Objectif : zéro déchet

Imaginée par un jeune entrepreneur de 27 ans, l’épicerie Le Colibri s’inscrit dans la lutte contre le suremballage et le gaspillage. En proposant l’essentiel des produits de consommation dans des contenants consignés, ce magasin zéro-déchet d’un nouveau genre donne l’exemple à suivre.

Le Colibri est une moyenne surface de 450 m2 à mi-chemin entre l’épicerie vrac et le magasin bio. © Grégory Massat

À travers la création du Colibri à Niedermodern, Pierre Andres tend à démontrer qu’un mode de consommation plus responsable, plus sain et respectueux de l’environnement est possible. Dans cette moyenne surface de 450 m2 à mi-chemin entre l’épicerie vrac et le magasin bio, les emballages plastiques jetables sont inexistants. Dans les rayons du Colibri, le mot d’ordre est à la consigne, toutes les denrées alimentaires étant conditionnées dans des contenants réutilisables – en verre et en inox, y compris la viande et les produits frais. Soucieux de réunir au même endroit le plus de choix possible pour réduire les déplacements, Pierre étoffe une large offre d’alimentation bio majoritairement locale de plus de 3 000 références en accessoires divers et durables, de la cosmétique aux produits d’hygiène et d’entretien.

Pierre Andres, créateur de l'épicerie Le Colibri. © Grégory Massat

Des convictions bien ancrées
Son enfance, Pierre l’a passée au plus proche de la nature, éduqué par un père menuisier profondément écolo qui lui a enseigné ses valeurs. Après cinq ans d’études au lycée agricole à Obernai ponctués de stages dans des exploitations bio, il part à l’étranger de l’âge de 20 à 26 ans, s’investissant dans des projets de conservation, des éco-projets agricoles et du volontariat. « Au fur et à mesure des voyages, je me suis rendu compte de la quantité énorme d’emballages produits ici, chez nous, et jetés dans les pays en développement. Je suis revenu en France dans l’optique d’essayer de changer les choses, en passant par la manière dont on s’alimente, dont on consomme. Ouvrir un magasin bio, local et zéro déchet me semblait faire sens. »
Il y a deux ans, Pierre rentrait en France avec l’avantage d’avoir à sa disposition le lieu tout trouvé pour construire son projet : « L’entreprise de mon papa se trouvait dans ces locaux, c’est devenu une friche industrielle dont j’ai eu envie de faire quelque chose. » Avec sa compagne et deux amis d’enfance, ils rénovent de manière écoresponsable l’ensemble du site. Pour rester dans la cohérence, le chantier est réalisé avec 100 % de bois recyclé, les vitrines du magasin sont d’occasion, de même que les briques de la cave à vin achetées sur Leboncoin. Le site est alimenté en électricité grâce aux panneaux photovoltaïques installés sur le toit quand l’eau de pluie récupérée et filtrée sert à l’alimentation des toilettes et bientôt au lavage des bocaux.

Du local à tous les rayons
Sur les étalages du Colibri, 90 % des produits consignés proviennent d’entreprises ou de fermes bio du coin : « La consigne fait beaucoup plus de sens lorsqu’elle est locale, faire des va-et-vient à travers toute la France avec des emballages vides n’aurait aucune cohérence. » De la ferme Will à Zilling pour les produits laitiers, aux pains bios de la boulangerie JK à Val-de-Moder, des épices du Moulin des Peupliers à Lupstein aux condiments Alélor, chaque petit producteur a été soigneusement sélectionné par l’équipe sur les critères du bio, du local et du consigné.

Les gros plus ? Toute une gamme de produits sans gluten par Artzenco à Hoerdt, un rayon charcuterie/traiteur traditionnel provenant de Michel Herrscher à Colmar, une cave à vin entièrement bio et une large sélection de fromages à la coupe. Sur les rayons dédiés à l’hygiène, les savons artisanaux provenant de la savonnerie du Cèdre à Kilstett ou du Val d’Argent côtoient les shampoings LAO à base de chanvre alsacien conçus à Brumath.
Au Colibri, tout est réuni en un seul endroit, des accessoires à l’alimentation, de l’hygiène à la puériculture, jusqu’au coin friperie et à l’espace livres d’occasion. « En termes de consommation d’eau, d’énergie, de lieux de fabrication et d’un point de vue social aussi, l’industrie du vêtement est une des plus toxiques pour notre planète. On a tellement d’habits sur Terre aujourd’hui, la seconde main est ce qu’il y a de plus logique. Nous achetons des ballots au kilo à la friperie Le Concept à Haguenau et pour les livres nous travaillons avec l’association Book Hémisphères. C’est une façon de montrer qu’on trouve aussi des habits de marque ou des livres en très bon état au tiers du prix du neuf. L’écologie peut être économique et faire du bien à tout le monde. »

Les aliments sont contenus dans des bocaux de verre. © Grégory Massat

Réemployer plutôt que recycler
Le Colibri achète la majorité de ses produits consignés. Pour le reste, Pierre et ses associés ont investi dans 35 000 bocaux afin de les conditionner eux-mêmes. Autrefois largement répandue en France, la consigne a peu à peu disparu suite à la prolifération des emballages jetables dès les années 1960. Pourtant, la consigne présente de vastes avantages liés à l’impact environnemental. En termes de déchets, Le Colibri produit actuellement une poubelle d’ordures ménagères et une poubelle jaune par semaine. « Avec 60 clients réguliers qui viennent faire toutes leurs courses chaque semaine, et 200/250 autres clients qui en font une partie, on se dit que ça fait au moins 60 foyers sans poubelles jaunes. »
Quant au gaspillage alimentaire, il n’y en a aucun, puisque des paniers Too good to go sont réalisés pour les produits dont la date de péremption approche. L’occasion pour les clients de récupérer une sélection anti-gaspi à base de produits locaux et de saison pour à peine 2 ou 4 euros. « On ne jette rien, se félicite Pierre, conscient du chemin qu’il reste à parcourir. Aucun système n’est parfait mais la consigne fait plus de sens que de produire à chaque fois un nouvel emballage. Je pense qu’on va dans le bon sens des choses, mais la vitesse avec laquelle on y va face à l’urgence dans laquelle on se trouve est encore un autre débat. Avec Le Colibri, on essaye de trouver des solutions et d’aider les gens à une consommation plus responsable. »


Le Colibri
11, rue de l’artisanat à Niedermodern
09 75 29 51 16


Par Emma Schneider
Photos Grégory Massat