6e FARSe : à nos héros et héroïnes du quotidien

Bonne nouvelle, malgré la Covid-19, la joyeuse troupe du Festival des Arts de la Rue de Strasbourg (FARSe) revient en ville pour une 6e édition. Plus de 70 représentations (concerts compris) se dérouleront sur une dizaine de lieux du centre-ville de Strasbourg, ce week-end du 7 au 9 août. La ligne éditoriale de cette année, proposée par la directrice artistique Lucile Rimbert, met à l’honneur nos héros-héroïnes ordinaires, « celles et ceux qui ne portent pas de cape », renvoyant notamment aux personnes mises sur le devant de la scène pendant la crise sanitaire.

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La déambulation AE-les-années de la compagnie Groupe Tone sera probablement bien plus masquée cette année à Strasbourg que sur cette photo. Photo : Patrice Josserand

Être un « héros du quotidien », c’est tout un art. Et pour l’art (de rue), le FARSe ne blague pas. Déambulations théâtrales, danse, clowns, ou encore concerts en tous genre… les types de performances sont variées. Et comme souvent dans l’art de rue, les disciplines se mélangent pour mieux nous faire rire, pleurer, et aussi participer. Tous les spectacles sont en accès libre et gratuit, en plein air dans les rues et sur les places de la ville.

La pandémie limite aussi le FARSe

Covid-19 oblige, à l’instar des super-héros, restons masqués ! L’accès aux espaces sera limité à l’aide de barrières le temps des performances. Les spectateurs doivent évidemment respecter le protocole sanitaire avec port du masque obligatoire – même si les représentations ont lieu à l’extérieur – et une distribution de gel hydroalcoolique par la troupe de 70 bénévoles. Lucile Rimbert, directrice artistique de ce 6e FARSe explique qu’il y aura probablement des frustrations et de l’attente pour les spectacles : « Tout le monde ne pourra pas rentrer sur les sites, et tout le monde ne verra peut-être pas bien, mais on veut que les places [de Strasbourg] restent vibrantes et remplies d’émotions, sans être dans le déni de la situation actuelle. »

Les lieux du festival ont été divisés par deux alors que le festival était déjà « victime de son succès en termes de fréquentation » (les chiffres avancés tournent entre 100 000 et 120 000 spectateurs l’année dernière). Pas non plus de gros spectacle de clôture du festival prévu ce dimanche soir, comme cela avait pu être le cas lors des éditions précédentes, notamment avec les éléphants de la compagnie Oposito ou le parc du Heyritz enflammé. Les propositions artistiques de cette année restent néanmoins ancrée dans toute la diversité de fond et de forme que permet l’art de rue. « Il faut prendre ses responsabilités pour que cet événement poétique à ciel ouvert puisse avoir lieu, même si c’est au détriment de la générosité pour plus grand nombre », précise Lucile Rimbert. Tout le monde ne pourra pas tout voir, c’est acté. « Il va falloir de la bienveillance pour permettre de découvrir ces pépites poétiques, en termes d’attente et de placement du public. »

Une programmation qui résonne avec la pandémie

Une bonne partie de la programmation de cette année renvoie involontairement à différentes situations mises sous le projecteur pendant le confinement. « Il faut faire résonner des textes avec des contextes », répète Lucile Rimbert, décrivant des spectacles « accessibles et généreux, ancrés dans l’espace public et à hauteur d’Homme ». Place du Quartier Blanc par exemple, le théâtre de rue de la compagnie Fracasse de douze présente Hop, une burlesque chorégraphie d’éboueurs réenchantant un métier essentiel.

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Des spectateurs de la chorégraphie "D-construction" de la compagnie Dyptik dans la promiscuité la plus totale, un scénario peu envisageable cette année. Photo : Dyptik/Doc Remis

Du côté de la cour du Palais Rohan, la compagnie Garniouze INC laisse la parole à un « autoentrepreneur de la rue », un comédien vendeur d’attrape-touristes et de parcours de vie. Ce spectacle, Je m’appelle, parle des victimes de la « guerre économique mondiale » des années passées, résonnant avec la crise actuelle.

Place du Château, la compagnie Dyptik voltigera autour de véritables barrières métalliques avec leur spectacle D-construction. Une nouvelle symbolique du spectacle est toute trouvée en cette période où les murs se multiplient : ceux invisibles de la distanciation sociale, des gestes barrières ou encore ceux physiques en plexiglass dans les supermarchés.

Le FARSe des Minis, pour les enfants

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Cette année, la scénographie de la Cour du FARSe a pour thème les comics de superhéros. Elle est conçue et réalisée par les structures artistiques locales Animaillons et Art Puissance Art. Photo : Jeannine Weber

Le programme familial du festival, le FARSe des Minis est toujours mis en place par Vanessa Rivelaygue, comédienne et conteuse. Cette année, ce n’est plus aux Docks d’été, mais dans la Cour du FARSe, rue des Veaux, qu’il se tiendra avec des rendez-vous musicaux le soir, animés par l’association locale Pelpass. Pour la conception de la scénographie de la cour, les structures Animaillons et Art Puissance Art se sont largement inspirées des comics de super-héros pour rester dans le thème du festival. Niveau spectacle, on y verra par exemple une Cendrillon dans un castelet (cadre décoratif du théâtre de marionnettes) qui contera son histoire et ses envies, grâce à la troupe Scopitone & Compagnie.

Parmi d’autres « anti-héros attachants » de cette année, il faut chercher la mascotte déambulante dans les rues de Strasbourg : Super Arts De La Rue, un justicier au « slip gilet jaune ». On trouve aussi le spectacle More Aura de l’Association des clous, où Christine, une boxeuse déjantée et trash, sera en duel avec les adversités de la vie sur son ring place de la République. Elle laissera la place à l’arène de l’hémicycle : un Parlement populaire participatif aux allures d’une Nuit Debout théâtralisée.

Les futurs spectateurs place de la République sont d’ailleurs invités par le Théâtre de l’Unité à proposer leurs lois en amont du spectacle, pour ensuite les défendre comme des députés sur un fond de chansons de Didier Super ou de textes de Jean Jaurès.

À noter, un média collaboratif des quartiers populaires strasbourgeois nommé Sp3ak3r, sera le partenaire médiatique du FARSe de cette année, avec des reportages photos ou encore des interviews d’artistes et de nos « héros-héroïnes » du quotidien.

Pas besoin d’être le Professeur Xavier des X-men pour voir où la municipalité et les organisateurs du FARSe veulent nous amener avec ce maintien de l’événement : se réapproprier l’espace public grâce à l’art, remettre nos (supers) héros et héroïnes ordinaires au-devant de la scène, et surtout redonner le sourire aux Strasbourgeois, presque aussi renfrognés que Wolverine, impatients de retrouver événements, concerts et spectacles.


6e édition du FARSe, du 7 au 9 août à Strasbourg – Le programme en lien ici.
Accès aux spectacles libre et gratuit,  environ 70 représentations, 10 lieux.
FARSe des Minis dans la Cour du FARSe, cour de l’école Pasteur, rue des Veaux.


Par Martin Lelievre