Le jardin comme œuvre commune

Un lieu unique et coloré se niche à Uttenhoffen au cœur du Pays de Niederbronn-les-Bains. Bienvenue aux Jardins de la Ferme Bleue où Jean-Louis Cura et Alain Soulier cultivent un art de vivre riche en rencontres et en découvertes.

Alain Soulier et Jean-Louis Cura © Alexis Delon

Un coup de sonnette au 21 de la rue Principale à Uttenhoffen et le portail s’ouvre sur deux sourires, ceux de Jean-Louis Cura et d’Alain Soulier, propriétaires des lieux. Le café est déjà prêt à être servi dans un ravissant service, aux tons bleus, bien sûr. « C’est une récup’, comme tout ici ». Récup’ ? Oui mais d’un goût très sûr et toujours bercé d’une histoire que les deux amis se plaisent à raconter. Près de là, une impressionnante glycine déploie ses tiges. « C’est une glycine japonaise qui s’enroule dans le sens des aiguilles d’une montre, contrairement aux glycines chinoises qui vont dans l’autre sens. Les grappes de fleurs peuvent atteindre un mètre de long », explique Jean-Louis. Ici, tout est sous contrôle, on ne plaisante pas avec la nature. Pour preuve, le précieux label Jardin Remarquable, décerné 14 fois seulement en Alsace, leur a été remis en 2005.
Jean-Louis Cura a installé son atelier ici et exerce son métier de créateur de jardins et de paysages, aussi bien auprès de particuliers qu’à l’occasion d’évènements éphémères. La présentation de sa Mosaïque aquatique au Festival de Chaumont-sur-Loire en 2001 a contribué à sa notoriété. On se souvient d’Alain Soulier dans son joli magasin d’abat-jour sur le quai des Bateliers à Strasbourg. Aujourd’hui c’est à la Ferme Bleue qu’il exerce son art et réalise sur mesure ses abat-jour haute-couture. Il en est aujourd’hui le dernier fabricant-créateur et partage son savoir-faire avec les visiteurs dans la tour bleue située à l’entrée de la ferme, surmontée d’une jolie marquise et rafraîchie d’un bassin aux nénuphars.

Lorsque ce dernier achète la propriété en 1981, elle est presqu’à l’état de ruine. Les 1 700 m2 avec maison, dépendances et jardin deviennent son terrain de jeu. Jean-Louis Cura le rejoint en 1986 et s’attelle lui aussi à la remise en état. Tous deux se lancent l’ambitieux défi d’en faire un lieu d’art et de rencontres. « Nous avons tout restauré, ne gardant que les parties anciennes de ces bâtiments qui ont vu la guerre de Trente ans et subi plusieurs bombardements en 1870. Porte du XVIIe, moulures du XVIIIe, colombages… Nous avons accompli un travail énorme avant de repeindre avec le fameux Bleu de Hanau. Ce bleu est la couleur traditionnelle des maisons protestantes du Nord de l’Alsace qui se démarquaient ainsi des catholiques. Il s’explique par la mine de cobalt exploitée à Bouxwiller et à la petite entreprise de bleu à linge qui y était installée. »

La serre des Jardins de la Ferme Bleue à Uttenhoffen © Alexis Delon

Quand l’art s’acoquine avec la nature

 « Notre jardin est un jardin contemporain à la française, un jardin dit régulier, à savoir qu’il suit les règles. Tout est dans la taille », raconte Jean-Louis.

Une œuvre commune faite d’une suite de jardins à la fois bien distincts et intriqués, qui s’articulent autour des bâtiments. La visite débute par le jardin de cristal : débris de cristal Lalique à l’ombre d’un chêne, colombes de verre de Meisenthal, œuvre métallique du sculpteur Jacques Lortet, signature d’Edgar Mahler sur la fenêtre en trompe-l’oeil comme sur une partie de la grande façade gravée en doré de la maison principale… À côté, une jolie serre abrite les espèces fragiles durant l’hiver : figuier, orangers, jasmin…
Plus loin, le jardin italien, où le jaune des forsythias côtoie celui des fleurs de topinambours, ouvre l’accès au jardin d’Orphée, structuré en carrés et joyeusement habité de fameux personnages de buis : dame de pique, valet de cœur, d’Artagnan et ses trois mousquetaires… Autour d’une fraîche tonnelle, s’organisent de saison en saison des compétitions de couleurs entre campanules, pivoines arbustives, cerisiers en grappe à six troncs, le sumac aux fleurs orange et la haie en hêtre aux feuilles pourpres. La composition est stricte mais les arbres se touchent, et le paysage que l’on devine à travers les ifs participe au charme du site. Jean-Louis Cura et Alain Soulier évoquent souvent les deux voyages au Japon qui leur ont permis d’admirer les cerisiers en fleurs ou les arbres taillés en nuages et de se plonger dans l’art des jardins. 

Jardins de la Ferme Bleue © Alexis Delon

Pour le partage et les rencontres

Après avoir fait le tour du jardin, c’est dans le salon de thé et le préau de la salle à manger d’été que les visiteurs succombent aux douceurs que Jean-Louis et Alain confectionnent avec savoir-faire. C’est aussi là que se déroulent les fameux brunchs du dimanche autour d’un buffet sucré/salé et de l’incontournable spécialité maison : le kouglof à l’écorce d’orange confite. À l’amorce de la période de Noël, les brunchs de l’Avent à la chaleur du kachelhoffe sont également très prisés.
Le lieu se distingue aussi avec les Impromptus, des événements musicaux suivis par un public fidèle : une cinquantaine de spectateurs venus se détendre au jardin avant d’assister au concert se retrouvent ensuite pour le dîner en compagnie des artistes. Là aussi, Jean-Louis et Alain font preuve de créativité avec un plat unique imaginé en fonction du thème musical. « L’endroit se prête merveilleusement à la convivialité, aux belles rencontres autour d’une pratique artistique. » Cette année, six dîners-concerts sont au programme, mêlant flûte-traversière, musiques et chants de la mer, duo contrebasse et guitare, inspiration japonaise avec la mythologie des yōkai, ténor et soprano pour un récital d’opéra, accordéon endiablé…
Entre les soirées musicales, les expositions s’enchaînent et les artistes se succèdent dans une brillante diversité. Peinture, aquarelle, dessin, photo, sculpture… aux Jardins de la Ferme Bleue, on en voit de toutes les couleurs. « Nous mettons un soin infini à la mise en scène des œuvres dans les espaces à disposition des artistes et nous avons un plaisir immense à les accueillir, les soutenir et tisser avec eux des liens durables. Beaucoup sont devenus des amis. »
Enfin, pour rêver en bleu ou prolonger une belle soirée « Impromptus », la charmante chambre d’hôtes de la Ferme Bleue au deuxième étage de la maison à colombage a tout d’un conte de fée. Elle peut accueillir deux à quatre personnes, avec un ravissant salon sur le palier, une salle de bain indépendante, et un petit déjeuner servi, selon la météo, au jardin ou dans le salon des propriétaires.

Les prochains rendez-vous

Journées mondiales de l’art topiaire

Du 12 au 15 mai a lieu la première édition des Journées mondiales de l’art topiaire. Parmi les 150 jardins participants, les Jardins de la Ferme Bleue proposent une exposition de l’illustrateur Baptiste Cura. Son parcours de dessins raconte les aventures et démêlés des topiaires de la Ferme Bleue, devenant les véritables personnages d’un conte. Cette exposition, qui bénéficie du soutien de l’association Bleu de Hanau, se prolonge jusqu’en juin. 


Brunchs les dimanches sur réservation
depuis le 01.05 / 11h à 14h

Les Impromptus, diners-concerts
à partir du 20.05 → 12.08

Expositions d’art
mai → sept.

Les jardins de la Ferme bleue
21, Rue Principale à Uttenhoffen
jardinsdelafermebleue.com


Par Chantal Raiga
Photos Alexis Delon