Le rôle n’a donc pas été écrit pour l’actrice.
Ce projet existait avant le court-métrage qu’on a déjà fait ensemble donc non je n’ai pas imaginé le personnage en pensant à elle, mais plutôt en partant de ma vie, de ce que j’ai vécu et de ma personnalité. Mais il se trouve qu’Anaïs Demoustier et moi-même nous ressemblons beaucoup, on a les mêmes problématiques. Elle aussi se pose des questions sur l’amour, le couple et vit à mille à l’heure. On se ressemble et le personnage lui va bien.
Empêtrée dans les difficultés financières et les questions existentielles, Anaïs trouve refuge dans les bras de Daniel, un éditeur marié de l’âge de son père. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre rencontre avec Denis Podalydès ?
Lorsque j’ai fait le casting, j’ai pensé à lui parce que je savais qu’il apporterait cette intelligence et cette distance amusée qu’il a dans ses rôles. Il est drôle et c’était important que le personnage puisse nous amuser et aussi nous toucher. Denis a cette capacité à faire affleurer la fragilité d’un homme et ses faiblesses, on a de l’indulgence pour lui. Je savais qu’il avait une gamme de jeu très large et qu’il allait être subtil. On aurait pu ne pas aimer le personnage, se dire que c’est un mec un peu lâche et s’arrêter là-dessus. Je ne voulais surtout pas ça, je voulais sauver le personnage pour ne pas qu’on croit qu’Anaïs est déçue par les hommes.
La passion auprès de Daniel n’est pas telle qu’elle l’attendait.
Pendant la première partie du film, Anaïs est plutôt l’objet du désir des autres. Elle termine une histoire avec Raoul, elle ne sait plus trop pourquoi elle est avec lui, puis elle rencontre Daniel et c’est lui qui vient vers elle. Elle se laisse porter par cette rencontre sans vraiment savoir, mais en espérant au fond d’elle qu’elle va vivre une grande histoire. Mais la passion n’est pas telle qu’elle l’attendait, elle est extrêmement déçue. Suite à cela, elle bifurque. Tout d’un coup son attention est attirée par quelqu’un d’autre et là il se passe quelque chose de l’ordre de l’absolu en elle. En plus, elle n’avait pas du tout prévu d’être attirée par une femme, c’est totalement nouveau pour elle et peut-être qu’il se passe enfin ce qu’elle espérait. Quelque chose de très fort, de très intense.
Au fil du film, Anaïs développe une sorte de fascination pour Émilie, la femme de son amant. Elle dit se reconnaître dans les livres de l’écrivaine, pourtant on remarque que les deux femmes ont une manière bien différente d’aborder la vie. L’une est dilettante, l’autre très disciplinée.
Lorsqu’Anaïs lit les livres d’Émilie, elle dit : « Tout ce qu’elle écrit, j’aurais pu l’écrire, on dirait que c’est moi. » Évidemment, elle projette quelque chose, elle fantasme quelque chose, ce qu’elle trouve dans les livres d’Émilie, c’est le même appétit de vie que le sien, la même soif d’intensité, toute cette gamme de sentiments qui m’intéresse. Cependant, elles ne sont pas au même âge de leur vie, elles ne se sont pas accomplies de la même manière, Anaïs n’a encore rien fait, elle ne sait d’ailleurs pas ce qu’elle veut faire et ce qu’elle veut être alors que le personnage d’Émilie au contraire est une femme puissante. Il y a entre ces deux femmes, une forme de transmission qui m’intéressait. Anaïs vient réveiller Émilie qui s’était un peu endormie dans sa vie bourgeoise aux côtés de cet homme avec qui elle n’a plus trouvé la passion depuis longtemps. Anaïs vient la perturber. Et à l’inverse, Émilie montre un chemin à Anaïs en lui disant : « Tu ne peux pas organiser toute ta vie autour de l’amour, il faut que tu te construises et que tu construises quelque chose. » Depuis quasiment 2000 ans, on élève les hommes en leur disant qu’il faut faire carrière et on élève les femmes en leur disant qu’il faut vivre un grand amour. Je trouvais ça pas mal qu’une femme rappelle à une autre femme que l’amour ce n’est pas tout dans la vie. Il y a aussi le travail, l’accomplissement. Le fait qu’elles soient différentes permettait ce rapprochement entre les deux, cette transmission.
Effectivement Émilie souffle à Anaïs qu’elle devrait faire quelque chose de toute cette intensité, de cette soif de vivre. Sublimer cette énergie.
Je trouve que c’est très généreux de la part du personnage d’Émilie de dire : « Tu peux t’autoriser à t’accomplir, à transformer tes expériences en quelque chose d’artistique par exemple. »