Dupieux et Dujardin, belles bêtes

Rencontre avec Quentin Dupieux et Jean Dujardin, à l’occasion de la sortie du film Le Daim .

ZUT Magazine recontre Jean Dujardin et Quentin Dupieux, à l'occasion de la sortir di film Le Daim. ©Christophe Urbain
Photo : Christophe Urbain

Il y a quelque chose de l’ordre du mimétisme chez ces deux-là. Une parfaite symbiose. L’attitude d’abord, faussement nonchalante. La dégaine ensuite, avec ce costume de scène qu’ils ne quitteront pas de leur promo marathon avec Le Daim, film qui a fait l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Quentin Dupieux alias Mr. Oizo, figure de proue de la French Touch, est aussi réalisateur, formé à la sauce Gondry. On apprend que la nuit dernière il mixait au festival parisien We Love Green, pour fêter les 20 ans de l’inusable tube Flat Beat. Celui qui a propulsé la potacherie au rang d’art majeur, autant dans sa musique que dans son cinéma loufoque et absurde, frôle le génie pour certains et l’imposture pour d’autres.

Et puis il y a « The » acteur, l’oscarisé Jean Dujardin plus rare à l’écran ces derniers temps, plus radical aussi dans ses choix de films. Pour l’occasion, on avait joué le jeu du daim, en affichant une veste vintage 70’s de couleur fauve. « Je peux toucher ? Ah oui elle est d’époque. Incroyable. Un style de malade ! », s’amuse l’acteur. « Un style de malade ! », renchérit le réalisateur. On perçoit la connivence du binôme à travers cette phrase devenue le gimmick de leur com, jusqu’au hashtag surexploité sur les réseaux sociaux.

C’est bien d’une veste en daim dont il est question dans la nouvelle fantaisie acide de Dupieux, où le personnage de Georges, en quête d’absolu et par amour pour sa nouvelle peau, ira jusqu’au massacre. Une absurdité bien ancrée dans le réel, auquel le réalisateur nous a peu habitué jusqu’ici. « Dans chaque film, j’ai envie d’ajouter des éléments et là il se trouve que c’était le réalisme. C’est un domaine que je n’ai jamais effleuré, puisque je n’ai fait que des espèces de pantalonnades surréalistes sans règles. Enfin, avec mes propres règles. » Autre rupture, celle d’abandonner la composition des B.O de ses films. Il nous révélait dans une précédente rencontre qu’il avait commencé à faire de la musique en réalisant celle de son premier court-métrage, faute d’argent pour payer les droits du compositeur Pierre Henry : « Ma musique, c’est un truc de dégénéré pour boîtes de nuit ou pour enfants à problèmes. Il faut que ça reste comme ça ! J’ai pollué pleins de films avec, c’était super, mais ça faisait des films très hermétiques. Je ne pouvais pas étouffer mon cinéma toute ma vie, parce que je suis un musicien très limité ! »

Dans cette nouvelle exploration cinématographique un peu barrée, Jean Dujardin est troublant, il entre en fusion avec le personnage qu’il incarne. Mais joue-t-il, seulement ? « Je n’ai jamais vraiment réussi à travailler ce rôle, alors que d’habitude je suis assez scolaire, je me rassure avec des choses, je fais du par cœur. Là, je n’avais pas du tout envie », confesse-t-il. « Le truc est venu à moi immédiatement, c’est comme si dès la première rencontre avec Quentin j’avais intégré Georges. Comme s’il avait réveillé quelque chose chez moi, une espèce de fantasme absolu : celui de se barrer et d’aller s’enfermer dans une chambre d’hôtel avec un blouson et d’aller voir ce qui se passe. De la même manière, pour The Artist, faire un film muet en noir et blanc, je ne savais pas comment faire. C’est assez agréable de ne pas toujours tout contrôler. »


Propos recueillis le 3 juin à l’hôtel Régent Petite France, lors de l’avant-première du film Le Daim, actuellement en salles.


Par Caroline Lévy
Photo Christophe Urbain