In/Somnia est le premier projet issu de cette résidence ?
Non, il y a eu un premier projet, puis un deuxième intitulé Et me voici soudain roi d’un pays quelconque autour de Fernando Pessoa. Ce spectacle va également reprendre chez nous cette année puisqu’il a été créé pendant le confinement. La chance qu’on a eue pour In/somnia, c’est d’avoir réussi à obtenir un cofinancement pour une double résidence, à la fois une résidence de compagnie et une résidence d’artiste, plus particulièrement celle de l’écrivain, Thierry Simon. Auteur de théâtre contemporain, il a travaillé avec Guillaume Clayssen à la création de ce spectacle.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la pièce In/somnia ? Quels thèmes aborde-t-elle ?
Elle aborde les rêves. Guillaume Clayssen s’est inspiré d’une histoire racontée par un psychanalyste juif allemand. Il a analysé les rêves de ses patients au moment de l’accession d’Hitler au pouvoir et il a pu noter le fait qu’un certain nombre d’entre eux rêvaient différemment, que l’ascension d’Hitler changeait le contenu de leurs rêves. Des cauchemars, de l’anxiété, un tas de choses s’y développaient. Quant à Thierry Simon, il avait été interpellé par une histoire qui avait eu lieu au moment de l’Empire britannique. On avait demandé à l’ensemble des fonctionnaires des colonies britanniques de prendre note des rêves des agents qui travaillaient avec eux. À quoi pouvaient rêver les gens qui étaient colonisés. Rêvaient-ils à l’Indépendance ?
À partir de ces deux points de départ, Guillaume et Thierry ont commencé à travailler sur ce que produisent les rêves : « Si nous devions être dans un pays où les rêves étaient à nouveau possibles ou pas, à quoi pourrions-nous rêver et comment pourrions-nous à partir de ces rêves-là imaginer une autre société ? » Avec In/somnia, ils sont allés vers une vraie histoire, plus romancée, plus théâtrale racontant l’histoire d’un groupe de jeunes qui se retrouve sur une île et qui a une nuit pour réfléchir à rêver différemment leur vie et la société.
Par les temps qui courent, ces deux histoires posent des questions très pertinentes. Que signifie rêver ? Quand Guillaume Clayssen m’a parlé de l’histoire du psychanalyste allemand, on était dans l’ère Trump, donc on peut faire un parallèle aussi avec le populisme, avec tout ce que ça peut engendrer comme rêves, positifs ou négatifs. Comment la pression de la société altère les rêves ? C’est un sujet passionnant car il nous questionne par rapport à ce qu’il se passait à ce moment-là, mais aussi par rapport à ce qu’il se passe actuellement. Nous ne sommes pas mieux aujourd’hui.
Lorsque vous accueillez une compagnie en résidence, avez-vous votre mot à dire en ce qui concerne la création ?
Non pas forcément, la liberté artistique est pleine et entière, par contre on discute beaucoup du parcours. De quoi ont-ils envie de parler, quels sont les auteurs sur lesquels ils vont travailler ? Ce sont des choses que je leur demande afin de voir comment on peut les accompagner au mieux, développer nos réseaux et permettre à un certain nombre de publics d’adhérer à cette proposition-là. La compagnie doit répondre à un cahier des charges relativement lourd et contraignant et en s’engageant dans une résidence, les équipes artistiques ne s’engagent pas seulement sur leurs créations mais aussi sur beaucoup d’autres interventions. Donc tout le monde ne postule pas, en règle générale ce sont quand même des compagnies solides, qui ont de la bouteille et qui sont dans une vraie démarche au long cours. On les accueille en résidence et on les accompagne parce qu’on est persuadés que les textes qu’ils vont choisir entrent en adéquation avec ce qu’on a envie de raconter. Puis une fois qu’ils sont sur le plateau, de savoir si ils le montent à l’endroit à l’envers, en clown ou en musique, là c’est la part de l’artiste.
In/Somnia, le mardi 9 novembre 2021
Et me voici soudain roi d’un pays quelconque, le mardi 15 mars 2021
au Relais Culturel de Haguenau, 11 rue Meyer à Haguenau
03 88 73 30 54
Par Emma Schneider
Portrait Eric Wolff, Henri Vogt