Leïla Bekhti et Géraldine Nakache : les âmes sœurs

Pour sa première réalisation en solo, Géraldine Nakache donne à nouveau la réplique à Leïla Bekhti dans J’irai où tu iras. Rencontre avec le tandem de « sœurettes » à l’écran comme à la vie.

Portrait de Leïla Bekhti et Géraldine Nakache © Pascal Bastien
Leïla Bekhti et Géraldine Nakache à l'hôtel des Haras, à Strasbourg. Photo : Pascal Bastien

Strasbourg est l’une des premières dates de la promotion marathon du duo Bekhti-Nakache. Depuis, pas un site, pas une couv’ de magazine féminin, pas une émission de télé qui n’évoque pas l’amitié forte du duo facétieux. Parce qu’elles ont le mojo Géraldine et Leïla ! Ces bonnes copines accessibles et authentiques. Notre rencontre se déroule sur la terrasse de l’hôtel des Haras à l’heure de l’apéro, posées sur un canapé. L’occasion rêvée de parler de sororité, de Céline Dion et de karaoké.

J’irai où tu iras est un film de sœurs. Comment porter à l’écran cette notion de sororité ?
Géraldine Nakache : Ce film partait d’une réelle envie de parler de la famille. Raconter l’histoire de deux sœurs qui ne se sont pas choisies. Comment fait-on pour vivre ensemble ? Comment fait-on pour s’entendre et pour s’écouter ? C’est tout l’objet de ce film. La communication est compliquée dans de nombreuses familles, peut-être même plus lors de moments forts comme le deuil… Chacun prend les choses à sa manière avec son propre curseur. C’est parfois plus facile à accepter avec des personnes moins proches.

À vous regarder si complices dans la vie, on a l’impression que vous vous êtes choisies sœurs. D’ailleurs, après votre première rencontre Leïla, tu as dit à ta propre sœur que tu avais rencontré une fille avec qui tu avais la même relation, en parlant de Géraldine !
Leïla Bekhti : Oui c’est vrai ! Cette phrase sous-entendait que j’aurais pu rencontrer Géraldine à n’importe quel âge, je sais qu’il se serait passé quelque chose. Je crois beaucoup au destin et si je l’ai rencontrée à ce moment-là, c’est un peu parce que je l’ai choisie. J’ai des amies d’enfance, les mêmes depuis l’âge de 9 ans, mais avec Géraldine c’est comme s’il fallait que je trouve ma sœur dans ce métier.

« Le summum d’une telle relation, c’est de pouvoir ne pas se parler et même de s’ennuyer ensemble. »
Leïla Bekhti

Votre rencontre a d’ailleurs eu lieu au début de vos carrières respectives après Sheitan (Leïla) et Comme t’y es belle (Géraldine). C’était une nécessité de trouver cette âme sœur dans le cinéma ?
L.B. : Au vu de tout ce que l’on a vécu en 13 ans, ce n’est pas uniquement dans le métier. Par exemple, on a prévu de passer la journée de demain ensemble avec mon oncle, qui vient ce soir à l’avant-première [une partie de sa famille vit à Strasbourg, ndlr], et Géraldine sera présente. Il ne la considère comme « ma meilleure copine du cinéma » mais comme la famille ! Il y a quelque chose d’organique. Dans la vie, on ne traîne pas ensemble par exemple. Ce n’est pas ma copine mais c’est ma sœur. Le summum d’une telle relation, c’est de pouvoir ne pas se parler et même de s’ennuyer ensemble. Juste avant, on a fait une heure et demi de train sans se dire un mot. Elle a essayé de m’adresser la parole et je l’ai engueulée, je lisais un truc intéressant !

Vous l’incarnez dans le film et dans la vie, mais quelle est votre propre définition de la sororité ?
L.B. : Ce film prouve qu’il n’y a pas de définition de sororité. À la fin, Vali et Mina, les personnages du film, ne vont pas changer et se tenir la main. Elles se sont justes acceptées. Le regard qu’elles se portent signifie qu’il se passera ce qu’il se passera mais qu’il faudra continuer ensemble, s’accepter, s’entendre et se parler.

Finalement, c’est un film sur le dialogue souvent compliqué au sein de la famille ?
G.N. : Souvent, on ne dit pas pour se protéger. C’est ce que fait le père aussi dans le film. Alors que plus on vieillit, plus on angoisse. Si on ne me dit pas, peut-être qu’on me cache quelque chose et que le pire peut arriver à chaque seconde. Et puis il y a aussi la notion de « dire » pour partager. On a le droit de partager et ne pas être d’accord. C’est une famille où il y a de l’amour, mais à un moment les gestes ne suffisent plus.
L.B. : Ces deux sœurs gèrent autrement leurs émotions. Elles ne se connaissaient plus et se rencontrent. Elles se jugeaient beaucoup et ne croyaient plus en leurs liens. Mais tout ça sur fond de comédie et j’adore l’écriture de Géraldine ! Elle a un talent d’écriture fou. Je riais à la lecture du scénario. Elle a le sens des dialogues et travaille beaucoup à l’oreille. On n’a pas boudé notre plaisir ! Après Nous York, on a vécu dix années magnifiques ensemble, comme la naissance de nos enfants. Et puis on est aussi à des âges où on perd des proches. Bizarrement, j’ai eu le sentiment de l’avoir retrouvée ce sur plateau. On se sert à bon escient de notre relation. Parfois les gens proches se flattent trop et peuvent arriver les mains dans les poches. Moi, au contraire, plus j’aime plus j’ai envie de tout donner.

Géraldine, c’est ta toute première réalisation en solo. Comment as-tu géré ?
G.N. : Le cinéma, c’est l’art du collectif. Je travaille main dans la main avec un producteur et suis sur un plateau avec une équipe choisie. Parfois, le matin, pendant le maquillage d’un coup je disais « Nan nan nan, c’est pas ce cadre-là ! ». C’est délicat ! Au bout d’une semaine, je leur ai dit que de me voir pleurer dans une scène ne les obligeait pas à prendre des pincettes avant de me parler d’un point technique ou d’organisation. La préparation de l’écriture et du film m’ont pris quatre ans. J’avais des idées bien précises en tête. Le plus difficile a été de les communiquer. 

Dans le film, tu joues une chanteuse de mariage déchue, un thème qui rappelle étrangement Le Sens de la fête d’Olivier Nakache, ton frère et Éric Tolédano. Pourquoi l’envers du mariage vous inspire tant au cinéma ?
G.N. : J’ai assisté à une tonne de mariages et j’étais toujours collée à la scène. Les chanteurs de prestations privées se donnent à fond partout. Leurs tics et ce qui se passe dans la voix me fascinent. Finalement, Il y a peu de différences entre une chanteuse de prestations privées et celles qui se produisent à Las Vegas. Elles y croient très fort et veulent faire kiffer les gens, autant que Céline (Dion) qui fait ce qu’elle fait partout dans le monde, avec un public qui a payé sa place !

Le père très « papa poule » joué par Patrick Timsit a un côté mère juive assumé ! Est-ce une volonté de coller à vos origines méditerranéennes ?
L.B. : Ce n’est même pas un sujet, ce qui rend le film encore plus universel.
G.N. : On n’allait pas se choisir un blond aux yeux bleus comme père ! Je pense pouvoir encore plus jouer la sœur de Leila parce que je suis brune aux yeux marrons. Mais si j’étais la sœur de Mélanie Laurent, me poserait-on la question ? Parce qu’après tout on est actrices et il y a des Italiens qui nous disaient « chez nous c’est pareil ». Finalement c’est juste un truc du soleil !

Parce qu’on vous sait fans du micro, quel est votre top 5 des chansons de karaoké ?
[Elles se disputent pour tomber d’accord ! ndlr]
1. We are family, Sister Sledge
2. Sensualité, Axel Red
3. Question de feeling, Fabienne Thiebault et Richard Cocciante
4. Tout le répertoire de Starmania
5. Maldon, Zouk machine
6. Mistral Gagnant, Renaud


J’irai où tu iras, de Géraldine Nakache, sortie le 2 octobre 2019.


Propos recueillis par Caroline Lévy
Photo Pascal Bastien