Quel sera votre plus grand challenge ?
Il y en a plusieurs… Faire de l’Opéra National de Lorraine un véritable opéra citoyen. Connecter l’établissement avec l’histoire de la ville, terre de création depuis très longtemps. Mener une vraie politique des publics, à la fois dans la programmation, les oeuvres, les artistes, les formes… Réinventer aussi la manière dont on vit l’opéra, via des ateliers parents-enfants, des soirées symphoniques participatives…
Justement, comment l’opéra peut-il se garder une place dans notre société hyper-connectée ?
Disons qu’il faut parfois revenir aux fondamentaux. Un opéra c’est un lieu où l’on peut se (ré)enchanter
– d’ailleurs, c’est le thème de la saison 2019-2020. Un lieu où l’on peut fabriquer le rêve et l’imaginaire, prendre du recul. Cela a du sens dans une société qui ne voit plus le temps passer… Revenir à l’expérience d’un spectacle où le temps se dilue, se dilate, c’est primordial.
Pensez-vous qu’un bon directeur d’Opéra doit être à la pointe de l’art en général ?
Ouvert aux autres arts et à l’actualité, oui, c’est évident. J’aimerai dire que je suis à la pointe, mais le temps manque… Même si j’essaye de m’astreindre à 30 minutes de lecture par jour par exemple.
Et vous lisez quoi en ce moment ?
Je viens de terminer La société de la fatigue, un essai philosophique qui démontre que notre système est à un tel degré de surchauffe que ce n’est plus l’homme qui exploite l’homme, mais l’homme qui s’exploite lui-même. C’est assez criant… D’ailleurs cette lecture m’a inspiré pour la prochaine saison.
Vous faites toujours de la musique ?
Du piano, pour mon plaisir tout à fait personnel. Plus de percussions, non – enfin si, quand l’occasion se présente, mais vous savez quand on est arrivé à un certain niveau mais que l’on ne pratique plus, on régresse, fortement, et c’est dur à vivre ! [rires]
En matière d’opéra, vous êtes plutôt tradition ou modernité ?
Plutôt lyrique moderne. J’aime le répertoire fin XIXe, début XXe… Plutôt wagnérien de manière générale, plutôt metteur en scène qui bouscule les codes et aime les expériences, comme ramener des jeunes générations du théâtre par exemple. Mais sans se trahir pour autant.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?
M’asseoir dans la salle. Me prendre une claque avec ce qui se passe sur scène. C’est un métier difficile, exigeant… On ne peut pas l’exercer si l’on n’est pas passionné. La magie du spectacle, l’amour de la musique, l’idée de défendre la place de l’opéra au quotidien. C’est ça qui me porte.
www.opera-national-lorraine.fr
Par Aurélie Vautrin
Photo Arno Paul