Festival d'Angoulême :
un fauve pour les "Amis"

Une cérémonie brinquebalante à huis clos, un report au mois de juin pour une édition grand public et un appel au boycott des autrices et auteurs pour attirer les regards sur la répartition des revenus au sein de la chaîne du livre et les choix politiques… inexistants en la matière. Décidément, le festival d’Angoulême est tout en turbulences. Nouvelle réjouissante cependant : Sophie Guerrive, notamment publiée aux éditions 2024, remporte un Fauve prix jeunesse 8-12 ans pour Le Club des amis.

C’est fou : les bandes dessinées et les livres illustrés rassemble tout ce qu’il y a de plus réjouissant dans la littérature, et leurs autrices et auteurs restent, bien souvent, tapi·e·s dans l’ombre des best-sellers, à tirer au clair l’histoire sans fin du statut et autres “réjouissances” administratives, à compter leur maigre rémunération, et autres aides qui n’arrivent jamais… Quand le grand public entend quotidiennement les litanies justifiées des restauratrices et restaurateurs qui payent la crise sanitaire, quand les chiffres des ventes de livres se montrent sous leur meilleur jour, particulièrement en 2020, les artistes, autrices, auteurs, illustratrices et illustrateurs galèrent… et ce n’est rien de le dire (le collectif Autrices Auteurs en Action signale que la moitié vivent sous le seuil de pauvreté). Alors que faire ? Éditer moins mais éditer mieux ? Boycotter le festival d’Angoulême, qui, quoiqu’on en dise fait partie intégrante de cette fameuse chaîne du livre que l’on cherche aujourd’hui à remettre en question ? S’organiser à l’échelle locale ? Nationale ?
À ces questions, difficile de trouver des réponses nettes et concises… Central Vapeur Pro, bras armé en la matière de l’association Central Vapeur qui défend et valorise le milieu en région, est sans doute la mieux placée pour disserter sur le sujet – et on vous encourage d’ailleurs à les soutenir et/ou à aller voir ce qu’il se passe derrière les couvertures des livres.

La transition n’est pas des plus simples, patatras… mais quand même. Parce qu’au creux de ce milieu de l’édition qui mérite de sérieux coups de projecteurs voire de balais, il se passe tout de même des choses réjouissantes. Vous le savez, chez Zut, on regarde (et on propose même une sélection de leurs ouvrages dans notre Vitrine) avec attention le travail des éditions 2024, on avait particulièrement aimé Le Club des amis de Sophie Guerrive. Après sa série “Tulipe” en trois tomes – sorte de voyage philosophique rempli d’allers-retours constants entre la condition humaine, l’absurdité et la légèreté –, Sophie Guerrive a conservé les personnages et l’univers (Tulipe, Crocus et Violette) et les a plongés en enfance. Sorte de préquelle, il raconte la naissance de l’amitié entre ces trois personnages auxquels les lectrices et lecteurs s’étaient attachés, nombreux attendaient d’ailleurs sa version jeunesse.

Au travers des saisons, les voilà à l’assaut de l’inconnu et de la découverte, parfois effrayante, galvanisés par ces amitiés naissantes. Ici on prépare l’hiver et on se gave de tourtes à la noix, dehors on explore sous la terre et on croise une limule (la hantise de Crocus, déjà dans la série des trois Tulipe – on imagine déjà le plaisir qu’auront les enfants à découvrir cette suite, dès qu’elles et ils le pourront), les adultes eux, se font discrets voire insouciants et laissent toute la place à leurs progénitures naïves.

En transparence, on lit une certaine fascination de Sophie Guerrive pour l’amitié, parce que « c’est pour moi la forme de société la plus neutre », dira-t-elle dans le dossier de presse de la maison d’édition et même, si on veut, un manifeste pour plus de simplicité.

D’ailleurs, le trait de Sophie Guerrive, qui s’inscrivait déjà dans l’épure, est ici encore plus dépouillé laissant alors la place à tous les personnages de s’y déployer.

Frais, joli et tout à fait adorable, voilà de quoi séduire les enfants et leurs parents (et les autres hein !), déjà fans de la série Tulipe.

Un tome 2 est d’ores et déjà annoncé par l’autrice…

On signale au passage que Maurane Mazars, ancienne de la HEAR et collaboratrice pour un numéro de Zut, a, elle, remporté un Fauve révélation pour Tanz !


Le Club des amis, disponible à la Vitrine chicmedias, 14, rue Sainte-Hélène, sur le site Internet des éditeurs.


Par Cécile Becker