Le poète et sa douleur

Depuis les années 1960, Ernest Pignon-Ernest affiche ses œuvres sur les murs. L’un des pères du street art français réalise en 1997 une série de créations pour rendre hommage au poète Antonin Artaud. Ses dessins préparatoires ainsi que des photos de ses œuvres sont à la galerie Chantal Bamberger à Strasbourg jusqu’au 9 octobre.

Ernest Pignon-Ernest Antonin Artaud
C’est en 1997 lors d’une intervention à l'hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine qu’Ernest Pignon-Ernest eut l'idée de cette série de dessins autour d'Antonin Artaud. © Fabrice Gibert / Galerie Lelong Paris

Ernest Pignon-Ernest est reconnu pour être l’un des précurseurs du mouvement du street art en France. Pourtant, lui ne s’imaginait pas comme tel, ses dessins sont des extensions de la rue. Il ne voit pas les murs des bâtiments comme des galeries mais comme des œuvres. Ses dessins sont faits la plupart du temps sur des bâches vouées à se décoller, ou sur des parois en ruine qui s’effritent de jour en jour. « Ses outils de travail sont les bâtiments certes mais ses dessins sont éphémères. Ils sont justement faits pour s’effacer dans le temps », explique Chantal Bamberger, qui expose ses dessins, photographies et estampes en hommage à Antonin Artaud dans sa galerie strasbourgeoise jusqu’au 9 octobre.
Souvent Ernest Pignon-Ernest s’est inspiré et adressé aux poètes : Rimbaud, Pasolini, Desnos. « Il s’est toujours inspiré d’artistes aux vies engagées et qui ont souffert dans leurs corps », poursuit la galeriste. Elle-même sensible à la littérature, elle découvre le travail d’Ernest Pignon-Ernest à Paris. Ses œuvres sur Rimbaud ont attiré sa curiosité. Aujourd’hui elle expose ses dessins en hommage à Antonin Artaud. L’écrivain maudit, acteur et metteur en scène, né en 1896, a vécu 51 ans durant lesquels il aura lutté contre des douleurs physiques. « Je suis un insurgé du corps, je suis cet insurgé du corps », indiquait-il dans Suppôts et supplications. Ces douleurs influencèrent directement ses écrits.
C’est en 1997 lors d’une intervention à l’hôpital Charles Foix à Ivry-sur-Seine qu’Ernest Pignon-Ernest eut l’idée de cette série. Se sachant proche du lieu de décès d’Antonin Artaud, l’artiste plasticien lie les dégradations des murs devant lui aux écrits du poète. Il se met à voir des bouches, des cicatrices, des visages sur les parois. Avec en tête le dessin et le commentaire de “L’Homme et sa douleur” d’Antonin Artaud où il avait dit « Nous avons dans le dos des vertèbres pleines, transpercées par le clou de la douleur ». Ernest Pignon-Ernest réalise un dessin grandeur nature du poète de dos avec un crayon sur sa colonne vertébrale. Il signera aussi des portraits d’Antonin Artaud avec les visages qu’il a pu apercevoir sur les murs. Ses dessins préparatoires et ses œuvres photographiées sont à la galerie Chantal Bamberger jusqu’au 9 octobre. 


Antonin Artaud d’Ernest Pignon-Ernest jusqu’au 9 octobre à la galerie Chantal Bamberger, 16 rue du 22 Novembre à Strasbourg.


Par Nicolas Feig