Le rock permet de prendre du recul, il affranchit. On sait votre affection pour des figures mutantes, Eddie Cochran, Lou Reed ou Suicide. Aujourd’hui, vous donnez le sentiment de vous libérer totalement.
Oui, Eddie Cochran, j’ai commencé en reprenant C’mon Everybody. Lou Reed, je vis complètement avec lui. Avec des disques comme Transformer ou Coney Island Baby, on est dans quelque chose d’extatique, de moins émotionnel, même si j’aime bien les deux. Il y a une belle différence qui fait qu’on est « accros », tout comme pour David Bowie. Après, en ce qui concerne Suicide, j’avais le sentiment en 1976 que j’étais complètement dans le style électro qu’Alan Vega et Martin Rev développaient en duo. Quand je les ai écoutés, je me suis entendu. Il faut le savoir, on prend toujours en compte ce que les maisons de disque finissent par éditer sous la forme d’albums, mais j’ai des caisses pleines de morceaux électroniques inédits. Alan m’a été présenté par un ami photographe, qui me l’a amené en studio – nous avons joué ensemble – et puis Martin est venu vivre avec moi quelques temps, à l’époque… Nous ne sommes pas amis, ça va bien plus loin que cela.
Y a-t-il aujourd’hui des artistes qui vous émeuvent de la même manière ?
Mes maîtres sont Nick Cave ou Thom Yorke de Radiohead. J’espère qu’on sent que je les aime, parce que je me livre dans le regard et dans les mots des autres.
La rencontre avec Thom Yorke est-elle envisageable ?
Elle est en bonne voie ! Là, vous m’en dites trop ou pas assez !
Peut-on en savoir plus ?
Non, non, je sais tenir ma langue : si vous saviez les secrets que je garde enfouis en moi… Mais ce que je peux en dire, c’est que je sens que Thom Yorke est du même monde que moi. Même si modestement je dois admettre qu’il détient quelque chose en plus, en tant qu’artiste anglais. C’est évident, il détient sa part de secret, lui aussi, qu’il ne livre pas.
Ça fait beaucoup de secrets !
Ça ferait l’objet d’un bel article : écrire sur ce qui n’est pas dit…
Cette part de secret, on la retrouve sur la pochette de votre album, Aimer ce que nous sommes : elle figure un puzzle impossible à reconstituer non pas parce qu’il manquerait des pièces, mais tout simplement parce qu’on nous entraîne sur de fausses pistes… Au final, Aimer ce que nous sommes nous dit assez clairement ce que vous êtes, non ?
Sur ce disque, je pousse les effets jusqu’à les faire exploser. On y retrouve les gimmicks que j’expérimente au niveau du son. Alors oui, si c’est ce qui se dégage de la pochette concernant mon approche, j’aime assez l’idée. C’est une interprétation qui me plaît : finalement, cette image raconte tout, pour qui sait la lire…
Propos recueillis par Emmanuel Abela
Photo Olivier Roller (issu de la monographie Visage. Mis à nu aux éditions chicmedias)
Entretien paru dans le n°5 du magazine Novo