L’exposition temporaire du Musée historique de Haguenau met en lumière 200 ans d’archéologie dans la forêt indivise de Haguenau. Un impressionnant patrimoine qui attire des chercheurs de toute la France. Son directeur, Dimitri Mathiot, retrace l’histoire du musée et nous partage sa passion pour ce trésor trop méconnu dans la région.
Si vous habitez ou travaillez à Haguenau, vous passez peut-être toutes les semaines devant ce magnifique bâtiment néo-Renaissance sans y avoir jamais mis les pieds. L’exposition qui a débuté le 18 novembre entre ses murs a pour objectif de faire (re)découvrir l’incroyable collection d’objets des âges du bronze et du fer abritée dans le Musée historique. L’occasion de franchir les (grandes) portes de ce lieu dont l’histoire a débuté il y a 123 ans. L’intérieur de la bâtisse surprend autant que l’extérieur, notamment par ses détails décoratifs. Les plafonds peints, les vitraux et le style architectural évoquent la riche histoire de Haguenau au Moyen Âge. Vos yeux ne sauront plus où se poser car les salles d’expositions sont elles-mêmes des bijoux. D’ailleurs, avant de partir, n’oubliez pas de jeter un œil à la coupole récemment rénovée au premier étage.
On doit l’idée de ce musée au maire de Haguenau de l’époque, Xavier Nessel (1834-1918). Lui-même passionné d’archéologie et collectionneur d’antiquités, il a légué, au début du xxe siècle, sa collection d’objets et demandé en échange la construction d’un musée pour l’accueillir. Avant même l’ouverture de ce lieu, le maire présentait déjà à son domicile sa collection à des visiteurs triés sur le volet. Xavier Nessel ne faisait pas que collectionner, il allait aussi sur le terrain et a lui-même organisé de nombreuses fouilles dans la forêt. Le tout en développant des techniques de travail novatrices pour l’époque, à la fois lors de la fouille, comme le prélèvement en motte pour les objets les plus fragiles, et lors de l’étude ou de la restauration des objets qui formeront sa collection personnelle. Son travail minutieux sur le mobilier des nécropoles tumulaires de Haguenau a permis la conservation d’innombrables objets qu’il cherchera par la suite à mettre en valeur et à partager avec le public.
Si l’ancien édile a grandement participé à faire connaître Haguenau dans le domaine de l’archéologie, c’est d’abord à la forêt que l’on doit ces trésors. Car bien que le musée retrace toutes les périodes de l’histoire de la ville, c’est grâce aux fouilles réalisées dans ce massif forestier de 21 000 hectares, labellisé Forêt d’Exception® par l’Office National des Forêts, que la période de la protohistoire y est si bien représentée. Dimitri Mathiot, directeur du musée, partage avec Xavier Nessel sa passion pour cette époque – qui comprend l’âge du bronze et l’âge du fer, de 2 500 à 52 avant notre ère –, et la forêt de Haguenau le leur rend bien ! Celle-ci a hébergé des centaines de tumuli (ou tertres), sortes de petites collines recouvrant chacune plusieurs tombes. Au xixe siècle, le maire archéologue en avait fouillé 400, ce qui représente plus de 1 000 tombes ! Tout ce qui est affilié à cette époque au sein du musée provient de ces nécropoles. Et de nombreux objets présentés dans la nouvelle exposition temporaire comme dans la permanente sont en très bon état. « Nous avons suffisamment d’objets pour ne présenter que les mieux conservés. Tous les musées n’ont pas cette chance », explique Dimitri Mathiot. La forêt a protégé les tertres de l’érosion, pour le plus grand plaisir des chercheurs venus poursuivre l’analyse de cette riche collection.
L’ambition de Dimitri Mathiot et de son équipe est de montrer aux Haguenoviens et habitants des alentours le prestige des collections qui proviennent de la forêt. « Ils peuvent être fiers car cela n’existe pas dans le reste de l’Alsace ni ailleurs en France, c’est un patrimoine très important », insiste Dimitri Mathiot. Lui-même a été attiré dans la région par cette collection hors du commun. « Dès ma deuxième année d’étude à l’université, j’ai entendu parler de Haguenau en cours d’archéologie. Mes collègues qui ont fait leurs études à Rennes ou à Bordeaux ont aussi abordé son histoire. C’est un site de référence enseigné en France et ailleurs en Europe. » Quand Dimitri Mathiot apprend que le poste de directeur est à pourvoir, il saisit l’occasion. Depuis maintenant trois ans, ce spécialiste de la protohistoire œuvre à faire connaître son musée au public de tous âges.
Que peut-on voir exactement dans cette collection ? En grande partie des bijoux en bronze. Ils sont verts mais il faut les imaginer à l’époque dans leur éclat premier, avant oxydation. Des boucles d’oreilles aux airs de grandes créoles ; des colliers que l’on imagine peser bien lourds, surtout ceux qui contiennent aussi du verre ou de la céramique ; des bracelets ou encore des pectoraux qu’on portait, comme leur nom l’indique, sur le thorax. En parlant de pectoral, on peut en voir un magnifique tout en ambre dans l’exposition permanente, au sous-sol. Difficile de s’en rendre compte quand on n’est pas spécialiste, mais ce type de bijou est très rare. L’ambre venant de la Baltique, c’est un matériau semi-précieux pour l’époque. Pour Dimitri Mathiot, c’est la preuve du prestige des tombes et de l’importance des fouilles qui y ont été faites : « Un archéologue aura peut-être la chance de trouver une petite perle en ambre dans sa carrière. Ici, on voit que Xavier Nessel en a trouvé plusieurs dizaines de kilos. » Au milieu de tous ces bijoux verdis par le temps, une paire de boucles d’oreille dorées semble sortir de chez le bijoutier et attire le regard. Elle date pourtant de 600 à 700 avant notre ère. « L’or ne s’abime pas dans le temps, explique le directeur du musée. Ce genre de boucles en or, on doit en connaître une dizaine de paires en France, et la moitié vient de la forêt de Haguenau. » Les bijoux côtoient d’autres pièces (cruche en fer, pince à épiler, perles de corail) de l’âge du bronze et du fer.
On peut se demander pourquoi une telle quantité d’objets de cette qualité a pu être trouvée ici : « Parce qu’on a eu la chance de fouiller autant et qu’elles ont été bien conservées, affirme le directeur du musée. Mais on se dit aussi que c’est une toute petite partie de la population qui a été enterrée dans ces tertres funéraires. La qualité du mobilier trouvé et l’architecture des tombes montrent que ce sont les populations les plus aisées qui étaient enterrées là. » L’ensemble des tertres couvre une période de 2 000 ans, que reste-t-il aujourd’hui de ces nécropoles ? « Si vous avez un regard expert, vous verrez de petits monticules par endroit, précise l’archéologue. Mais il faut le savoir, c’est discret ! On travaille avec le label Forêt d’Exception® pour mettre en valeur certains endroits, mais l’idée est de préserver ces zones qui sont hors des sentiers de randonnées. »
En attendant de pouvoir un jour se rendre sur les tertres, la nouvelle exposition temporaire du Musée historique propose de retracer l’histoire de ces fouilles, du travail des archéologues jusqu’à leur présentation au public. D’ailleurs, le parcours commence par les vitrines d’origine du musée, avec leur amoncellement d’objets. La première salle fait référence à la manière d’exposer à l’époque de l’ouverture du musée en 1905. La salle suivante s’inspire d’un laboratoire scientifique. Elle met en scène les différents métiers de l’archéologie moderne : le vestiaire du cartographe avec ses outils de prise de mesure ; le bureau du céramologue où le visiteur se glisse dans le rôle en manipulant des objets ; enfin, un laboratoire des métaux explique comment leur composition est analysée. On découvre qu’il n’est pas rare que des artisans soient sollicités pour reproduire des gestes et des objets, afin de permettre de comprendre comment ceux-ci ont pu être conçus. On parle alors d’ « archéologie expérimentale » et c’est passionnant !
Depuis 2015, un groupe de scientifiques spécialistes de la protohistoire a entrepris le réexamen complet de l’ensemble des découvertes venant de la forêt de Haguenau. Ils actualisent ainsi les connaissances dans le domaine et une partie des résultats de ces recherches est présentée ici. « On n’a pas de textes de cette époque donc on enquête pour comprendre. Ce sont Les Experts à Haguenau », s’amuse Dimitri Mathiot. Le parcours se termine par des aquarelles qui nous rendent étonnamment proches de ces humains disparus il y a plus de 2 000 ans. Les couleurs des vêtements, les positions dans les tombes, le paysage, le moindre détail de ces dessins a été scientifiquement déterminé par les chercheurs. « Ces restitutions permettent d’illustrer les hypothèses des archéologues », indique Dimitri Mathiot. On ressort de l’exposition avec l’envie d’en savoir plus sur l’histoire de la ville mais aussi sur le travail des archéologues. Le directeur passionné semble avoir réussi son pari.
Un conseil : commencez la visite par l’exposition temporaire, cela permet de comprendre la spécificité de ce musée. Ensuite, rejoignez le sous-sol pour découvrir la fameuse collection issue des fouilles. Vous pourrez poursuivre sur la période romaine, le Moyen Âge (au rez-de-chaussée) jusqu’à l’histoire plus récente de la ville. Pour finir de vous convaincre que ce musée mérite le détour, sachez que les objets présentés dans l’exposition temporaire sont pour certains inédits entre ces murs. Il s’agit soit de pièces sorties des réserves, soit d’objets prêtés par d’autres musées mais qui sont tous originaires de Haguenau. C’est la première fois qu’ils sont réunis à nouveau dans la ville.
Vos objets préférés du musée ?
Dimitri Mathiot, directeur du Musée -historique de Haguenau
« Un nécessaire de toilette qui comprend un cure-ongle, un cure-oreille et une pince à épiler qui datent de 600 av. notre ère. Les humains des âges du bronze et du fer n’étaient pas les barbares hirsutes que l’on imagine parfois. Ça tord le cou aux idées reçues et j’aime bien ça. Ils n’écrivaient pas mais prenaient soin d’eux. Ils avaient également des rasoirs. »
« Un Jupiter sur un cheval en train de terrasser un monstre à buste humain et à pied d’anguille. Jupiter est le roi des dieux dans la mythologie romaine mais sa représentation sur un anguipède ne se retrouve que dans l’est de la France. On suppose que c’est l’adaptation d’une représentation divine de l’époque gauloise qui était vénérée dans la région. J’aime beaucoup que ce soit en grès des Vosges, un matériau local ; c’est une histoire mythologique locale romanisée. »
Les visites du samedi 15 h |
Les conférences du vendredi 20 h |
Journées européennes de l’archéologie 14.06 –> 16.06.24 |
Programmation jeune public
La boîte à mystères du -mercredi 14 h
Atelier limité à 8 participants | Réservation obligatoire
5-7 ans | 17.04 + 12.06 + 14.08
8-12 ans | 13.03 + 15.05 + 17.07
Chaque premier mercredi du mois, viens découvrir un nouvel objet en lien avec les âges des métaux dans la boîte à mystères ! Visite de l’exposition temporaire, manipulations et jeux sont au programme de cette animation sur le thème de l’archéologie. Deux tranches d’âge sont prévues pour que petits et grands puissent profiter au mieux de cette animation.
Exposition « De la forêt au musée » jusqu’au 1er septembre 2024
Sortirahaguenau.fr
Par Fanny Laemmel
Photos Teona Goreci
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Manivelle, la petite entreprise de Silvin Kutsch et Thomas Kieber créée en 2018, continue d’écrire son histoire dans l’univers du cycle local et international. Dans une main, des vélos artisanaux fabriqués dans leur atelier du quartier de la Coop à Strasbourg. Dans l’autre, des accessoires produits en série en Alsace, en partenariat avec l’industriel historique Caddie et le chantier d’insertion Libre Objet.
