E comme Essentiel
« La peinture c’est l’essentiel. Si je ne pouvais plus peindre, là ça serait vraiment très compliqué… Enfin peut-être pas, comment savoir ? Si j’avais su dès le départ les difficultés qui m’attendaient, j’aurais certainement dit autant crever tout de suite. On s’habitue à tout, enfin pire que ça on trouve presque une joie dans la contrainte, dans le fait de parvenir à traverser malgré tout. J’échange beaucoup avec des gens très malades qui m’écrivent, l’important pour moi c’est de leur dire de laisser faire le temps : la situation qui parait insupportable, un mois après on l’a intégrée comme faisant partie de soi, et tout va presque bien. L’essentiel mute, l’essentiel se déplace, c’est cet être que je ne saurais nommer mais qui fait que tant que cette chose là est en éveil, on est en vie. Mais qu’est-ce que c’est ? Simplement le souffle ? Eh bien peut être… Alors peut-être que si je ne pouvais plus peindre, le simple fait de voir la beauté des choses me tiendrait encore. L’essentiel se déplace. Vraiment. Et il se précise, c’est comme un concentré. »
G comme Gueuler
« Mes deux g sont la Suisse. Je suis Suisse. J’ai la double nationalité par mon père. Je vois cette image des deux g côte à côte, presque un peu sexuelle, c’est un truc étrange. Les noms ou les mots avec deux g, c’est très rare, je les repère de loin dans n’importe quelle page. C’est comme une sorte de logo qui me définirait. Comme deux couilles, deux bites, deux trous, enfin je ne sais pas, je n’arrive pas à les – j’allais dire – mettre en bouche, c’est ça oui… Je pense au « gueuloir » de Flaubert. Quand je peins, souvent j’appelle les couleurs. Je ne gueule pas, mais je nomme les couleurs : cadmium, cadmium, cadmium, ah tu es là… Gueuler c’est un truc que j’ai appris très tard. Et j’ai adoré. Parce que j’avais des colères très froides, meurtrières, glacées. »
G comme Grâce et Gratitude
« Il y a beaucoup de choses qui me font gueuler. Tous les abus de pouvoir, sexuels ou pas, tous les endroits où on utilise la peur et où la liberté est entravée, ça me [elle se tort le ventre], tu vois je me chope tout là. Les deux g c’est pour gueuler deux fois. Deux fois plus fort. Cet accablement que j’ai chaque matin en ouvrant Facebook et en regardant ce qui se passe, en écoutant les nouvelles, cette impuissance dans laquelle ça te met, y a qu’un truc c’est de faire un contre feu et de rester en vie et de proposer de la beauté et ha ha ha et liberté… Ma peinture ne gueule pas. Je ne crois pas. Quand je me balade, que je fais des photos, je reçois la beauté du monde en pleine poire. La peinture est une façon de restituer ce que je reçois comme une grâce. G comme grâce et comme gratitude. Oui, je suis à fond dans le g. Le point g. Le point final est un point g. »
EXPO
La couleur est ce qui me nourrit et me sauve
11.01.19 > 02.03.19
Galerie Albert Baumgarten | Freiburg
Anne-Sophie Tschiegg sur Blogspot
> Anne-Sophie Tschiegg au pop up de Noël Zut
Paroles Jean HansMaennel
Musique Roland Anstett
Images Klara Beck