Les métiers de l’ombre :
bottier à l’Opéra du Rhin

Patrice Coué est bottier à l’Opéra du Rhin © Klara Beck

Qui ? Patrice Coué est le dernier bottier rattaché à un opéra à fabriquer régulièrement chaussures et accessoires pour des créations. Car à l’Opéra du Rhin, tout est fabriqué en interne, rien n’est sous-traité.

Le décor Au Grenier d’abondance, au bout du couloir après les ateliers costumes et perruques, des machines à coudre ultra-solides (Deutsche Qualität) et 3 000 paires de chaussures. Qu’il a mis deux ans à ranger et auxquelles s’ajoute une centaine de paires par an.

Vous faites quoi, ici ? « Je m’occupe de chausser toutes les personnes qui sont sur scène, solistes, choristes et figurants. Par extension, je m’occupe aussi de tous les accessoires en cuir : ceintures, sacs à main… Certains sacs célèbres coûteraient le prix d’un spectacle, alors je les recrée ! Il y a quelques années, j’ai aussi fabriqué des armures de samouraï, plus souples qu’en métal et moins gênantes quand le soliste doit se rouler par terre ! Je fabrique ou customise.
Nous avions par exemple un spectacle avec de l’eau sur scène, et les chaussures ont été un sujet de discussion. Impossible d’utiliser des chaussures en cuir. Le problème, c’est que le caoutchouc n’est pas très beau, alors on transforme de bonnes vieilles galoches de jardin [et le résultat est bluffant, NDLR]. Il y a en moyenne 40 paires de chaussures sur un spectacle, et il faut gérer les budgets, alors si ça coûte 8€, c’est mieux ! [Cela vaut aussi pour la paire de mules devenues Gucci, NDLR] ».

Le moment de stress « Cela m’est déjà arrivé de devoir fabriquer une paire de chaussures à la dernière minute. Parfois, je n’ai que deux jours, mais j’essaye toujours de terminer un bon quart d’heure avant la pré-générale [la première répétition en costumes, NDLR] ! Une fois, j’ai amené les chaussures à la soliste cinq minutes avant la répétition. »

Ce qu’il aime ici « La variété. Ce n’est jamais la même chose, et cela n’arrive pas ailleurs, même dans le domaine de la chaussure de luxe sur-mesure. C’est sûr que lorsque je fabrique 25 paires de bottes en feutre pour La Reine des neiges, j’en ai un peu marre, mais ça dure un mois et c’est fini. »

À quoi ressemblerait le spectacle sans lui ? « Malheureusement, il ne serait pas foncièrement différent… Si les choristes avaient tous des chaussures noires, cela ne se verrait pas. Mais il y a quand même beaucoup de choses qu’un prestataire extérieur ne peut pas faire, ces galoches en caoutchouc par exemple. Et il ne faut pas oublier que la scène a une pente de 10 %, alors les chaussures, c’est très important ! »


Opéra national du Rhin


Par Sylvia Dubost
Photos Klara Beck