Point de rencontre à la Comédie de Colmar

Les portes de la Comédie de Colmar se sont rouvertes le temps de la présentation de Meeting Point. On a pu se glisser dans la salle parmi la vingtaine de « collègues » de la metteuse en scène Catherine Umbdenstock. Récit.

Meeting Point à la Comédie de Colmar
Meeting Point traite de l’histoire mouvementée de l’Alsace © Dorian Rollin

On a fait comme si. Initialement, la première de Meeting Point (Heim) était programmée pour le mercredi 20 janvier 2021 à la Comédie de Colmar. Si le calendrier fut respecté, en dépit d’un horaire avancé en raison du couvre-feu, la pièce écrite par Dorothée Zumstein et mise en scène par Catherine Umbdenstock fut déclinée en « présentation », faute de véritable représentation. Devant un parterre d’une vingtaine de privilégiés dont nous faisions partie aux cotés de diffuseurs, metteurs en scène et autres confrères. Drôle d’impression de figurer dans le noir pendant plus de deux heures, face à cette création dont nul ne sait quand est-ce que le grand public et les lycéens haut-rhinois ayant contribué à son élaboration la verront… 

Assise au cinquième rang, Catherine Umbdenstock ne se prive pas de remercier ses comédiens (Christophe Brault, Charlotte Krenz, Lucas Patensky et Pascale Schiller) à l’issue du spectacle. Comme s’il s’agissait d’une petite victoire au milieu du désert culturel ambiant. « Quand on a su que le public ne pourrait pas venir, on a essayé de voir ce qu’il était possible de faire au niveau légal. On a donc décidé d’ouvrir à une trentaine de nos pairs histoire qu’ils nous fassent des retours pour qu’on puisse améliorer la compréhension et le rythme de la pièce », dévoile Catherine Umbdenstock. 

Catherine Umbdenstock
Catherine Umbdenstock, metteuse en scène de Meeting Point © Dorian Rollin

Quand le réel rattrape la fiction

En réalité, pas mal avaient les yeux rivés sur l’horloge, mentionnant pour certains un train à prendre afin de rester dans les clous du couvre-feu établi à 18 h. Mais le simple fait de pouvoir se retrouver, se croiser au coin du masque et de la création, pouvaient s’interpréter à une forme de libération. « C’était triste de se dire qu’il n’y avait rien de montrable, reconnait la metteuse en scène. Finalement, c’était hyper important, même pour moi qui était dans la salle, de sentir les choses qui font réagir ». Il y a ainsi eu des éclats de rires, ci et là, pas forcément prévus sur le conducteur de la metteuse en scène. D’autant que Meeting Point ravive pas mal d’anciens souvenirs ayant trait à l’histoire mouvementée de l’Alsace et les origines de ses habitants. Au devoir de mémoire s’est greffé ce moment de pandémie, si singulier, au point de mettre la culture sous cloche. La dernière mouture du texte écrit par Dorothée Zumstein avait été rendue en mars 2020. Un lustre à notre échelle de confiné.e.s. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que soit encore le sujet par rapport au fait qu’on jouait en janvier 2021, dévoile la metteuse en scène. Finalement, je me rends compte que là, c’est le réel qui rattrape la fiction ». À l’image de la dernière séquence de Meeting Point avec bruits d’hélico et médecin pressé de retourner au front.

Entre-temps, il a quand même fallu jongler avec un contexte pour le moins inattendu, voire versatile. « En tant que gens de théâtre, on est aussi des experts de l’irréel et de la fiction », s’accommode-t-elle. De cet entre-deux, les téléphones ont souvent été mis en mode silencieux. Pour atténuer la porosité avec le monde extérieur et préserver ce qu’il reste des conditions de travail. « Sinon on peut vite se dire qu’on laisse tomber et je pense qu’il ne faut vraiment pas faire ça ». 


Par Fabrice Voné
Photos Dorian Rollin