Minh-Tâm Nguyen, DA des Percussions de Strasbourg

Soliste et nouveau directeur artistique des Percussions de Strasbourg, Minh-Tâm Nguyen s’est prêté au jeu du questionnaire Neue Vague à retrouver ici-même en intégralité. (La version magazine est à retrouver… dans le magazine, sur notre page issuu).

Minh-Tâm Nguyen devant les Percussions de Strasbourg à Hautepierre, photo : Christophe Urbain
Minh-Tâm Nguyen devant les Percussions de Strasbourg © Christophe Urbain

D’où venez-vous ? Où allez-vous ?
Là, je viens de l’école de ma fille. [Rires] Sinon, je viens d’une famille pas très riche, j’ai grandi à Nice à la cité des Moulins et c’est en rentrant au Conservatoire de Nice que j’ai fait la rencontre de monsieur Carré, c’est lui qui m’a tout appris. J’ai décidé de devenir percussionniste au CNSMD de Lyon puis j’ai travaillé au Conservatoire de Toulon. Je ne suis jamais resté plus de 10 ans dans une ville donc je n’ai pas vraiment d’attaches. Cela fait 6 ans que je travaille avec les Percussions de Strasbourg mais je ne suis installé à Strasbourg que depuis un an, avant je faisais des allers-retours entre Toulon, Lyon et Strasbourg. Ce sont les rencontres qui m’ont fait faire de la musique. C’était un plan B pour mes parents, ils voulaient que je sois ingénieur, le seul métier qui ait de la valeur à leurs yeux. Ils m’ont inscrit en musique au cas où ça ne fonctionnerait pas à l’école. Et puis je voulais faire du piano, ils m’ont inscrit en batterie. Je n’ai rien choisi. Ce que tout ça m’a appris, c’est d’être persévérant : il fallait que je travaille mon instrument. Pour moi c’est un jeu. Que ce soit les percussions, la musique, le dessin ou l’informatique, je ferai toujours ce que je suis.

Que vouliez-vous être quand vous étiez petit et pourquoi avez-vous renoncé ?
Je voulais programmer des jeux-vidéos. Je n’ai pas renoncé puisque je programme et je suis toujours aussi geek. J’essaye même d’articuler ça à ma pratique musicale puisque j’ai écrit une pièce pédagogique avec mon frère qui est infographiste, on a fait un jeu-vidéo concert. Je ne renonce à rien, j’accumule.

« La musique c’est là où j’ai l’impression d’être le plus juste. »

Un credo professionnel ?
On s’accroche.

Un credo personnel ?
On s’accroche et on accepte.

À quoi dites-vous toujours oui ?
À la famille et aux amis. À la transmission.

À quoi dites-vous toujours non ?
À l’injustice.

Le plus beau des compliments ?
Un sourire.

Que représente pour-vous Strasbourg ?
La ville du vélo, une ville culturelle riche et surtout, mon présent.

Si vous deviez changer de ville et/ou de pays où est-ce que vous habiteriez ?
Je me fie au présent, je ne calcule pas. Je veux creuser mon projet actuel.

Si vous pouviez être quelqu’un d’autre pendant une journée, qui seriez-vous et que feriez-vous ?
Un enfant, n’importe où dans le monde, pour avoir un regard qui ne soit pas basé sur la connaissance mais sur les sensations et les intentions.

Comment vous détendez-vous ?
Je dors ! [Rires] Ou je joue au foot avec mes enfants.

Pourquoi faites-vous tout ça ?
Parce que j’adore ça ! Je ne peux pas rêver mieux comme travail : je suis avec des copains et on construit, on fabrique des choses. C’est une chance. La musique c’est là où j’ai l’impression d’être le plus juste.

Quel livre se retrouve régulièrement sur votre table de chevet ?
Des mangas… j’en ai plein ! J’ai grandi dans les années 80, j’ai connu le Club Dorothée, l’arrivée des mangas et des anime en France, j’adorais ça ! Ma famille était très pauvre ; enfant, je ne pouvais pas m’en acheter. Jusqu’au jour où j’ai commencé à travailler… Aujourd’hui j’en ai 2000, je suis fan ! Je suis allé au Japon cet été et en parlant avec des gens on m’a dit que j’étais un otaku [une personne qui consacre une grande partie de sa vie à une activité solitaire : mangas, bande dessinées, séries, etc. ndlr] car certains ne connaissaient pas des titres que je citais en exemple.

Le disque qui tourne en boucle en ce moment ?
Le dernier disque de Vincent Peirani, Living Being II – Night Walker. Il y joue avec des copains. J’adore ! En rentrant au CNSMD à Lyon, je m’étais dit que je resterais deux ans et que j’irai à Berkeley pour faire du jazz, du vibraphone. C’est là que j’ai rencontré Jean Geoffroy [ancien directeur des Percussions de Strasbourg, ndlr], c’est grâce à lui que j’aime le jazz. Je rêverais d’ailleurs de jouer avec Vincent Peirani. Avec les Percussions, nous avons joué avec Franck Tortiller, là, j’ai pu en profiter ! Ce moment représente ce que je cherche à faire avec l’ensemble : de la musique actuelle ! J’aimerais qu’on n’utilise plus l’expression “musique contemporaine”. Pour moi, c’est simplement la musique d’aujourd’hui. La musique se construit toujours avec nos influences et quand j’étais jeune, je n’écoutais sûrement pas de la musique contemporaine ! Aujourd’hui je fais en sorte qu’on touche à tout. Il faut être ouvert et vivre avec son temps. Certes, on a la chance d’avoir un groupe qui a presque 60 ans, mais est-ce que jouer Xenakis est contemporain ? C’est un classique ! Il faut vite trouver un autre mot pour tout ce qu’on a déjà vécu et oublier ce mot-là, “contemporain”. Je dirais simplement que c’est de la musique.

Le film que vous reverriez-bien pour la 72453863e fois ?
Je ne regarde les films qu’une seule fois. Même si je me suis endormi, je garde les sensations que j’ai pus avoir sur le moment.

L’œuvre d’art qui ne cesse de vous fasciner ?
Est-ce que l’humain est une œuvre d’art ?

Sortie de Ghostland, partition de Pierre Jodlowski, musique des Percussions de Strasbourg le 28 novembre 2018
Concert Ghostland, le 28 novembre 2018 au Théâtre de Hautepierre

Par Cécile Becker
Photo Christophe Urbain