Journées de l'archi :
maisons idéales

Pour leur 20e édition, les Journées de l’architecture se sont donné pour thème « Fait maison ». Trois architectes (Anne-Sophie Kehr, Benjamin Dubreu et Xavier Génot), invités des JA, présentent des maisons qui pourraient nous inspirer : la Villa Malaparte, le programme Case Study Houses et les Sef Haos au Vanuatu. Ces maisons seront présentées dans le cadre des Maisons-visites des Journées de l’Architecture au 5e Lieu, à Strasbourg.

_ Le choix d’Anne-Sophie Kehr : la Villa Malparte

C’est quoi cette maison ?
« C’est une relique laissée sur un pinacle après que les mers se soient apaisées », dixit John Hejduk, architecte, dans le magazine DOMUS en 1980.

Villa Malaparte, vue de la fenêtre, italie, capri
La Villa Malaparte, architecte : Adalberto Libera 1938-1943 à Punta Masullo, Capri, Italie.

Pourquoi ce choix ?
Parce que la villa Malaparte est mythique et expressément moderne à la fois. Parce que l’Antique se mêlant à un certain dépouillement rationaliste et à la force du site, elle prend des allures de théâtre grec niché dans le paysage. Parce que les incertitudes amoureuses de Brigitte Bardot et Michel Piccoli ont été saisies sur son toit, par Jean-Luc Godard sur la musique de Georges Delerue en 1963. Parce qu’elle a pris les traits de Curzio Malaparte [écrivain, scénariste et journaliste italien, ndlr] : rebelle, romantique et solitaire.

Comment pourrait-on s’en inspirer ici et maintenant ?
Si, selon Frank Lloyd Wright, l’architecture doit rendre le paysage plus beau qu’il ne l’était avant qu’elle ne soit bâtie, elle doit surtout en être une résultante évidente. La villa Malaparte nous révèle cette dialectique indispensable entre architecture et site, entre concept et topographie. Le projet se révèle par le site, et doit révéler le site : ce dialogue nous rappelle surtout que l’architecte doit être un topophile*.

*dérivé de topophilie : mot inventé par Gaston Bachelard, qui signifie l’amitié du lieu.

_ Le choix de Benjamin Dubreu : les Case Study Houses

Case Study Houses Charles Ray Eames, Etats Unis
Richard Neutra, Raphael Soriano, Craig Ellwood, Pierre Koenig et Eero Saarinen, Charles et Ray Eames ont participé au programme Case Study Houses entre 1945 et 1966 sur la côte Ouest des États-Unis. Cette maison est signée Charles et Ray Eames.

C’est quoi ces maisons ?
Le programme des Case Study Houses a vu le jour en Californie à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale, à l’initiative d’une revue d’architecture. Portée par de jeunes architectes, cette démarche avait pour objectif de démontrer qu’il était possible de concevoir et de construire des maisons destinées aux ménages américains des années cinquante, à partir de principes modernes : espaces ouverts, économie de matériaux, relation au paysage, techniques constructives innovantes… Une vingtaine de maisons ont été réalisées. L’objectif de la reproductibilité a été manqué, puisque toutes sont restées à l’état de pièce unique, mais chacune constitue une représentation iconique de la maison moderne.

Comment pourrait-on s’en inspirer ?
Elles montrent qu’il est possible de modifier nos façons de concevoir et de construire, de travailler à réduire l’épaisseur de la matière. Les Case Study Houses recherchaient une nouvelle expérience du confort, un monde plus ouvert, et nous pouvons encore nous en inspirer pour trouver à concilier le respect de nos environnements avec le plaisir d’habiter.

_ Le choix de Xavier Génot* : les Sef Haos

*Xavier Génot coordonne la préparation et la réponse du secteur abri/logement pour la Croix Rouge.

Maison Sef Haos au Vanuatu
Une maison Sef Haos, architecture vernaculaire, au Vanuatu (Pacifique sud)

C’est quoi cette maison ?
Au Vanuatu [le pays le plus soumis aux aléas climatiques, ndlr], une maison est en fait un jardin avec plusieurs bâtiments : des chambres et la cuisine. Cette dernière est construite pour résister aux cyclones, dans une essence de bois plus solide, les poutres s’enfoncent profondément dans le sol, la toiture tressée gère des pressions et dépressions du vent et la fumée du feu sèche le bois et tue les parasites. C’est une combinaison de savoirs ancestraux et modernes.

Pourquoi ce choix ?
En 2015, le cyclone Pam fut l’un des plus gros jamais enregistrés, avec des vents à 300 km/h. Il a impacté 170 000 personnes, et fait « seulement » 13 morts. Nous avons cherché à comprendre pourquoi. Lorsque le cyclone arrive, toute la famille (parfois 40 personnes) se réfugie dans cette Sef Haos [la cuisine, ndlr]. Les plus fragiles se couchent à terre et les hommes retiennent la structure, parfois pendant 8h. Les chambres peuvent être détruites, ce n’est pas important…

Comment pourrait-on s’en inspirer ?
Cela a changé mon regard sur ma pratique et sur notre société. Cette Sef Haos pose beaucoup de questions sur la passation du savoir, l’accès aux ressources, la façon dont on aborde l’habitat en tant qu’individu, famille et communauté, dont on s’adapte ensemble à un changement, sur nos priorités pour faire face à ce qui nous attend, sur ce qu’est la vraie résilience dont on parle beaucoup…


Maison-visites, le 27 octobre de 12h30 à 13h30 au 5e Lieu, place du Château, à Strasbourg

Journées de l’architecture
140 manifestations dans 25 villes entre Alsace, Bade-Wurtemberg et Suisse, jusqu’au 31 octobre


Propos recueillis par Sylvia Dubost