Jewly, dix ans de rock

Jewly, un mix entre son prénom Julie et Jewel, une chanteuse américaine qui l’a beaucoup marquée, sort un clip Plus fou, en sollicitant ses fans, pour célébrer ses dix ans de carrière. La rockeuse strasbourgeoise revient sur les rencontres et les moments inoubliables de cette décennie.

Vos albums et vos titres sont basés sur votre vie personnelle ou des moments qui vous ont marqué, en quoi est-ce important ?
Toxic, mon dernier album est très autobiographique mais je ne le mets pas en avant pour que chaque personne puisse s’identifier dans les chansons. Drugstore, l’album précédent parlait de rencontres, de personnages illustres ou inconnus. Quand j’écris ou je suis sur scène, j’ai besoin que ce soit quelque chose qui sorte de moi, j’ai du mal à chanter des choses superficielles. Lors de l’enregistrement de mon premier album, j’avais travaillé avec un producteur qui avait remarquer que quatre titres ne collaient pas. En les réécoutant je me suis rendu compte que c’était les quatre seule chansons où je n’avais pas écrit les paroles. La différence musicale entre ces titres et les autres était frappante. Je les ai refaits et depuis, j’écris moi-même mes textes.

Jewly
Jewly a sorti Toxic, son troisième et dernier album, en 2020. @ JSays

Pourquoi écrire en anglais ?
L’une des raisons est la neutralité de la langue qui aide beaucoup les gens à se reconnaître dans mes chansons. Mais c’est surtout la musicalité de la langue et l’anglais correspond plus à mon univers musical. Quand j’écris, ça vient la plupart du temps en anglais même s’il m’arrive d’écrire en français. C’est instinctif, j’écris comme ça vient.

Que représente dix ans de carrière ?
Dix ans, c’est un truc de dingue que je ne réalise pas. Au début je ne pensais pas faire de la musique mon métier, ce n’est pas dans mon éducation. La musique s’est réellement imposée à moi. On a fait des premières parties de dingues, des festivals de « ouf », on a rencontré tellement de gens qu’on se dit que c’est incroyable. Là où je suis fière, c’est d’être toujours là avec un projet non commercial, même quand les radios nous disaient que le rock était mort. C’est une fierté de se dire qu’on est là avec une musique et des chansons qui me correspondent, des programmateurs qui nous font confiance et un public qui kiffe et de toutes générations. Et on voit encore aujourd’hui le public qui se déplace et nous suit depuis dix ans, ça fait chaud au cœur.

Quels ont été les moments les plus marquants de ces dix ans ?
Il y en a eu plusieurs. La tournée aux Etats-Unis où j’étais comme une folle avant de partir. Puis au moment de commencer, j’ai eu le trac assez rapidement parce que j’avais peur de paraître toute petite. Les concerts étaient magiques au vu de la réaction du public américain qui a adoré en nous disant « on ne savait pas que les Français savaient faire du rock et du blues comme ça ». Cette tournée m’a confortée dans le style musical que je défends avec ma personnalité. Ça a été un moment important puisqu’il m’a conforté dans l’idée d’en faire mon métier. Il y a aussi eu le jour où on a fait la première partie de Macy Gray. On avait été appelé au dernier moment car on était un coup de cœur de la programmatrice. Un moment magique parce que j’adore Macy Gray.

Vous avez aussi eu des rencontres mémorables durant ces dix années ?
On a eu des rencontres avec le public qui ont été marquantes. Lors d’un concert, j’ai fait monter une fille sur scène. Une fois la chanson finie, je veux la refaire descendre mais elle me montre un autre enfant avec insistance. Je le fais monter sur scène et, à la fin du concert, les deux enfants m’ont serré dans leurs bras. Leur mère nous a rejoints et j’ai ressenti quelque chose de fort. La veille, elle avait eu le courage de quitter le père qui battait ses enfants. Il y a aussi eu la rencontre avec Phil Spalding, un grand bassiste qui a travaillé avec Mick Jagger et Elton John, qui a fait les basses sur mon premier et dernier album et a été directeur artistique du deuxième album. Ça a été une belle rencontre humainement et professionnellement puisqu’il est devenu un ami.

Qu’avez-vous fait pour célébrer vos dix ans de carrière ?
J’ai eu l’idée de faire un 45 tours collector l’année dernière avec un titre inédit et un titre réarrangé choisi par le public. L’été dernier, j’ai fait appel à mes fans qui ont choisi Melody que j’ai réarrangé pour leur faire plaisir. Ils se sont aussi impliqués avec la pochette du disque qui reprend 110 portraits de fans puis lors de la réalisation du clip Plus fou. On leur avait demandé de filmer le morceau sur lequel on a réussi quelque chose d’original en les intégrant avec mes musiciens (le clip a intégralement été filmé au smartphone par 66 de ses fans, ndlr). C’était important de faire participer le public parce que c’est grâce à lui que je suis encore là au bout de dix ans. Ça a aussi été un moment de fête après tant de doutes et de galères que j’ai réussi à surmonter.

Quels ont été vos moments de doutes ?
Au début de la pandémie, on a été mis au placard comme beaucoup de gens. On se disait qu’on pourrait tenir le coup pendant quelques mois mentalement mais on a été jugé comme un métier non essentiel. On n’a pas pu reprendre aussi tôt qu’on le pensait. Le premier été (2020, ndlr), on a fait une tournée de 20 dates avant que tout s’arrête en septembre. On a été mis au placard pendant dix mois. Impossible d’exercer son métier et sa passion, sans la moindre reconnaissance et avec une aide insuffisante. C’était difficile.

Jewly
Pour son clip Plus fou, Jewly avait sollicité ses fans. © Adrien Berthet

Que ferez-vous prochainement que vous n’avez pas fait durant ces dix ans ?
Peut-être des collaborations avec des grands artistes mais ça reste des grands rêves plutôt que des objectifs.

Où sera Jewly dans dix ans ?
Je ne suis pas quelqu’un qui me projette mais qui vit au jour le jour. Tout peut arriver tellement vite que je n’ai pas envie d’être déçue. Je me donne toujours les moyens pour aller plus loin, pour progresser. C’est pour ça que je travaille avec de nouvelles personnes sur chaque album parce que si on reste toujours accompagné des mêmes, on n’évolue pas de la même manière. J’ai des objectifs bien sûr mais je n’ai pas une vision à long terme. Je ne suis pas quelqu’un qui a envie de briller, je ne fais pas de la musique pour faire la tournée des Zéniths ni même pour qu’on me reconnaisse dans la rue. Je ne peux pas dire que j’aurais envie de grandiose. J’ai envie bien évidemment qu’on continue à être là, à faire des concerts en restant moi-même. La seule chose que j’aimerais avoir le plus tôt possible, c’est un tourneur sérieux pour me délester du boulot de booking (rires).


Pour retrouver  les dates de Jewly en concert, c’est ici.


Par Nicolas Feig