salariés, car certains y passent un temps fou et ces expériences habitent les lieux et s’inscrivent hors routine. Le reste ? Nous sommes des facilitateurs, les étudiants et les professeurs peuvent faire ce qu’ils veulent. Il s’agit de leur donner la possibilité de faire et sûrement pas de les empêcher. » Un discours qui témoigne de la relation de confiance qui existe entre la HEAR et Parcus, développée et approfondie depuis 3 ans, et qui pointe la nécessité d’instaurer un échange pérenne. Bloquer 13 places de parking durant un mois – implicitement un manque à gagner ? Alexandra Bade, responsable de la communication, prend note. Seule condition : remettre le parking dans l’état dans lequel ils l’ont trouvé. Et que ce soit dans la production, l’installation ou la remise en état, Philippe Lequette, responsable technique chez Parcus, ultra-impliqué, trouve des solutions, met à disposition son savoir, ses outils et même, ses idées. Ainsi, Lisa Bonvalot (4e année) se voit donner de précieux conseils sur la conception de son œuvre « techniquement pas simple » qui la pousseront à revoir sa copie : sa pièce devra être suspendue plutôt que maintenue entre deux poteaux et complétée d’attaches pour éviter qu’elle ne bascule si le public ou une voiture l’effleure. Idem pour Vincent Lo Brutto (3e année) qui avait prévu de planter une pioche dans le sol… en béton armé. Impossible. Il devra donc modeler un socle en trompe-l’œil, y planter sa pioche et l’entourer de résine pour que le public ne puisse pas la retirer. Philippe Lequette se propose ainsi de lui fournir la résine et un marteau-piqueur en fin d’exposition, pour démonter son installation. Poids des pièces, matériau à apporter, prises et boîtiers à installer… tout est passé en revue, ce qui ne préviendra pas d’éventuels échecs. Charles Kalt conclut : « On reste une école et le plantage peut exister. » Expérimenter, questionner et produire à l’épreuve d’une collaboration et du réel… jamais sans embûches.


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Zut.HEAR Le portfolio

Projets de diplômes, installations artistiques, workshops ou concours… ces projets issus de partenariats avec les entreprises contribuent à la professionnalisation des étudiant.e.s et jeunes diplômé.e.s.

Par Antoine Ponza et Cécile Becker

SAVOIR. FAIRE.


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Papeterie Lana FOCUS ART / ÉDITION / SÉRIGRAPHIE PARTENARIAT WORKSHOPS ET MISE À DISPOSITION DE MATIÈRES PREMIÈRES

UGC FOCUS ART PARTENARIAT INSTALLATION D’UNE FAÇADE, PROJECTION DE FILMS D’ÉTUDIANTS

« Fin 2016, on voulait redonner un petit coup de peps à la façade du cinéma, couverte de huit rectangles métalliques et nous avons fait appel à la HEAR. L’artiste Christophe Hamaide-Pierson, issu d’un collectif international, a travaillé avec des étudiants et l'artiste-enseignant Ivan Fayard sur une proposition visuelle : Aube Vive Azur Fauve, des panneaux colorés rétroéclairés. Chaque année au mois de juin, nous prêtons aussi une salle pour la projection de vidéos d’étudiants. On aime bien se dire que le cinéma ramène à tellement d’arts différents qu’il est bon que ceux-ci soient aussi proposés au public. » Laurence Algret Directrice de l’UGC Ciné Cité Strasbourg Photo La Chouette

« Il y a un grand attachement entre Lana et la HEAR. Les étudiants de la HEAR sont des clients naturels et fidèles de notre magasin d’usine ; ils deviennent nos meilleurs ambassadeurs dans le monde des Beaux-arts ! C’est d’ailleurs un étudiant de la HEAR, en stage au studio graphique Horstaxe et chargé, de toute notre communication graphique qui a opéré la mise en relation entre nous. Lors de nos séances de travail, il était fasciné par tout ce que nous manipulions et évoquions en termes de papier. Mis en place depuis 4 ans, ce partenariat se décline sous de nombreuses formes : workshops, contribution à des conceptions (stand PCD en 2017, création de luminaire en papier par une jeune designer juste sortie de l’école), accueil en stage ou en résidence chez nous, mise à disposition de beaux papiers bien sûr. Nous venons d’ailleurs d’être nommé lauréat du concours Tango & Scan 2018 avec une jeune porteuse de projet, éudiante en design de la HEAR à Mulhouse, qui propose une ligne de mobilier en papier. Le regard des étudiants sur notre travail nous nourrit et l’expérience/savoir-faire de Lana les fascine. Il y a une relation vraiment forte et riche qui s’établit ; c’est du bonheur pour tout le monde ! » Fabienne Stadler Responsable marketing et communication de Lana Photo Catalogue des diplômes 2016 imprimé sur papier Lana © Stereo Buro / HEAR

Verrissima FOCUS ART / DESIGN PARTENARIAT RÉALISATION DE MOTIFS SUR PANNEAUX DE PORTES EN VERRE, JEUNES TALENTS, PAR VERRISSIMA

« À l’issue d’un appel à projets co-construit avec l’école, nous avons proposé à cinq jeunes diplômés de la HEAR de réaliser des motifs pour les panneaux de portes d’entrée vitrées. Cette collection intégrera le catalogue de notre société, lancé au salon Equip’baie à Paris. Chaque diplômé nous remettra trois œuvres graphiques qui seront reproduites sur verre et proposées auprès de l’ensemble de nos revendeurs. Décaler notre regard, plus porté sur le design, vers l’art nous permet de voir autrement notre produit. » Patrick Gross Directeur commercial et marketing de Verrissima Photo Dans l'usine Verrissima de Goetzenbruck lors de la visite des diplômés de la HEAR sélectionnés © Henri Vogt


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Zut.HEAR Le portfolio

Pâtisserie Christian FOCUS ART / CRÉATION ARTISTIQUE & CULINAIRE PARTENARIAT TRAVAUX PROSPECTIFS

« À travers un workshop conduit par plusieurs artistes-enseignants (Charles Kalt, Pauline Pierson, Daniel Schlier), les étudiants étaient invités à inventer de nouvelles manières de présenter/déguster le chocolat. Ces travaux ont abouti à des commandes spécifiques autour des fèves et de la galette. Ces approches apportent une plus-value artistique qui modifie le regard de l’entreprise sur ses produits et confrontent les étudiants et diplômés à des secteurs professionnels éloignés du monde de l’art. » Laurent Doucelance Responsable communication et développement de la HEAR Photo Fèves confectionnées par Héloïse Guérineau, étudiante en Art-Objet, pour Christian, épiphanie 2018.

Corderie Meyer— Sansboeuf FOCUS DESIGN TEXTILE PARTENARIAT MISE À DISPOSITION DE MATÉRIEL, VISITES, TRAVAUX PROSPECTIFS

« Lors de la visite, nous avons récupéré des caisses de bobines sans savoir ce qu’on allait faire avec. Chez MeyerSansboeuf, ces fils sont tressés ensemble pour créer des cordes très résistantes qui servent notamment au yachting. En plus de nos propres tressages sur place, je me suis servi des rebuts pour mon projet de diplôme : récupérer les propriétés d’un matériau très haut de gamme et le déplacer dans un autre contexte. J’ai pensé aux surfaces de sol avec l’idée de pouvoir marcher sur la matière. » Lisa Porteix Étudiante en Design textile (diplôme : 2018) à Mulhouse Photo Lisa Porteix / HEAR

Lalique FOCUS ART-OBJET PARTENARIAT RÉALISATION DE PIÈCES DANS LES ATELIERS DE LA CRISTALLERIE ET EXPOSITION AU MUSÉE

« Nous étions trois étudiantes à la manufacture. Les salariés ont été adorables et n’ont pas hésité à prendre du temps pour nous aider lorsque nous en avions besoin. Lorsqu’on a visité le musée Lalique, ce qui m’a interpellée, ce sont les trois « F » de René Lalique et de l’art nouveau : femme, faune, flore. J’ai voulu replacer le rituel du parfum dans un geste auto-érotique : c’est un pied de nez à cette vision des femmes qui n’existent que par leur corps et le regard masculin. Le flacon représente un plaisir intime, une beauté tournée vers soi. C’est une pièce relativement crue et les salariés ont trouvé drôle que j’y aie pensé. » Juliette Defrance Étudiante en Art-Objet (diplôme : 2018) à Strasbourg Photo Juliette Defrance, Éden, cristal. Pièce présentée dans le cadre de l’exposition F comme..., du 20 mai au 16 septembre 2018 au Musée Lalique, à Wingen-sur-Moder


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CIAV Meisenthal FOCUS DESIGN PARTENARIAT VISITES, WORKSHOPS

« Cette année, nous avons travaillé sur un corpus de documents pour appréhender l’histoire du verre et le Centre International d'Art Verrier, et avons suivi un workshop qui nous a permis de rencontrer un maître-souffleur. Mon projet se base sur les numérisations de 800 moules mis à disposition par le CIAV. À quoi les créations ressembleraient-elles si une erreur se glissait dans les données informatique ? J’ai travaillé autour des savoir-faire auxquels nous avons eu accès et, surtout, sur la question du statut de la mémoire, notamment à l’ère du numérique. J'ai ainsi imaginé et imprimé en 3D des objets verriers dont la modélisation a subi des bugs. Ce projet m’a poussé à rejoindre l’atelier Verre de l’école l’année prochaine. » Davy Toussaint Étudiant en 3e année Design à Mulhouse Photo Davy Toussaint / HEAR

Le Géant des Beaux-arts

DMC FOCUS DESIGN TEXTILE PARTENARIAT MISE À DISPOSITION DE MATÉRIEL, VISITES, TRAVAUX PROSPECTIFS

« DMC, où j’ai effectué un stage début 2018, s’est associé à mon projet de diplôme, ils m’ont fourni 1m3 de matériaux dont je me suis

servi lors du spectacle que l’école a présenté à La Filature [scène nationale à Mulhouse, ndlr] et pour lequel les étudiant.e.s en Design textile, encadré.e.s par Mirjam Spoolder, ont confectionné costumes et décors. J’ai écrit un mémoire sur l’objet transitionnel pour gérer les peurs de l’enfant et, autour de ce mémoire, s’est créée une performance dont j’ai réalisé le décor : un rideau composé de sortes de pelotes de fils. »

FOCUS SOUTIEN AUX ANCIENS ÉTUDIANTS PARTENARIAT MÉCÉNAT MATÉRIEL ET FINANCIER

Aurélien Finance Étudiant en Design textile (diplôme : 2018) à Mulhouse

Laurent Doucelance Responsable communication et développement de la HEAR

Photo Aurélien Finance / HEAR

« Nous accompagnons nos anciens étudiants, notamment par une présence sur des salons, où nous mettons en valeur leurs travaux et les confrontons à la fois au grand public mais aussi à des réseaux professionnels. Pour la mise en place logistique, nous nous associons à nos entreprises partenaires qui peuvent fournir un appui matériel, partager leurs carnets d’adresses ou simplement soutenir financièrement notre présence ; dans cette démarche, les entreprises montrent leur soutien à l’émergence. »

Photo Salon Révélation(s) 2017, Grand Palais - Paris © Valentin Fougeray


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Zut.HEAR Le portfolio

Mittwill Textiles FOCUS DESIGN TEXTILE PARTENARIAT MISE À DISPOSITION DE MATÉRIEL, VISITES, MÉCÉNAT DE COMPÉTENCES

« Mittwill fait partie d’une association, Best of design, qui s’emploie à créer un réseau entre les écoles d’art et de design européennes. Cette association leur réserve un espace au salon Heimtextil à Francfort, un événement qui rassemble tous les professionnels du

métier et les tendances et innovations à venir. Il était important pour nous d’y intégrer la HEAR. Au-delà de cet événement, ce qui nous importe, c’est de tisser des liens avec des jeunes designers qui ont des idées et du talent : en abritant des workshops mais aussi en accueillant

des étudiants dans nos locaux, où ils peuvent bénéficier de nos machines et de notre savoir-faire pour concevoir leurs projets. Quoi qu’il arrive, on ne se mêle jamais du côté esthétique. Si, évidemment, cela peut nous permettre de recruter nos futurs designers, il est aussi question de pousser le milieu vers le haut : le motif est l’enfant pauvre du textile et rares sont les professionnels à reconnaître sa valeur ajoutée… » Cora François Gérante de Mittwill et membre du Conseil d’administration de la HEAR Photo Digital Fashion, projet de diplôme 2018 de Géromine Petit-Pierre, vêtements en série différenciée imprimés avec Mittwill. © Géromine Petit-Pierre / HEAR

Sacred Europe FOCUS DESIGN PARTENARIAT VISITES, TRAVAUX PROSPECTIFS

CTS FOCUS COMMUNICATION GRAPHIQUE PARTENARIAT COMMANDE D’UNE CHARTE GRAPHIQUE / LIVRE : CTS, L’ART DU MOUVEMENT DEPUIS 140 ANS

« Lorsqu’il a été question de sortir un livre sur l’histoire de la CTS, nous avons rapidement pensé à la HEAR car nous voulions quelque chose d’original et créer une dynamique autour de ce projet. Après avoir fourni du matériel iconographique et des éléments

d’explication, 3 groupes d’étudiants encadrés par l’atelier Terrains Vagues, ont planché sur des propositions. Le jury, composé du corps enseignant, des directions de l’école et de la CTS, a sélectionné le projet de So-Hyun Bae, Laurianne Delaville-De La Parra et Héloïse Gosse construit autour de trames graphiques – belle symbolique ! – et des tickets de transports. L’agence Welcome Byzance a affiné le projet en l’adaptant à nos contraintes, notamment budgétaires, et s’est ensuite occupée de l’exécution graphique en respectant la charte mise en place par les étudiantes. Nous voulions sortir de l’image classique de l’entreprise de transports publics et l’objectif a été totalement atteint : ce livre incarne l’idée de modernité. » Amandine Carré-Charter Responsable de la communication de la CTS Photo Clémence Viardot

« Nous sommes partis d’une méthode de production et de l’objet, et les avons réemployés pour un projet dépassant la valeur technique et plastique du soufflet d’amortisseur que Sacred Europe fabrique. J’ai aiguillé les étudiants pour qu’ils apprennent à porter un regard neuf sur une production très technique. Tristan Moana Engel a imaginé une enceinte bluetooth composée de soufflets. Ce partenariat répond à notre pédagogie articulée autour du design process : on n’appréhende pas seulement un objet mais aussi la façon dont il est produit, comment il interagit avec son environnement… Il s’agit d’interroger la place du designer dans notre société et dans les entreprises. » Nathalia Moutinho Responsable de la section Design à la HEAR Mulhouse Photo Tristan Moana Engel / HEAR


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Senfa FOCUS COMMUNICATION GRAPHIQUE PARTENARIAT MISE À DISPOSITION DE MATIÈRES PREMIÈRES

La Cave du Roi Dagobert FOCUS DIDACTIQUE VISUELLE PARTENARIAT VISITE, WORKSHOPS

« Avec mon collègue OlivierMarc Nadel, nous sommes intervenus auprès d’étudiants de deuxième année qui sont dans un cursus de communication, et pas encore dans l’atelier de didactique visuelle. Par le graphisme et l’illustration, on peut comprendre un processus de fabrication. On a visité la cave, rencontré le directeur de la coopérative et des vendangeurs. Les étudiant.e.s étaient très libres et ont fait un petit film : De la vigne au verre. C’est un mélange de captations vidéo et de dessins en train de se faire, mixé avec des sons d’interviews et extraits de films documentaires sur la production de vin d’Alsace des années 80. Plus qu’un objectif de communication, il s’est agi d’une rencontre entre une culture et un savoir-faire et de la production expérimentale. Quelque chose d’assez léger, dans l’esprit des boulots que l’on mène : les étudiants partent du réel, d’une rencontre. »

« J’ai invité l’artiste Yann Sérandour à travailler sur un projet d’exposition avec huit étudiants des ateliers Communication graphique, Scénographie et Livre. L’exposition à La Chaufferie a été entièrement conçue par les étudiants et accompagnée par l’artiste. La contrainte était de monter une exposition sans œuvre : la réflexion a été menée autour de la reproduction d’une photographie d’archive éprouvée par l’artiste sous toutes ses formes. En plus de divers documents imprimés, les étudiants ont

pensé une repro géante de cette photographie. Il nous fallait une toile suffisamment grande et Senfa [fabricant de textiles techniques enduits, ndlr] est l’une des rares entreprises qui proposent ce genre de matériau. Si nous n’avions pas bénéficié de ce soutien matériel, l’exposition aurait dû être pensée différemment. Ils nous ont permis d’aller au bout d’une démarche dans les meilleures conditions, sans rien attendre en retour et en fournissant des matériaux pour certains projets de diplômes. » Jérôme Saint-Loubert Bié Responsable de l’atelier Communication graphique à la HEAR Strasbourg Photo Vue de l’exposition 1/20. Un Vingtième, présentée à La Chaufferie © Antoine Lejolivet / HEAR

Olivier Poncer Responsable de l’atelier didactique visuelle à la HEAR Strasbourg Visuel Capture d'écran de la vidéo réalisée par les étudiant.e.s, avec les illustrations de Hyun-Seok Choi, Clémence Ferrando, Pauline Marx, Marlène Mezache et Aline Ricci.

Mais aussi Conception d’une vitrine des Galeries Lafayette de Strasbourg (Lafayette Anticipations) par les étudiant.e.s en Communication graphique, don d’une machine à l’atelier bois par l’entreprise Modag Distribution, travaux menés par des étudiant.e.s de la section Design autour de l’aménagement des loges du festival Les Eurockéennes de Belfort,

travail prospectif des étudiant.e.s autour de la cuisine du futur avec Cuisines Schmidt (un projet émanant d’AlsaceTech, réseau auquel la HEAR est intégrée), pour le Cabinet Walter : recherche autour de la création d’une œuvre offerte à leurs clients chaque année…


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Zut.HEAR Hear.pro ???mécénat Le

Les soutiens apportés par les entreprises à la HEAR témoignent de la diversité de formes que peut prendre le mécénat : financier, en nature ou de compétences. Contexte et quatre exemples types.

Le mécénat, une définition « Soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général. » (Arrêté du 6 janvier 1989, source : Ministère de la Culture et de la Communication) Le mécénat et la HEAR « Mis en place assez récemment au sein de la HEAR, le développement du mécénat peut accompagner des projets pédagogiques et artistiques de l’établissement. Ceux-ci prennent la forme d’événements, ponctuels ou récurrents, pour lesquels nous sollicitons des entreprises afin de permettre aux étudiants d’aller plus loin dans leur expression. De façon plus générale, nous proposons aux entreprises d’accompagner l’école dans le financement des actions qu’elle mène en direction de ses diplômés. Que ce soit à travers des aides à projets, la mise à disposition d’ateliers, la création d’une plateforme en ligne d’information, de ressources et d’expertises pour faciliter la transition entre la formation initiale et le début de la vie professionnelle ou encore la participation à des salons nationaux ou internationaux d’envergure, qui vont accélérer leur visibilité auprès des réseaux de professionnels, la HEAR a fait le choix d’accompagner ses diplômés une fois l’épreuve du diplôme passée. Le soutien apporté est l’occasion pour les entreprises d’avoir un accès privilégié à ces talents, auxquels ils peuvent faire appel pour accélérer leur développement. Cette démarche, c’est notre objectif, va pouvoir s’intensifier avec le support de la Fondation de l’Université de Strasbourg, dont la HEAR est un établissement associé. »

QUELQUES LIENS UTILES • Des définitions, des conseils, des outils sur le site de l’Admical, association experte du mécénat : -> www.admical.org • À Strasbourg, la Fondation de l’Université, à laquelle la HEAR est associée, devient un interlocuteur privilégié en termes d’expertise technique, de suivi de dossiers et de connaissance légale. -> www.fondation.unistra.fr • Contact HEAR : -> laurent.doucelance @hear.fr +33 (0)3 69 06 37 75

Laurent Doucelance, responsable communication et développement de la HEAR

PARTENAIRES PARTICULIERS Par Cécile Becker


17 Par Marie Beckrich

MÉCÉNAT FINANCIER CRÉATION DU CONCOURS ANNUEL LES TALENTS SATI OUVERT AUX ÉCOLES D’ART DU GRAND EST ET DU BASSIN RHÉNAN, EN PARTENARIAT AVEC LA HEAR

Sati Depuis 2013, Nicolas Schulé, président des cafés Sati, met en lumière les liens entre l’art, l’industrie et la ville en invitant de jeunes créat.rice.eur.s à habiller la façade de l’entreprise. La collaboration de Sati avec la HEAR témoigne en premier lieu d’une volonté d’inscription dans le territoire. Alors que l’expansion du centre-ville vers la périphérie grignote les zones moins habitées du Neudorf, l’usine de torréfaction et siège de Sati devient de plus en plus centrale. « Interagir avec un écosystème », c’est l’une des raisons qui ont poussé Nicolas Schulé à contacter l’école en 2013, en lui demandant d’être son partenaire dans la création des Talents Sati. Depuis, l’école accompagne l’entreprise dans son projet, associant ses écoles d’art partenaires (Grand Est, Suisse et Allemagne) ou encore mettant à disposition son expertise en matière d’ingénierie de projets. Les candidat.e.s conçoivent un projet pour les quelque 150 m2 de bâche qui habillent le bâtiment. Un pré-jury sélectionne les trois meilleures propositions – chacune récompensée par la somme de 500 € – et ses recommandations orientent les artistes pour un re-travail en vue de la présentation finale à un jury présidé par une personnalité reconnue du monde l’art. La ou le lauréat.e bénéficie d’un achat de droits à hauteur de 4 000 € – l’ensemble des frais de production étant pris en charge par la société – et a un mois pour produire son

projet, épaulé par l’agence de communication Les médias associés. L’œuvre, qui sera vue par les 30 000 véhicules par jour circulant sur le pont du Rhin, est révélée publiquement lors d’une croisière inaugurale devant une soixantaine d’invités. Depuis l’édition 2018, les artistes récemment diplômé.e.s peuvent également concourir, ce qui suscite « émulation et créativité ». Membre du jury, Nicolas Schulé précise toutefois que les œuvres s’apparentant à une affiche publicitaire sont éliminées d’emblée : aussi belles soient-elles, ces productions ne répondent pas aux exigences du concours. « “Ne me faites surtout pas de pub !” : c’est ce que je répète chaque année aux étudiants ! » En rappelant les difficultés des lauréat.e.s des années précédentes, qui ont dû faire face à des problèmes techniques lors de la réalisation de leurs œuvres, le président de Sati insiste sur le caractère professionnalisant d’une telle démarche. Alexis Reymond, lauréat du concours pour l’édition 2014, est entré à l’ENSCI-Les Ateliers peu après cette expérience : « Elle m’a conforté dans mon autonomie vis-à-vis d’un projet et dans la confiance que je lui porte. (…) Depuis, j’ambitionne des projets artistiques plus importants. »

À NOTER • Ouverture du prochain appel à projets en septembre 2018 www.lestalentssati.com

Après Blazing Darkness de Merle Sommer, Nina Kronenberger et Maria Sieradzki (Talents Sati 2016, Hochschule der Bildenden Künste Saar, Saarbrück), l'œuvre Intemporel, de Pierre Boyer et Youri Asantcheeff (Talents Sati 2017, HEAR, Strasbourg) a pris place sur la façade de l'usine de torréfaction des Cafés Sati. © Martial Lanno / Les médias associés


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Zut.HEAR Le mécénat

MÉCÉNAT DE COMPÉTENCES TRAVAUX PROSPECTIFS DES ÉTUDIANT.E.S SOUS FORME DE WORKSHOPS

ALE International Pour l’entreprise de télécom, les expérimentations des étudiants seront peut-être les innovations de demain. Lorsqu’il contacte l'école, Emmanuel Helbert lui lance un défi : « Surprenez-nous ! » Celui qui est en charge de l’innovation chez Alcatel-Lucent n’a pas peur du métissage, bien au contraire : « L’art a tout à fait sa place dans l’entreprise et particulièrement dans les télécommunications, où l’usager est aujourd’hui au centre des préoccupations. » Comme Emmanuel Helbert le souligne : « Une bonne idée peut surgir de partout. » Première étape : un email aux responsables de sections de l’école, dont trois répondent favorablement à l’appel. Côté Illustration et Vidéo, les élèves doivent créer des séquences animées en répondant à cette question : que fait-on d’un écran quand on ne le touche pas ? Avec Nathalia Moutinho, enseignante de la section Design à la HEAR Mulhouse, deux groupes d’étudiant.e.s sont invités à participer à des ateliers au sein de l’entreprise. Un premier workshop est organisé durant l’été 2017, où les élèves ont pu éventrer des téléphones pour en étudier le squelette afin de le repenser.

En association avec des étudiant.e.s en ethnologie de l'université de Strasbourg, des interviews des salarié.e.s d’Alcatel sont menées. L’enjeu ? Comprendre leurs habitudes de travail et trouver des solutions pour les rendre plus agréables. Quelques mois plus tard, en avril 2017, deux prototypes seront exposés à la biennale de design de Saint-Étienne. La collaboration ne s’arrête pas là, puisque suite à ce premier échange, trois étudiant.e.s de la section Design intègrent l’entreprise pour un stage. L’un d’eux, Brice Ammar-Khodja, évoque ses réticences : « J’avais beaucoup d’a priori sur les grandes entreprises, et finalement c’est très souple. (…) C’est un laboratoire très libre ; dans une entreprise dans laquelle on pourrait croire que tout est assez fermé, il y a finalement une partie très expérimentale. » L’étudiant comme le responsable innovation d’Alcatel soulignent l’importance du surgissement, de l’impromptu, de la surprise qu’amène nécessairement la rencontre entre art et technologie. « Ces projets peuvent faire prendre conscience aux entreprises que ce type de profils a de la valeur », affirme-t-il encore, promouvant l’intégration de jeunes créat.rice.eur.s dans le monde de l’entreprise. À ce jour, les projets initiés par les anciens stagiaires sont à l’état de prototype, mais l’entreprise reste en contact étroit avec l’école. De quoi augurer de belles innovations…

Cirro Focus dispositif prototypé par les étudiant.e.s et exposé à la Biennale Internationale Design Saint-Étienne 2017. Il s'intégrait dans une réflexion plus large sur l’impact de la méthode Agile, méthodologie de projets appliquée par les équipes d'ALE International. Photo Nathalia Moutinho


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Pages intérieures du supplément HEAR + Les Inrockuptibles,

Les Conquérants de l'inutile, représentaion à la Manufacture des Tabacs, diplômes 2017. Projet de Fanny Clouzeau, section Scénographie. Photo Alexandre Schlub

MÉCÉNAT FINANCIER CRÉATION DU PRIX DE SAS 3B – SCÉNOGRAPHIE

MÉCÉNAT EN NATURE IMPRESSION DE SUPPORTS DE L’ÉCOLE ET SOUTIEN AUX PROJETS DE LA HEAR

SAS 3B

Estimprim

Nouveauté de la prochaine remise des diplômes : le prix de la scénographie – SAS 3B. Désormais, une bourse de 1 000 € sera attribuée à un étudiant en Scénographie de la HEAR. Si ce type de collaboration présente un avantage fiscal (pour un don de 5 000 € à l’école, l’entreprise sort de sa poche 2 000 € après déduction fiscale), l’aménageur et promoteur immobilier souhaite également intégrer les étudiant.e.s dans des réflexions sur l’habitat via des ateliers pédagogiques qui seront mis en place. Georges Bousleiman, directeur de SAS 3B, explique sa démarche : « Ces réflexions menées avec la participation de nos architectes peuvent être bénéfiques pour notre entreprise, et en même temps élargir l’horizon des étudiants sur le rapport entre art et habitat. Et peut-être même constituer une passerelle entre le monde parfois abstrait de l’art et le monde pratique de l’entreprise. »

Depuis quatre ans, l’imprimerie de l’Est de la France offre régulièrement ses services aux étudiants de l’école. Depuis 2016, elle est également mécène. Estimprim a offert ses compétences à la HEAR pour l’impression d’un supplément des Inrockuptibles promouvant les talents des illustrateurs strasbourgeois outre-Atlantique. C’était à l’occasion de l’exposition Fit to Print, qui a rassemblé au musée Tomi Ungerer de Strasbourg, puis dans les locaux du New York Times, les dessins de presse commandés par le quotidien américain à d’anciens élèves de la HEAR. Pour le directeur de l’entreprise Philippe Berteaux, le mécénat est une responsabilité sociétale : « L’art, c’est un des leviers du développement local. À ce titre-là, être aujourd’hui mécène, c’est favoriser des créations qui se développent sur notre territoire. »


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Zut.HEAR Le textile

À Mulhouse, la SECTION DESIGN TEXTILE est tout naturellement concernée par les partenariats avec les entreprises. Ne serait-ce qu’au travers de la présence de nombreuses industries sur le territoire. Cette démarche, qui profite aux étudiant.e.s comme aux entreprises, ici CONFRONTÉES À LA JEUNE CRÉATION, est au cœur même de l’atelier textile de la HEAR.

Fil d’Ariane Par Cécile Becker

Visite des étudiant.e.s de l'usine Garnier-Thiébaut. Photo Alexandre Schlub


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On ne compte plus les partenariats avec les entreprises mis en place dans le cadre de la section Design textile à Mulhouse. DMC, Garnier-Thiébaut, La Cerise sur le Gâteau, Mittwill, Meyer Sansbœuf, Philéa Textile… Si ces contacts se justifient par la présence historique d’industries textiles dans la région, de créateurs et de structures s’attachant à préserver ce patrimoine dans la région, ils s’intègrent surtout dans une démarche pédagogique chère à la HEAR. Christelle Le Déan, l’une des trois enseignantes de l’atelier textile aux côtés de Mirjam Spoolder et Dagmara Stephan, explique : « Chaque année, nous avons de nouvelles possibilités en termes de partenariats. Il en découle divers projets qui font partie intégrante de la pédagogie. Il s’agit d’aller chercher des métiers, des savoir-faire, des techniques pour permettre aux étudiant.e.s de développer des méthodologies, de comprendre des contextes. Développer leur curiosité et leur montrer que l’industrie n’est pas un monde impénétrable est très important, car de plus en plus, elles et ils seront amené.e.s à traiter avec différentes typologies de clients, et même à changer de métier en cours de route. » Dès son arrivée à la HEAR, Christelle Le Déan, fervente pratiquante du « cousu main », sous entendu du “faire”, s’est rapprochée du Pôle Alsace Textile pour répondre à ces besoins. Ainsi, depuis plusieurs années et de manière régulière, les étudiant.e.s de la 1ere à la 5e année sont amené.e.s à visiter des entreprises, se saisir des outils de production, réfléchir à de nouveaux usages, créer des pièces en fonction des matières premières données à l’école (et qui permettent d’année en année de structurer les ateliers) et même, parfois, à développer leurs propres projets en profitant des compétences et machines de certaines entreprises qui n’hésitent pas à leur ouvrir leurs portes sur demande. Chaque partenariat donne naissance à un ou plusieurs échanges de ce type et est suivi sur le long terme. Exemple avec Héloïse Monfourny qui a, en 3e année, visité la corderie Meyer-Sansboeuf, récupéré, questionné et travaillé cette matière jusqu’à sa 5e année. Pour son diplôme, elle a détourné les usages de ces cordes et fa-

Les étudiant.e.s présentent leurs travaux et recherches autour de la marque La Cerise sur le Gâteau à sa créatrice, Anne Hubert. Photo Christophe Schmitt

briqué son propre outil pour créer des filets qui se confondent en accessoires de mode. Christelle Le Déan poursuit : « Pousser les limites et contraintes techniques, favoriser le détournement et l’hybridation », tout en prenant conscience des réalités professionnelles. Lors de ces visites encadrées par des salarié.e.s, les étudiant.e.s découvrent autant les conditions de travail que des outils dont ils apprennent à se servir pour créer, notamment des motifs comme ce fut le cas chez Garnier-Thiébaut, fabricant de linge de maison, ou Mittwill, converteur textile. Avec Anne Hubert de La Cerise sur le Gâteau, la démarche a été poussée à son paroxysme : la créatrice mulhousienne est venue présenter sa marque, les étudiant.e.s ont visité son atelier, puis, ils et elles ont produit des pièces en lien avec l’ADN de la marque, présentées enfin à la créatrice. Céline Teixeira, en 3e année, a choisi de se concentrer sur les inspirations d’Anne Hubert liées à son histoire familiale. L’étudiante, d’origine portugaise, s’est penchée sur la blouse typique portée par les femmes en cuisine, qu’elle a revue, corrigée et « ancrée dans son époque ». Et pour les entreprises ? Anne Hubert témoigne : « Il faut dire que les

entreprises sont souvent un peu larguées par rapport à la création. Ces initiatives apportent une ouverture d’esprit, d’autres modes de réflexions qui nous sortent de nos automatismes. C’est rafraîchissant d’être confrontés à des étudiants qui ne sont pas encore pervertis par la réalité. Après, selon moi, créer un produit n’est pas une finalité, il faut prendre ces expériences comme de la pédagogie partagée. Ces démarches ne doivent pas être calculées : fournir tissus et matières, laisser libre cours à la création, et tous se laisser surprendre. » D’autres étudiant.e.s sensibilisé.e.s à la nécessité de se confronter au monde professionnel répondent à des concours (AlsaceTech, adressé aux écoles du territoire notamment) ou creusent leur propre sillon. Chloé Stenger et Louna Desvaux, en 3e année, travaillent sur le textile durable et la revalorisation des chutes et rebuts. Elles ont monté leur collectif (Tisseuses d’idées) et partiront avec le soutien de la HEAR et de la Région faire un tour du monde documenté des initiatives en la matière. Autre intérêt des partenariats : l’embauche d'étudiant.e.s. Manon Garcia del Barrio a cette année été recrutée par Velcorex, quand Charles-Henri Liégeard intégrera Mittwill pour travailler en tant que commercial cet été... Création et professionnalisation sont, ici, deux mots qui vont bien ensemble.


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Zut.HEAR La professionnalisation

Parler de la professionnalisation des artistes, c’est parler de l’articulation entre création et économie. Grégory Jérôme, responsable de la formation continue à la HEAR, agit pour que les (futur.e.s) artistes se saisissent de cette problématique. Placés en regard, ces parcours d’anciens étudiant.e.s confirment l’importance du “faire”. Certain.e.s diplômé.e.s d’écoles d’art sont, par l’essence même de leur section (Design ou Design textile), directement confronté.e.s à la production. Pour d’autres, il sera plus délicat de se projeter dans l’après. Si la création reste leur dénominateur commun, les possibilités en termes de professionnalisation, et de statuts, sont infinies : salariat ? Indépendance ? Auto-entreprise ?  Artiste-auteur ? C’est justement pour confronter les étudiant.e.s à cette réalité que David Cascaro, directeur de la HEAR, demande à Grégory Jérôme, spécialiste des questions de statuts, cadres juridiques et de socio-économie des activités de créations, de lui rendre une étude sur la professionnalisation des diplômé.e.s. À sa suite, ils décident en 2015 de monter la première formation continue généraliste dans le cadre d’une école d’art de France – il existe le même type de cursus à l’ENSP d’Arles, appliqué à la photographie. L’idée ? Continuer à se former tout au long de sa vie professionnelle, d’un point de vue théo-

rique et pratique. Les formations peuvent notamment aborder la négociation, la facturation ou la comptabilité. « J’incarne le versant sombre de la création : l’économie, la gestion, le droit, que bon nombre d’étudiants ou d’artistes considèrent comme secondaires, voire vulgaires. Or, plus les artistes comprendront le système dans lequel ils évoluent, plus ils s’en libéreront. Les artistes, que l’on sait dans des situations précaires, peuvent rééquilibrer le rapport de force en connaissant les lois et leurs droits. » Grégory Jérôme insiste par ailleurs sur l'importance de se pencher sur leurs revenus (et leurs impôts !) : « Diversifier les sources de revenus, c’est aussi lâcher la pression économique sur l’artistique et donc créer avec plus de pertinence. » Autre enjeu : « que les artistes apprennent à présenter et défendre leur travail ». Il s’appuie sur les Documents d’artistes initiés par la région PACA, qui structurent et rassemblent les biographies et présentations d’artistes de la région. La question de la professionnalisation nous rappelle que si le regard des artistes aide la société à se questionner, ils ne doivent néanmoins pas s’en couper. www.hear.fr/formation-continue Par Cécile Becker

L'ÉCOLE EST FINIE.


23 Par Marie Beckrich Photos Christophe Urbain

« Restez curieux... et apprenez l’anglais ! » Annie Sibert

Annie Sibert DIPLÔME ART-OBJET, 2009 AUJOURD’HUI ORFÈVRE ET SCULPTRICE À STRASBOURG

L’anecdote Après le bac, elle rate le concours d’entrée de la HEAR mais déménage à Strasbourg malgré tout et s’inscrit en fac d’art. Elle passera une grande partie de son année avec des étudiants de la HEAR et obtiendra le concours l’année suivante. L’école Après son diplôme, elle enseigne à l’atelier bijou de l’école puis travaille pendant deux ans à La Chaufferie, l’espace d’expositions de la HEAR à Strasbourg. L’école, qui, grâce au soutien de ses mécènes, met régulièrement en avant le travail de ses anciens étudiants dans le cadre de salons, l’expose au Grand Palais : un tremplin vers d’autres expositions de plus grande ampleur, notamment en Asie. Le conseil « Restez curieux... et apprenez l’anglais ! »

Caroline Manowicz

Frédéric Debackere

DIPLÔME DESIGN, 2017 AUJOURD’HUI DESSINATRICE CHEZ LELIÈVRE DRIOT À IVRY-SUR SEINE

DIPLÔME DESIGN, 1997 AUJOURD’HUI ARCHITECTE ET DESIGNER INDÉPENDANT AUX ÉTATS-UNIS

L’anecdote En 2015, elle remporte l’appel à projets « Objets liturgiques », proposé à l’occasion du millénaire de la cathédrale à Strasbourg. Il lui permet d’être embauchée en CDI dans une orfèvrerie, moins d’un an après son diplôme. L’école L’école lui a apporté « un état d’esprit, une philosophie de création, un regard critique », qu’elle a intégrés à sa pratique actuelle du design. Elle a apprécié que la HEAR permette aux étudiants d’être porteurs de projets : en étant confrontés aux limites de leurs idées, ils font un premier pas vers le « faire » et la vie professionnelle.

Caroline Manowicz Vaisselle liturgique, calice et coupes de la cathédrale de Strasbourg, 2015. © Frédéric Triton / HEAR

Le conseil « Tentez quoi qu’il arrive ! Les concours sont difficiles, il ne faut pas se décourager ! »

L’anecdote Pour payer ses factures, il est mouleur pour un prothésiste. Un emploi qu’il obtient suite à son stage chez Spaeth à New York, où il fait des décors de vitrine en animatronique. L’école La lettre de recommandation de l’un de ses professeurs lui permet de travailler avec Gaetano Pesce ; un tremplin vers sa collaboration avec l’artiste américain Dennis Oppenheimer. Pour lui, le design est aussi une affaire de contact humain. Il raconte sa rencontre avec l’architecte italien : « J’ai travaillé comme un fou pendant presque une semaine sur mon portfolio et quand on s’est rencontré, on ne l’a jamais ouvert. On a parlé, bu et mangé : entre nous le courant est passé ! » Le conseil il faut la chercher ! »

« La chance,


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Zut.HEAR La professionnalisation

Trafik, visuel de l'exposition 1 2 3 data, de la Fondation Groupe EDF à Paris, 2018

« Une carrière d’artiste s’apparente à un voyage initiatique qui durerait toute une vie. »

Pierre Rodière

Déborah Farnault

DIPLÔME COMMUNICATION GRAPHIQUE, 1998 AUJOURD’HUI GRAPHISTE ET PLASTICIEN INDÉPENDANT À LYON

Après trois ans aux BeauxArts, il entre à la HEAR puis fonde le bureau de graphisme Trafik avec son frère, développant des projets d'identité visuelle, de scénographie et d’installations numériques pour de grandes marques et institutions en France et à l’étranger. Les plus de l’école « La diversité de ses sections, ses intervenants prestigieux et la défense du travail d’auteur. »

Déborah Farnault DIPLÔME ART, 2008 AUJOURD’HUI PHOTOGRAPHE À LOS ANGELES

Son plus Erasmus à Helsinki et Master 2 à Sciences Po. Après un parcours universitaire atypique, elle décide de s’expatrier à New York où elle travaille en tant qu’artiste et indépendante dans la production. La multiplicité de ses expériences lui plaît mais à la faveur d’un déménagement à Los Angeles, elle retourne à son médium de prédilection, la photographie. Pour elle, « une carrière d’artiste s’apparente à un voyage initiatique qui durerait toute une vie. L’enjeu est de continuer à développer sa pratique artistique tout en l’inscrivant dans un contexte social et culturel, la faire évoluer avec soi, mais aussi d’épuiser le médium que l’on choisit, d’expérimenter et de grandir indépendamment du marché et des tendances ! »

David Séchaud DIPLÔME SCÉNOGRAPHIE, 2011 AUJOURD’HUI SCÉNOGRAPHE POUR SA COMPAGNIE PLACEMENT LIBRE ET ACCESSOIRISTE INTERMITTENT DU SPECTACLE À STRASBOURG

L’école Il profite de son projet de fin d’études pour proposer une maquette de spectacle qui sera un premier pas dans le monde professionnel. Un atout, même s’il souligne la singularité de chaque parcours et l’indépendance de l’artiste vis-à-vis de l’enseignement qu’il reçoit. « Le propre d’une école d’art est de nous former et de nous apprendre à nous déformer : à la sortie, il n’y a pas deux personnes qui prennent le même chemin. » Le conseil Il faut chercher à profiter de la richesse de l’école tout en construisant le maximum de relations à l’extérieur : « Être à l’école, c’est déjà être artiste et être au travail. »

Laurent Méthot DIPLÔME COMMUNICATION VISUELLE, 1989 AUJOURD’HUI MARCHAND DE DESIGN VINTAGE, PEINTRE ET COMMISSAIRE D’EXPOSITION

Après neuf ans d’études artistiques dont à la HEAR à Mulhouse, il rachète un ancien cinéma qu’il décore de mobilier d’occasion, alors que la chine n’est pas encore au goût du jour. Par la force des choses, il devient petit à petit une référence en la matière, collaborant notamment avec le Vitra Design Museum. « Le fait de me retrouver marchand de design, c’est un peu la fatalité. »


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Simon Liberman & Olivier Bron DIPLÔME 2009 ET 2007, ILLUSTRATION AUJOURD’HUI ÉDITEURS ET FONDATEURS DES ÉDITIONS 2024 À STRASBOURG

Parcours Ils se rencontrent à l’école Estienne à Paris et se retrouvent à la HEAR où ils rejoignent le collectif de bande dessinée Troglodyte. Ils fondent leur maison d’édition en 2010 et y publient autant le travail de leurs anciens camarades que celui d’auteurs rencontrés dans le fanzinat. Il leur faudra sept ans pour faire de cette activité leur source principale de revenus. L’école Ils suivent l’enseignement de Guillaume Dégé et reconnaissent que « l’école s’est beaucoup faite à côté, avec les gens qu’on a rencontrés ». Le conseil d’Olivier Bron « Achetez des livres de 2024 ! »

Romain Diroux & Manon Leblanc, boules de Noël Silex, éditions CIAV de Meisenthal, 2015. Photo : Guy Rebmeister

« Créez quelque chose de différent ! » Stéphane Audouin

Franck Wittmann DIPLÔME ART-OBJET, 2005 AUJOURD’HUI FERRONNIER D’ART INDÉPENDANT À FLORANGE

Il découvre le travail du fer à chaud à la HEAR et c’est la révélation. Formé par le maître d’art Pierre Gaucher, il passe son diplôme et se lance à son compte après un CAP additionnel. Pour lui, il était impensable de séparer art et artisanat : technique et créativité doivent se nourrir l’une et l’autre.

Yannick Mathey DIPLÔME COMMUNICATION GRAPHIQUE, 2010 AUJOURD’HUI ENTREPRENEUR, GRAPHISTE ET TYPOGRAPHE À LYON

En 2009, alors qu’il est encore à l’école, il conçoit Prototypo, une application web qui permet à l’utilisateur de créer sa propre police. Il vit de cette activité depuis 2013. Le conseil Bien choisir le projet de fin d’études car « c’est la pièce maîtresse de votre portfolio. »

Stéphane Audouin DIPLÔME DIDACTIQUE VISUELLE, 2008 AUJOURD’HUI HEAD OF DESIGN À L’AGENCE DE PUBLICITÉ MARCEL À PARIS

Étudiant, il est marqué par le discours d’un intervenant professionnel selon lequel 70% des étudiants seraient embauchés en agence ; il décide qu’il fera partie de ceux-là. Sa motivation sera d’autant plus forte que la précarité étudiante l’oblige à travailler en intérim à côté de l’école. Son conseil « Créez quelque chose de différent ! »

Romain Diroux & Manon Leblanc DIPLÔME DESIGN, 2011 AUJOURD’HUI DESIGNERS D’OBJETS, SCÉNOGRAPHES ET FONDATEURS DE STUDIO MONSIEUR À PARIS

Sélectionnés pour participer à un workshop organisé par l’école au centre d’art verrier de Meisenthal, ils restent en contact avec l’entreprise et proposeront la boule de Noël Silex, en 2015. Le conseil « Beaucoup travailler. »


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Zut.HEAR Le lieu

En 2020, une partie de LA HEAR S’INSTALLERA DANS L’ANCIENNE MANUFACTURE DES TABACS , où ses nouveaux voisins seront nombreux et divers. À travers cette proximité entre acteurs de différents secteurs, on cherche à favoriser dynamiques et projets, mais aussi à dynamiser l’attractivité de la ville, comme l’explique Alain Fontanel, premier adjoint au maire de Strasbourg chargé de la culture et président de la HEAR.

Terrain fertile Propos recueillis par Sylvia Dubost

Suffit-il de mettre les acteurs en présence pour les mettre en lien ? Comment sera piloté le projet une fois tout le monde installé ? On intègre tous les acteurs dans le comité des usagers, l’idée est que le projet évolue en co-propriété, qu’on envisage les étapes à venir ensemble. Il s’agit de mutualiser des fonctions et de développer des actions en commun. Les bibliothèques de la HEAR et de l’Université ont par exemple été fusionnées, on aura une grande banque de données art et sciences qui amènera les étudiants à se croiser. Pour cela il y a aussi les lieux de vie, et l'espace d'expositions de la Manufacture sera géré par les usagers, qui y mettront en place des projets communs.

Vous présentez la future Manufacture des tabacs comme « un écosystème innovant et créatif ». Concrètement, qu’est-ce que cela regroupe ? C’est un lieu de création, pensé autour de trois axes : innovation, arts et sciences. Il accueillera une partie de la HEAR et le pôle d’excellence G2EI (Géosciences, eau, environnement, ingénierie) porté par l’Université de Strasbourg, soit plus d’un millier d’étudiants, un incubateur de start-up et Accro, opérateur d’économie créative, et enfin des services innovants autour de la mutualisation et du partage. C’est aussi un lieu de vie et de rencontres, avec une auberge de jeunesse nouvelle génération, une place du village au cœur du site avec restaurant-bar, épicerie et magasin de production porté par LAB (Lieu d’agriculture biologique), des animations et des expositions dans l'ancienne chaufferie de la Manufacture [à ne pas confondre avec La Chaufferie, l’espace d’expositions de la HEAR, ndlr] de la Manufacture.

Qu’attendez-vous de ce lieu ? Qu’il fasse émerger des projets ? Oui, mais ce qui nous intéresse d’abord, c’est la dynamique et la force du croisement de la jeunesse, l’expérimentation avec le volet entreprenariat et l’ouverture au quartier. Ici se concentrent les valeurs de la ville de demain. La Manufacture doit créer de la valeur ajoutée au-delà de l’addition de ceux qui y sont. On attend de la fertilisation croisée. Cela vous semble-t-il aujourd’hui indispensable ? L’attractivité et la compétitivité des grandes agglomérations se construit par le croisement des approches. Il n’y a pas de création sans capitaux, pas d’économie sans design. Il faut aussi des lieux porteurs de valeurs : un territoire ne peut pas être attractif sans cela.


Prix “3b-Scénographie”

Les Écholalies, représentation à la Manufacture des tabacs, 2017 Lacrimosa, de Simon Jére Photo : Alexandre Schlub

La HEAR est l’une des rares écoles supérieures d’art en France

à proposer une formation supérieure artistique en Scénographie (expositions, théâtre, espace public).

Le nouveau prix « 3b-Scénographie » d’un montant de 1000 €

est destiné à un étudiant de dernière année de DNSEP/master Art,

mention Scénographie qui s’est distingué par la qualité artistique et professionnelle de son travail de Diplôme. Avec le mécénat de SAS-3b

SAS-3B est une société d’aménagement foncier et de promotion

immobilière indépendante strasbourgeoise. Promoteur régional

de qualité au service de ses clients et des collectivités, SAS 3B crée des cadres de vie à échelle humaine, intégrés dans leur tissu urbain préexistant (village,quartier…), tout en tenant compte du contexte environnemental, sociologique et économique dans lequel ils s’insèrent.


Virginie Leclerc

Veda Viraswami

Responsable ressources humaines chez Cafés Sati

Chargé du développement et de la formation chez Cafés Sati

3ème place au Championnat de France de Cup Tasting* 2018

Champion de France de Torréfaction 2017 et 2018

Crédit photo © Limagerie.fr

*Dégustateur de café

C H A M P I O N N AT S D E F R A N C E D U C A F É 2 0 1 8

Duo gagnant pour les Cafés Sati Les Cafés Sati, torréfacteur à Strasbourg depuis plus de 90 ans, sont fiers du parcours hors pair réalisé par leurs deux experts en « or vert » aux Championnats de France du café qui se sont déroulés en mai dernier à la Foire de Paris. Veda Viraswami représentera à nouveau la France aux prochains Championnats du Monde. Avec ces beaux succès au sein de leur équipe, les cafés Sati font à nouveau briller l’excellence Alsacienne ! Plus d’infos sur www.cafesati.com

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Les Cafés Sati • Torréfacteur à Strasbourg depuis 1926.


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