« Je ne suis pas une intellectuelle »
Dans le salon, la bibliothèque contient plusieurs rangées de livres. Il faut avoir le bras long pour saisir les Philip Roth, Paul Auster ou ouvrages de SF reconnaissables à leur couverture argentée. Des classiques, romans contemporains, bandes dessinées et autres sagas mais, étrangement, peu d’ouvrages sur la danse. « Je ne suis pas une intellectuelle, je vis la culture plus que je ne l’analyse », revendique Joëlle. « Véritable boulimique, la lecture m’offre la possibilité de m’échapper, guider mon esprit loin des plateaux, nourrir mon imaginaire. Tout ce qui concerne la théorisation du spectacle vivant reste dans mon bureau. » Face à une peinture naïve sur plaque métallique du Burkina Faso, nous questionnons la directrice quant à son goût prononcé pour les arts dits « populaires », africains, européens ou orientaux, transformant son logement en exotique caverne alibabesque.
« Je viens de ce milieu, née en Tunisie, puis ayant vécu une vingtaine d’années à Paris dans un environnement modeste et une culture nord-africaine parentale forte. Je reste traversée par la question du public à conquérir dans un quartier comme la Meinau. La danse est un formidable vecteur d’émotions, de récits : c’est mon projet que de toucher les habitants non connaisseurs avec des formes jugées, à tort, élitistes, alors qu’aucun bagage n’est nécessaire pour apprécier cet art qui fut très tôt pluridisciplinaire, bien avant le théâtre. » Et de citer la légendaire belgitude hétéroclite d’Alain Platel et ses Ballets C de la B, de Wim Vandekeybus ou d’Anne Teresa De Keersmaeker qui ont marqué l’histoire de la danse et la nouvelle vague française des années 1980 avec Chopinot, Decouflé, Larrieu, Duboc… : quelle meilleure « entrée dans la danse » que via le génie de ces artistes ayant ouvert la voie à l’expérimentation, la fantaisie, l’émancipation.