Stéphanie-Lucie Mathern : des formes rien qu’à elle

À ST-ART, Stéphanie-Lucie Mathern expose ses derniers travaux Du sang, de la volupté et de la mort, un travail sur les vanités imaginé lors de sa résidence Le Souffle à la Colline de Sion.

Stéphanie-Lucie Mathern au St-Art à Strasbourg

Au premier coup d’œil, la forme nous renvoie à l’approche familière de certains peintres expressionnistes, peut-être moins Ludwig Kirchner, plus Karl Schmidt-Rottluff dans cette manière d’aborder une réalité sourde, ce quelque chose de vague « qui pèse sur l’âme », tel que le formulait si magnifiquement le célèbre peintre allemand. Mais ça serait faire preuve d’un brin de légèreté que de résumer l’œuvre de Stéphanie-Lucie Mathern à ces références-là, tant la jeune artiste semble brouiller les pistes et expérimenter des formes qui n’appartiennent qu’à elle.

Nous sachant perdus dans la broussaille, elle nous indique une voie possible : Le Caravage. Il est vrai que cette ancienne étudiante en théologie à Strasbourg et aux Beaux-Arts de Nancy emprunte au maître baroque cette chose tout à fait singulière : l’instantanéité qui révèle la précarité du fait en train de se dérouler, cette fragilité inhérente à la prise de conscience de la réalité ; mais aussi la complexité d’une existence fractionnée, en prise avec des éléments parfois contraires ; sans oublier la dimension spirituelle qui magnifie le tout, que l’orientation soit religieuse ou plus ouvertement sexuelle. D’où une fascination tenace pour ses couleurs vives, malgré l’urgence de l’exécution – celle-ci reste à confirmer toutefois, tant la composition semble maîtrisée. Et surtout ce sentiment de chaos généralisé, primaire et régressif, qui ne trouve son salut que dans l’extrême sensualité du geste. La main est ferme, pleine de décision, quand elle balaie la toile avec force, et étrangement avec beaucoup de retenue, en quête de cette chose illusoire : la pureté picturale. Tranchante, décapante, déroutante par ses détours hasardeux, mais vibrante dans ce qu’elle dit des possibilités qui s’offrent à la peinture d’aujourd’hui.

Par Emmanuel Abela
Photo Benoît Linder

ST-ART
15.09 > 18.09
Parc des Expositions, Hall 7
Place Adrien Zeller | Strasbourg