Certains parkings souterrains ont laissé dans nos mémoires une trace vivace tel celui de La Femme d’à côté de François Truffaut où Mathilde, en proie à la violence de son désir, se laisse glisser dans son propre abîme. L’artiste et metteur en scène Théo Mercier et le chorégraphe François Chaignaud risquent à leur tour de marquer fortement nos bases de données mentales avec leur danse performative RVP – rituel motomachique, présenté par Le Maillon dans le parking du MAMCS. François Chaignaud, au chant et à la danse, nous parle de sa performance.
Un mot sur le titre initial du spectacle : Radio Vinci Park ?
Les parkings Vinci avaient mis en place des stations de radio qui s’appelaient Radio Vinci Park destinées à apaiser les inquiétudes du consommateur de places de parking. La radio diffusait les grands « hits » de la musique classique, comme s’ils avaient eu la faculté d’éloigner ou d’apaiser les angoisses du visiteur. Le spectacle est un clin d’œil à cet étrange marketing. Il commence dans ce qui serait le studio d’enregistrement. Cet espace, qui est aussi l’antichambre de l’arène qui me confrontera au motard, est habité par Marie-Pierre Brébant jouant au clavecin quelques standards classiques ainsi que d’autres pièces plus insolites annonçant la suite de la performance.
Le parking souterrain est un lieu scénique improbable ; Théo Mercier le considère comme « une métaphore de l’enfer contemporain ». Quel est votre regard ?
Nous jouons parfois dans d’autres endroits, ce sont toujours des lieux qui évoquent la claustration, l’insécurité, le passage : de grandes halles, des entrepôts ou des parkings ferroviaires désaffectés. Le parking souterrain a un aspect infernal… Faits divers et films nous le font voir comme le théâtre idéal d’une agression potentielle, d’une mauvaise rencontre. Je le vois aussi comme le dortoir des engins de morts que sont les véhicules, l’endroit où se repose le monstre qui tue et maintient en vie nos sociétés en les connectant et en les asphyxiant de pollution. La dimension morbide, mythologique et métaphorique de ces entrailles urbaines est puissante.
Vous dansez dans un parking souterrain face à un motard cagoulé faisant vrombir son engin de manière insistante…
La pièce s’appuie sur un antagonisme très basique : la machine et le corps, le masculin et le féminin, le vainqueur et le vaincu, le noir et le blanc, le mort et le vif, le moteur et le cœur. Le spectacle vient faire trembler ces antithèses ; la danse s’engouffre dans ce paradigme binaire pour en saisir l’impact archétypal tout en le désossant, en le pulvérisant. Il y a un passage de relais entre moi, qui commence par une danse et des chants de sortilèges, gainés et acrobatiques, et le motard qui y répond avec la puissance explosive de son moteur et de ses rugissements assourdissants. De cette rencontre, presqu’impossible, entre nos corps et nos moyens d’expression, naissent des images de trouble, de métissage, de désir multiple. Elle n’enserre pas les personnages dans une identité prévisible.