Vous avez sorti un titre hommage à Saint-Etienne aux côtés de Bernard Lavilliers, également stéphanois. Cette collaboration était une évidence ?
Théo : Bernard Lavilliers avait demandé à son directeur artistique de trouver des artistes avec qui collaborer. Lorsqu’il a su qu’on était stéphanois, il a trouvé ça drôle et a eu envie de nous rencontrer. On le sentait ému lorsqu’on parlait de notre rapport à la ville. Au début, on lui avait écrit un long texte qui s’appelait Les pauvres et les riches, une sorte de chanson de transfuge qui parlait de la lutte des classes. Nous, on vient plutôt des classes populaires. Lorsqu’on s’est installé à Paris, on s’est rendu compte qu’on ne s’habillait pas assez bien, qu’on allait dans les fast-food, qu’on ne connaissait pas les bonnes adresses. Lorsqu’on arrive dans une soirée, on a la sensation qu’on voit sur notre gueule qu’on est des Stéphanois et pas des Parigots. Ce sentiment de honte de soi, on voulait en faire une chanson, bizarrement c’est une honte et une fierté à la fois. Tout d’un coup, pour les Stéphanois, on est devenus des Parisiens qui veulent devenir artistes et pour les Parisiens on est restés des Stéphanois, donc on n’est plus d’aucun camp, d’aucune classe. Bernard Lavilliers a bien aimé le texte, mais il nous a dit : « Ça c’est votre histoire les gamins. Par contre, il faut qu’on parle de Saint-Etienne. » On a donc réécrit une chanson.
Vous avez également sorti une adaptation de votre titre Ça va aller aux côtés de Pomme. Comment est née cette idée ?
Raphaël : On avait déjà écrit une chanson ensemble il y a très longtemps et on est resté proches. Ça s’appelait On était pas si puissants, c’est une chanson qui est dans un tiroir et qui dort. En novembre 2020, Pomme voulait nous inviter sur scène pour chanter Ça va aller. Comme ça n’a pas eu lieu et qu’on a notre petit studio, on lui a proposé de venir faire une nouvelle version avec nous. On était très curieux et honorés d’entendre la voix de Pomme sur cette chanson, ça lui allait bien.
Vous avez monté votre label Black Paradiso et réalisé certains de vos clips. C’est important pour vous de garder votre indépendance, de ne pas être formatés ?
Raphaël : Oui complètement, d’être maîtres de ce qu’on fait. On a réalisé pas mal de nos clips, parfois on a collaboré aussi, mais au début on avait zéro moyen pour faire autrement que par nous-mêmes. C’est quelque chose qu’on aime bien. On fait des Journaux de Bord aussi sous forme de vidéos, pour raconter un peu ce qu’on traverse. C’est important pour nous cette autre manière de nous raconter, on est pas spécialement vidéastes mais on aime bien essayer de faire des choses comme des punks, qu’on ne sait pas bien faire. Voir si ça peut avoir une saveur singulière.
Dans le Journal de Bord New York, vous abordez le confinement. À une époque où le contact est devenu difficile, créer reste le meilleur moyen de partager ?
Raphaël : C’est la seule chose qu’on sache vraiment faire. De manière très pragmatique c’est notre métier et c’est un métier qui est magique, c’est comme l’amour, on en donne, on en reçoit, ça circule. C’est plutôt agréable et nécessaire pour nous. C’est encore une histoire d’absolu. La création c’est faire advenir dans le monde des choses qui n’existaient pas et faire en sorte que ces braises fonctionnent pour qu’elles aillent jusqu’aux gens, pour qu’elles entrent dans leur cœur. Qu’elles puissent traverser la France, aller jusqu’en Belgique, traverser le Luxembourg aujourd’hui pour arriver jusqu’à Strasbourg ce soir. Te rencontrer, parler de cette musique. Il n’y a rien si on ne s’agite pas, si on ne frotte pas les silex entre eux dans nos chambres avec mon frère. Il s’agit toujours de créer des espaces, des maisons. Ce soir, on sera peut-être 150-200, c’est extraordinaire. Ce sont une multitude de petits pas qui sont magnifiques. C’est comme une floraison.
Vous avez réalisé hors album, une cover du titre Everything I wanted de Billie Eilish, intitulée Les Trésors. Une ode à l’amour fraternel ?
Raphaël : On y parle de cette relation de frères qui a traversé toute l’écriture de ce disque et toute la traversée de la mort en fratrie. On a repris cette idée de conversation qui est un peu l’idée originale de Billie Eilish et son frère. On ne voulait pas traduire mot à mot, c’était un prétexte d’une mélodie que les gens connaissaient pour raconter notre histoire.
C’est assez incroyable ce lien que vous avez. Vous vous êtes toujours dit que vous alliez faire de la musique ensemble ?
Raphaël : Oui, même au-delà de la musique, faire les choses en famille fait partie de notre famille justement. Notre oncle nous a appris la musique, moi j’ai fait de la musique avec mon grand frère. C’est un truc presque clanique. Il y a quelque chose de très rassurant à être dans cette cellule familiale. Chez Billie Eilish et son frère, il y a une forme de protection que je trouve très belle. Le lien fraternel est indéfectible. La vie te choisit, te fait des frères et des sœurs, on a été élevé là-dedans. On parle beaucoup du rapport entre les parents et les enfants mais je pense que les rapports entre frères et sœurs sont des choses qui sont très constitutives de qui l’on est. C’est assez magique.