Quelles étaient vos intentions lorsque vous avez créé l’association Auto’trement ?
Jean-Baptiste Schmider : D’abord de me débarrasser de ma voiture ! Je l’utilisais tellement peu que je ne me souvenais jamais de là où je l’avais garée. Je me suis dit que c’était complètement irrationnel d’avoir un objet qui coûte si cher, qui encombre l’espace, qui passe son temps à dormir et qui pollue. Ma deuxième intention était, en partageant les voitures, d’en rationaliser l’usage, de réduire leur nombre et d’améliorer la qualité de vie en ville. En province, ça paraît compliqué de se passer totalement de voiture.
À quel moment la création d’une « entreprise » s’est-elle imposée ?
J-B.S. : C’est venu assez vite : avec quelques amis, on s’est rendu compte que l’autopartage existait en Suisse et en Allemagne, on est allé voir à Freiburg et à Lucerne. On a mis à peu près un an pour définir nos fonctionnements : rechercher les premières subventions éventuelles, les parkings, l’assurance… Peu à peu, nos réunions à 7 à la Perestroïka se sont étendues à une vingtaine de personnes. Une succession de choix déterminants a donné le ton : est-ce qu’on utilise nos voitures ? Est-ce qu’on les achète ? Pour moi, il fallait casser le lien de propriété. Le service a démarré avec trois voitures, une station et une gestion « manuelle », ça a plutôt bien pris. Au bout d’un an, on a voulu passer à la phase supérieure : si on voulait toucher les gens, il fallait avoir un réseau de stations, donc automatiser le système. J’ai quitté mon boulot et j’ai pris la direction de la structure. J’ai eu assez vite la vision d’un réseau national. Je me suis retrouvé en contact via Internet avec des personnes qui avaient les mêmes projets à Lyon, à Marseille et à Grenoble. On s’est dit qu’il serait efficace de s’équiper d’une technologie et de se mettre ensemble pour partager les frais de mise en place. France Autopartage était né. L’idée était aussi de se dire que les gens, en allant d’une ville à l’autre, pouvaient prendre le train et bénéficier du service dans les villes intégrées au réseau.
« À partir de la mobilité, on va bouleverser un mode de vie : faire plus de marche, plus de vélo, changer son mode de consommation, son alimentation. »
Jean-François Virot-Daub
Quelles sont vos valeurs ?
J-B.S. : La finalité, c’est l’environnement : réduire les nuisances de l’automobile, moins produire, mieux utiliser les ressources. Une voiture partagée remplace neuf voitures particulières, autant de voitures produites en moins, autant d’espaces en ville utilisés à d’autres fins : mieux vivre, mieux se loger, pouvoir faire du vélo, se sentir plus en sécurité, mieux respirer… Notre idée est aussi de favoriser les circuits courts. Les gens ne viennent pas au départ parce qu’ils sont écolo-convaincus, mais ça les amène à le devenir. L’exemple typique, c’est les courses : beaucoup adhèrent pour pouvoir faire leurs courses chez Cora et, en général, au bout de trois mois, ils arrêtent parce que le service leur coûte quand même 10 euros, qu’ils sont obligés de bloquer la voiture trois heures. Ils perdent trois heures, donc ils arrêtent, retournent au marché, adhèrent à une AMAP…
Jean-François Virot-Daub : À partir de la mobilité, on bouleverse un mode de vie : faire plus de marche, plus de vélo, changer son mode de consommation, changer son alimentation. Derrière Citiz, il y a toutes ces valeurs-là : la relocalisation de l’économie, la redynamisation du centre-ville.
Strasbourg était-elle la bonne ville pour lancer l’autopartage ?
J-B.S. : Oui, parce qu’il y a une plus grande sensibilité aux questions environnementales que dans le reste de la France, à la fois de la part des habitants et des élus. La configuration de la ville – son réaménagement avec le tramway, le réseau cyclable, moins de parkings, plus de piétons – est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu créer Auto’trement. Ce plan urbanistique assume clairement le fait de vouloir limiter l’accès aux voitures au centre-ville, ça nous a mis la puce à l’oreille. À Strasbourg, on peut vivre sans voiture, c’est ancré dans l’esprit des gens.
J-F.V-D. : On voit que plus une ville est ouverte aux autres mobilités, plus il y a une réflexion sur l’aménagement de la ville, plus la place de la voiture est remise en question et plus il y a de place pour un service d’autopartage.