Barbara Engelhardt, à la croisée des territoires

Barbara Engelhardt, directrice du Théâtre Le Maillon de Strasbourg, portrait au théatre.

Fin avril 2017, les tutelles (Ville, État, Région) et l’association du Maillon ont annoncé la nomination de Barbara Engelhardt à la direction du Maillon. Rencontre.

Devant introduire la nouvelle directrice du Maillon, théâtre de Strasbourg et scène européenne, on avait envie de lister succinctement : une femme / Allemande / moins de 50 ans. On s’est dit qu’on ne le ferait pas. Car même si l’on s’en félicite intérieurement, on connaît le revers de ce choix de présentation. Citer en premier ces données, c’est courir le risque de faire de Barbara Engelhardt la « femme de service », soit celle dont la désignation va permettre aux tutelles (avec un soupir de soulagement) de retourner à leur immobilisme – et de continuer à nommer des hommes / blancs / de plus de 50 ans à tous les postes similaires.
Ensuite, ayant eu vent de l’arrivée prochaine, le 1er septembre 2017, d’Eva Kleinitz (femme / Allemande / moins de 50 ans) à la tête de l’Opéra National du Rhin, on se dit que Strasbourg doit bénéficier d’un micro-climat, et que dans cette ville, les gens n’ont même plus à s’en réjouir : c’est normal, quoi. Enfin, parce que l’autre conséquence de la « femme de service » est, parfois, de masquer la légitimité professionnelle : une femme serait là plus pour satisfaire les quotas que pour ses compétences. Et puis, on s’est repris : après tout, prenons l’envers du revers : non seulement l’arrivée de Barbara Engelhardt signale l’ouverture de la direction de structures culturelles à d’autres profils – il n’est jamais trop tard –, mais elle consacre, surtout, le parcours d’une femme de qualité. Un parcours d’une telle cohérence que sa nomination au Maillon semble, d’ailleurs, plus un retour qu’une arrivée.

Pourtant, à ce sujet, Barbara Engelhardt est catégorique. Certes, si elle a assuré de 2005 à 2015 la programmation du festival Premières, co-organisé à ses débuts par le TNS et le Maillon puis, par la suite, avec le Badisches Staatstheater de Karlsruhe, elle était « un électron libre entre plusieurs partenaires institutionnels ». Le Maillon, c’est ces dernières semaines qu’elle a commencé à vraiment le connaître de l’intérieur. Au côté de Bernard Fleury, ex-boss du lieu parti à la retraite en 2015, elle a assuré la gestion par intérim du théâtre. Tous deux ont en effet, suite au départ précipité (en décembre 2016) de l’éphémère directeur Frédéric Simon, terminé la programmation de la saison prochaine. Une saison 2017-2018 où s’affirment déjà certains axes défendus par la directrice : celui d’une « logique internationale et européenne multidisciplinaire, avec des nouvelles compagnies, des premières en France et des premières venues d’artistes à Strasbourg ».

Le projet souhaité par Barbara Engelhardt pour le Maillon prend appui sur l’histoire artistique de ce théâtre, et son « ouverture surprenante à des propositions artistiques qui s’attachent à créer un rapport individuel et en même temps diversifié au réel ». Cette caractéristique, Barbara Engelhardt souhaite la prolonger, tout en accentuant les deux pôles de rayonnement. « Il s’agit d’inscrire le Maillon sur le territoire du Grand Est et dans l’Europe. Ces dimensions sont complémentaires, ce sont deux pôles aussi importants l’un que l’autre. L’Europe est à Strasbourg, Strasbourg “est” l’Europe et il faut travailler sur cette idée, profiter de l’atout de cette ville transfrontalière, en testant des formes de coopération et d’échanges. » La coopération va, d’ailleurs, s’avérer indispensable au Maillon avec son déménagement qui approche. Car si la construction d’un nouveau théâtre est bien toujours prévue, les travaux ont pris du retard et ce décalage va l’amener à travailler à partir de l’été 2018 (date de la destruction du bâtiment du Wacken) hors les murs, notamment chez ses partenaires culturels. En attendant le nouvel équipement et ses deux salles de représentation, Barbara Engelhardt entend déjà mettre en œuvre une programmation « d’écritures scéniques variées », « l’invention de formats de rencontres différents avec les spectateurs », et le développement de la production, soit l’accueil d’artistes sur des temps de création développés.


Par Caroline Châtelet
Photo Pascal Bastien

Le Maillon, Théâtre de Strasbourg et scène européenne
www.maillon.eu