Cours, Sadia, cours

L’invité d’honneur de la 18e édition d’Augenblick ?
Le grand maître Volker Schlöndorff. Focus sur le festival du cinéma germanophone en compagnie de Sadia Robein, programmatrice, fan de Wenders comme de… Tatort.

Sadia Robein © Benoît Linder
Sadia Robein © Benoît Linder

Je me souviens avoir découvert Le Tambour (1979) de Schlöndorff très jeune et du choc provoqué par l’histoire de ce gamin qui refuse de grandir. Quel film germanophone vous a particulièrement marqué ?
D’origine polonaise, j’ai grandi à Varsovie. Adolescente, j’ai vu Les Ailes du désir de Wim Wenders qui passait sur une chaîne culturelle. Nous n’avions pas de VHS et j’attendais que le film soit rediffusé pour le revoir, en boucle, au moins une trentaine de fois ! Je me rappelle de la voix de Bruno Ganz, de l’importance des mots, omniprésents, qui m’a donné envie d’apprendre l’allemand. Pour cette raison, je suis allée à Dresde où j’ai travaillé au sein d’une association pour la promotion de l’agriculture biologique en Europe centrale et de l’Est. Déjà un programme interculturel ! Autre oeuvre cinématographique importante pour moi : Woyzeck de Werner Herzog avec Klaus Kinski. J’aime les personnages d’Herzog : ils sortent du cadre, dérapent…

Et Le Tambour, programmé cette année ?
Je l’ai découvert à la même époque. D’ailleurs, il se déroule à Dantzig, dans le nord de la Pologne, germanophone. Nous lisions Günter Grass – dont le livre éponyme a été adapté par Schlöndorff – à l’école : il fait partie de notre culture. Je garde en mémoire la scène où l’enfant qui prend la décision d’arrêter de grandir sous le régime nazi perturbe une cérémonie en frappant sur son tambour tandis que l’orchestre joue. Schlöndorff raconte volontiers l’admiration qu’il avait pour le petit garçon interprétant Oskar. Il en parlera sans doute à l’occasion de sa venue en Alsace. Notre invité d’honneur présentera aussi Der Waldmacher, son récent documentaire militant qui suit un agronome faisant pousser de la végétation dans un milieu désertique au Niger. À 83 ans, le cinéaste reste très actif. Lors du festival, il s’exprimera dans notre langue : il a vécu en France pour fuir la génération qui le précédait et son comportement durant la guerre.

Cours, Lola, cours (1998), présenté sous forme de ciné-concert* à l’occasion du festival, ou des films plus récents comme Toni Erdmann (2016) ont-ils créé un appel d’air ?
Le cinéma germanophone est extrêmement créatif, vous allez le découvrir grâce aux films en compétition, Drii Winter de Michael Koch par exemple. C’est sans aucun doute lié à la proximité avec la frontière, mais l’engouement est fort en Alsace avec 60 000 entrées et 1 200 séances l’an passé. Il y a beaucoup de choses à inventer pour le futur : j’aimerais notamment aborder des thématiques comme la musique, très importante chez Fassbinder ou Herzog. Cette année, un des documentaires sélectionnés, Liebe, D-Mark und Tod de Cem Kaya, montre l’influence de la musique turque et des mélanges qui s’opèrent pour mener les mélodies folkloriques des mariages traditionnels vers d’autres territoires comme l’electro. Culture et politique sont liés dans ce film évoquant également la solidarité entre ouvriers d’origines turques et allemandes qui ont des intérêts communs à défendre. 

Parmi les avant-premières, il y a Corsage de Marie Kreutzer qui revisite Sissi, mais traversant la crise de la quarantaine…
Ici, l’impératrice d’Autriche, interprétée par Vicky Krieps, refuse de se soumettre et d’être corsetée, un peu comme la Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou Lady Diana. Durant le film, la princesse fait de l’escrime avec son mari et mène le jeu. Il est perturbé car il sait qu’il n’y a pas d’égalité si ceux qui ont le pouvoir ne le lâchent pas ! Hasard ou non, beaucoup de courts de notre sélection sont l’oeuvre de réalisatrices, pour la plupart avec des préoccupations féministes. 

Savez-vous que notre photographe, Benoît, documente régulièrement les tournages de Tatort ?
Cette série policière a bien évolué depuis les années soixante-dix où Nastassja Kinski a fait des apparitions ! Lorsque je vivais en Allemagne, son visionnage, dans des bars, devenait un événement collectif et festif. Comme lors de la diffusion de matchs de foot ou des soirées nanars entre copains, nous buvions des bières en regardant Tatort où parfois même Polizeiruf 110, son concurrent de l’Est !

* Avec Jean-Marc Foltz (clarinette) et Eliot Foltz (batterie)


Augenblick, festival du cinéma germanophone en Alsace
8 25 novembre
dans les cinémas indépendants d’Alsace
festival-augenblick.fr


Par Emmanuel Dosda