Je ne peux pas ne pas la faire : le Grand Est vous a-t-il donné la gaule ?
Oui, et je répondrais sans présomption que c’est le cas de la totalité des régions que j’ai traversées. Non, c’est vrai ! Très sincèrement. Je ne veux pas faire un sort particulier au Grand Est, en revanche ce qui est spécial c’est qu’on est parti de Mulhouse la veille de la réunion évangélique… autant vous dire qu’on n’est pas passé loin du Coronavirus… Rétrospectivement, je me suis souvenu de tous ces gens que j’ai croisés, d’une gentillesse et d’une bienveillance totales. Ça m’a tout à fait remué, j’ai craint qu’il ne leur soit arrivé quelque chose de fâcheux.
Vous aviez conscience du risque à ce moment-là ?
Pas plus que le reste de la population, on sentait que ça montait… Nous devions enchaîner avec la Normandie et on ne commencera le tournage qu’à la fin du mois de juin. C’est donc mon dernier souvenir de tournage en région.
Qu’est-ce qui vous a frappé chez nous ?
Plein de choses. Chaque épisode de La Gaule est l’occasion de rencontrer des gens inattendus, surprenants, qui ne marchent pas dans les clous. Qui sont des originaux sans pour autant être des allumés. Ça va du prêtre qui a sa chaîne YouTube The World of Dany [à Morhange, diocèse de Metz, ndlr], cette femme qui fait de la monte de taureau, Bad Dogg ce rappeur strasbourgeois, à Robin Léon, chanteur de schlager… Cet éventail de personnalités est assez marrant. On tourne ça en 15 jours, vous imaginez la concentration d’allumages [rires], alors, évidemment, ça fausse un peu ma perception de la région, je me doute bien que le Grand Est n’est pas seulement peuplé de gens de cette nature-là. Mais je repense aujourd’hui à la région à travers eux. Je me suis trouvé amusé, charmé… Les gens sont tellement originaux quand vous faites l’effort d’ouvrir la porte et d’aller voir ce qu’il se passe derrière, c’est passionnant tout ça.
Justement, qu’est-ce que « l’insolite » raconte d’une région ?
L’insolite raconte la même histoire mais en creux, c’est-à-dire qu’au lieu d’emprunter toujours les mêmes chemins usés, sur-usés des émissions patrimoniales avec l’artisan du coin, les vieilles pierres, on prend un chemin de traverse et on va voir des gens qui vous en racontent autant sur leur région. Parce qu’évidemment ils sont influencés par l’endroit où ils vivent, ce qu’ils font, ils ne le font pas ex nihilo. Le père Dany par exemple, il est à Morhange, un endroit très sinistré industriellement, c’est quelque chose d’incroyable. Il donne espoir aux gens, il reconstitue un ciment dans une région qui a été très abimée. Robin Léon qui fait son schlager, il est en dehors de la mode, il s’en fout un peu et, finalement, recrée un pont entre les deux cultures française et allemande. La somme de tout ça vous raconte cette grande région. Ces histoires-là, insolites – je n’aime pas beaucoup ce mot qui suppose qu’on observerait ça avec une certaine condescendance, ce n’est pas du tout le cas – constituent la nature cachée de la région.