Si vous deviez donner un titre à votre carrière ?
Je suis un peu surpris par tout ce qui m’arrive. En même temps, je réalise que je ne me laisse pas tant porter que ça, il y a du travail derrière. J’ai envie de dire un truc débile, le titre d’un nanar des années 70 intitulé : Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir. J’aime bien l’idée de ne pas être là où on m’attend, de faire du cinéma, puis un spectacle avec des danseurs…
C’est important pour vous de mêler les disciplines ?
C’est clair. Longtemps, j’ai été le rat de laboratoire, seul dans mon studio à faire du son et là je prends beaucoup de plaisir à travailler avec les gens. Collaborer avec les danseurs, c’était dingue. J’ai pu voir aussi humainement le côté troupe, ce sont des spectacles où on est quarante. Je retrouve cette sensation sur les musiques de films, quand je crée les BO, je suis seul mais là, j’étais toute la semaine à Paris pour la promo des Olympiades, avec les acteurs… Il y a une énergie collective qui me plaît beaucoup. Je me dis qu’il va falloir que je bloque une période dans mon agenda pour me retrouver afin de chercher des choses un peu plus intimes. C’est un équilibre, je n’ai pas envie d’être tout le temps tout seul et je n’ai pas envie d’être tout le temps en meute. Je passe de l’un à l’autre.
Un lieu vous inspire-t-il particulièrement pour composer ?
Lorsque je dois commencer un nouvel album, je pars et je m’isole de mon label, de mes potes, de ma famille. Il n’y a pas un lieu en particulier, au contraire, j’ai eu besoin de chercher à chaque fois des lieux différents. Pour Room with a View, le Centre des Monuments Nationaux m’avait proposé d’aller dans la maison de George Sand à Nohant-Vic. L’endroit m’attirait car c’est là que Chopin a composé 70% de sa musique. En fait c’était Shining, Nohant est au milieu de la France, c’est la campagne. Je n’ai pas le permis, je suis allé là-bas avec de quoi manger et j’étais dans ce lieu fantomatique. Il y a la tombe de George Sand dans le jardin, le piano de Chopin dans le salon, on a l’impression qu’il vit encore dans les lieux. La prochaine fois, j’irais ailleurs. Il me faut toujours un territoire vierge pour l’investir et me l’approprier. Quand j’habitais à Paris, j’allais composer dans des chambres d’hôtel en Bretagne. Mon seul critère était d’avoir une vue face à la mer. Je m’installais face à la fenêtre avec la ligne d’horizon et c’était hyper inspirant. Maintenant que j’habite en Bretagne, je fais l’inverse et je vais beaucoup à Paris (rires).
Propos recueillis le 7 novembre dans le cadre du concert de Rone à la Laiterie.
Par Emma Schneider
Photos Jésus S. Baptista