Paranoid Androids au Maillon

Comment cohabitons-nous avec nos doubles humanoïdes ? Au théâtre du Maillon à Strasbourg, du 20 janvier au 5 février, la programmation Paranoid Androids – des robots et des hommes croise les réflexions de penseurs et de scientifiques avec des expérimentations artistiques particulièrement stimulantes. 

Il apparaît clair que ce que nous considérions il y a encore quelques années comme de la science-fiction est devenu notre quotidien. Enfin, pas tout à fait mais on s’en rapproche, inexorablement. Les progrès incessants en matière d’intelligence artificielle nous font miroiter un monde meilleur et son côté obscur nous apparaît toujours plus clairement. Les annonces des scientifiques et des multinationales nous conduisent à reposer toujours les mêmes questions : quelle place pour nous, humains, dans tout ça ? Quelle responsabilité, aussi ? Des questions éternelles qui se reformulent sans cesse. Dans le fond, depuis la nuit des temps, elles n’ont pas vraiment changé, si ce n’est qu’elles sont de moins hypothétiques. Ce qui change aussi, c’est qu’après la littérature et le cinéma (et la télévision, évidemment), c’est le théâtre qui s’en empare. Pendant trois semaines, le Maillon programme une série de propositions stimulantes, sur le fond comme sur la forme, auxquelles il associe ateliers et rencontres. Où l’on retrouve aussi des artistes familiers explorant ici des terrains moins connus.

Photo Gabriella Neeb

La Vallée de l’étrange
Stefan Kaegi / Rimini Protokoll
Voilà longtemps que l’on suit cet artiste suisse qui décortique des faits de société en faisant monter sur scène ceux-là même qui les vivent de près. La « vallée de l’étrange », expression du roboticien japonais Masahiro Mori pour décrire le vertige de la rencontre avec l’humanoïde, ne déroge pas à ce principe. C’est justement ce vertige que Kaegi convoque en installant sur le plateau un humanoïde au mimétisme troublant, qui nous interroge, nous humains, sur ce que nous ressentons à son égard et nos rapports aux technologies qui l’ont fait naître.
jeudi 20 janvier / 20h30
vendredi 21 janvier / 18h30 + 21h
samedi 22 janvier / 16h + 20h30
+ rencontre avec Stefan Kaegi et Anne Giersch, directrice du laboratoire Neuropsychologie Cognitive et Physiopathologie de la schizophrénie de INSERM, à 17h30)

Happiness
Dries Verhoeven
En 2013, le Néerlandais avait installé dans la ville des vitrines devant lesquelles le public faisait face à celles et ceux qu’il ne veut pas voir. Une exposition vivante de corps étranges et de parias qui soulevait une multitude de questions sur ce que l’on considère comme acceptable. Dries Verhoeven investit à nouveau l’espace public, et pose place Saint-Pierre-le-Vieux une micro-pharmacie. Derrière le comptoir, la pharmacienne androïde nous vante des médicaments qui amélioreront nos performances ou notre bien-être. Une rencontre avec un « être » qui nous ressemble, à moins que ce ne soit nous qui lui ressemblions toujours un peu plus…
Place Saint-Pierre-le-Vieux
vendredi 21 > samedi 29 janvier / 11h30 > 19h30
(relâche di 23)

Photo Elisabeth Carrecchio

Contes et Légendes
Joël Pommerat / Cie Louis Brouillard
La dernière fois qu’on a croisé Joël Pommerat au Maillon, il nous entraînait avec Ça ira (1) fin de Louis au cœur des débats des États-Généraux de 1789, dans une flamboyante et réjouissante leçon de politique. Il renoue ici avec son goût pour le monde de l’enfance et un théâtre très visuel. Contes et légendes nous plonge dans un futur pas si lointain, où se côtoient humains de chair et de synthèse. Quels effets cette cohabitation pourrait-elle avoir sur des adolescents en pleine construction ? Quelles questions existentielles supplémentaires ferait-elle émerger chez eux ? Ces Contes et légendesrésonnent forcément avec notre présent déjà ultra-connecté.
mercredi 26 + jeudi 27 janvier / 20h30
vendredi 28 janvier / 19h
samedi 29 janvier / 18h
+ Deviens un robot, atelier théâtre avec Lucia Trotta, assistante à la mise en scène de Contes et légendes, le sa 29 de 14h à 17h

Photo Karolina Maruszak

Man strikes back
Post uit Hessdalen
Le jongleur Stijn Grupping, accompagné du percussionniste Frederik Meulyzer, est ici aux prises avec cinq boîtes qui semblent animées d’une volonté propre. Censées être de simples éléments de décor, supports de la virtuosité de l’artiste, elles interfèrent avec le déroulement de sa chorégraphie si bien huilée, prenant le contrôle et imposant leur rythme. Dès lors, il devient nécessaire d’imaginer un autre rapport entre le corps de l’artiste et « l’objet ». Il faut s’adapter, mais peut-on aussi coopérer ?
mercredi 2 février / 20h30
jeudi 3 février / 10h + 19h

Photo Katja Ilner

Tank
Doris Uhlich
Pas de robot ici, mais bien un corps de chair et d’os. C’est celui de la chorégraphe Doris Uhlich, qui en a fait son instrument et son objet d’études. Ici, elle le plonge dans ce qui ressemble à une éprouvette géante, où il semble soumis à des expériences, comme dans un laboratoire. Soutenue par la partition électronique de Boris Kopeinig, Doris Uhlich se penche dans ce solo sur notre rapport au progrès, notamment lorsque celui-ci nous impacte physiquement.
jeudi 3 + vendredi 4 + samedi 5 février / 20h30


Retrouvez l’intégralité du programme des rencontres, projections et ateliers ainsi que les bandes annonces des spectacles sur le site du Maillon


Par Sylvia Dubost