Alex Lutz, comédien caméléon

On le voit sur Canal + sous le fard et la perruque dans Catherine et Liliane, signe que l’enfant du pays aime rester discret. À l’occasion de la sortie de son premier film en tant que réalisateur, Le Talent de mes amis, portrait d’Alex Lutz, comédien-caméléon.

Portrait d'Alex Lutz, © Eric Antoine
Alex Lutz. Photo : Éric Antoine

Les années passent, Alex Lutz poursuit son chemin depuis Strasbourg. Marche après marche, il continue son ascension. Plus de 20 ans le séparent désormais du lycée Jean Monet et de ses premiers émois théâtraux.
De cette époque perdure au moins une chose : une amitié, celle nouée avec un certain Tom Dingler (fils de Cookie). Une rencontre construite autour de sandwichs et d’un sens de l’humour commun. Ce qui aurait pu n’être qu’un copinage de cours de récré s’est transformé en collaboration durable.

Puis vint le temps des débuts parisiens où Alex est passé du théâtre aux séries policières, des feux de la rampe à la mise en scène. Il croise les routes de Sylvie Jolie, Pierre Palmade ou encore d’Arnaud Tsamere. Il fait la connaissance d’un autre futur inséparable, Bruno Sanches. Toujours sur sa lancée, Alex écrit son one-man-show qu’il joue et enrichit sans discontinuer depuis 2007 et investit le cinéma avec des seconds rôles (OSS117 : Rio ne répond plus, Il reste du jambon ?).
Le grand tournant a lieu en 2012 lorsque Bruno, Tom et Alex se réunissent autour d’un concept de shortcom (programme court entre le sketch et la comédie) qui intègre la programmation du Petit Journal sur Canal+. Après une première saison au succès relatif, la sauce prend, Catherine et Liliane montent en puissance, gagnent en notoriété et imposent un style corrosif et léger, qui fait d’elles de véritables icônes du Paf.

Pari réussi pour Alex et ses compères qui peuvent bucher sur de nouveaux projets. C’est ainsi qu’Alex Lutz devient réalisateur de son premier film, Le Talent de mes amis, toujours accompagné de ses deux acolytes. Un nouveau défi, un brin périlleux, puisqu’il repose sur une création originale et un scénario inédit, refusant ainsi la facilité de plaquer maladroitement les aventures de Catherine et Liliane sur un format d’une heure et demie. Un buddy movie, sur les aspirations et questionnements de mecs de 35 piges face à leur réussite, leurs rêves de gosse et face à eux-mêmes. « J’ai essayé de l’écrire le plus sincèrement du monde, en étant drôle mais en assumant l’émotion, parce que j’adore ça, et en me faisant plaisir sur ce que je sais aimer… »

Sans être véritablement autobiographique, malgré quelques touches ça et là, le film révèle un peu plus la personnalité et l’univers d’Alex. Des incursions poétiques et absurdes à la Jacques Tati, du Sautet, du Lelouch, des notes 80’s et des gimmicks pop : des influences que le jeune metteur en scène assume sans complexe. « Les filiations, il faut les assumer. Là où elles sont pipeaux et où elles se voient, c’est quand tu triches… C’est aussi ça, faire du cinéma, c’est se dire : allez, je m’amuse ! » De même, la présence au casting de ses potes met en lumière des aspects profonds de son caractère : l’amitié, la fidélité, la confiance. Alex n’a jamais envisagé son film autrement qu’avec Tom et Bruno, étant même prêt à renoncer si l’aventure devait se faire sans eux. « C’était rédhibitoire. C’est sûr que si ce n’avait pas été nous trois, c’était même pas en rêve. »

On retrouve également un petit hommage à notre chère région avec des bribes de dialogue enrobées d’un bel accent alsacien, tout ce qu’il y a de plus épais, preuve de l’attachement de monsieur Lutz : « J’adore l’histoire de l’Alsace. L’histoire compliquée, parfois plus douloureuse, me passionne. Et il y a Germain Muller, l’homme qui a œuvré à réconcilier la région avec elle-même, et je me rends compte que, dans la filiation artistique, il y a quand même quelque chose. J’ai envie que les gens se réconcilient, et le film parle aussi de ça. » Il réussit en tout cas à (ré)concilier le rire et l’intelligence, sur scène comme à l’écran, vivement la suite et vielmols merci !

> Retrouvez notre interview de Tom Dingler, il nous parle de Strasbourg


Par Julien Pleis
Photo Éric Antoine