Comme fréquemment dans vos films, vous vous êtes inspirée de votre histoire personnelle pour écrire ce scénario. L’écriture est-elle pour vous un acte de résilience ?
Oui, il y a quelque chose de cet ordre. Une forme de catharsis. Depuis mon premier film, l’écriture a toujours été une façon pour moi d’essayer de construire des petits remparts contre la destruction par le temps. La destruction des êtres, la destruction des sentiments. C’est une quête inassouvie, puisqu’on arrive jamais vraiment à ce qu’on cherche, mais c’est ce qui est bien aussi puisque ça vous oblige à renouveler, à essayer autre chose. Pour moi, le cinéma est une quête de sens qui passe par le fait d’essayer de résister au temps. Et j’ai foi dans la capacité du cinéma à survivre à la mort. C’est ce qui me permet de continuer à faire des films.
Sandra élève seule sa fille, s’occupe de son père malade et en tant que traductrice-interprète est au service des mots des autres. Un peu comme si elle avait fait une croix sur elle-même. Le don de soi quitte à s’en oublier soi-même ?
On la voit à un moment de sa vie où elle est effectivement dans un effacement d’elle-même. Pas forcément par abnégation mais parce que la situation le veut. Quand on a un père qui est malade et qu’on est seule ou peu nombreux à pouvoir l’aider, on se retrouve qu’on le veuille ou non dans le devoir de s’oublier pour soutenir. Aussi parce qu’elle a une fille qu’elle élève seule, un métier qui va dans le sens d’une forme d’effacement. À ce moment de sa vie, elle s’efface mais, en même temps, on va la voir reprendre possession d’elle-même à travers cet amour et la renaissance de ses sentiments, avec ce que ça signifie d’égoïsme aussi. On voit Sandra redécouvrir la sensualité, ne plus être un fantôme, retrouver un corps et réexister. Le film parle profondément de ça.
Exister mais à travers quelqu’un d’autre d’une certaine manière ?
Je ne dirais pas à travers quelqu’un d’autre, mais avec quelqu’un d’autre. Retrouver l’amour, c’est croire à nouveau dans la possibilité d’un futur, d’une rencontre, se laisser porter par les sentiments, accepter de les vivre, y compris si ça peut faire souffrir à un moment. Elle attend, elle espère, elle souffre, mais ce sont les aléas des relations amoureuses qui sont quand même souvent complexes et qui ne sont pas toujours données, qui demandent des efforts, des sacrifices. Ça fait partie de la vie. Et en même temps, on peut dire que le film lui donne raison, ce bonheur avec cet homme est finalement possible. C’est une porte qui s’ouvre.