Sexe, genre, sexualité
« Au cours du XVIIIe siècle, Michel Foucault constate que viennent s’articuler, en termes de discours moraux, l’identité de sexe, de genre et des identités d’orientation sexuelle mais pas seulement. Les discours médicaux sont venus définir ce qu’est une bonne sexualité – elle est hétérosexuelle – mais aussi des types de pratiques. À cette époque émergent des discours sur les formes de sexualité, où on en vient à catégoriser, et aussi à dessiner, la catégorie du pervers, celui qui ne pratique pas la sexualité comme il convient, pour arriver, dans la médecine du XIXe,, à en faire des portraits quasiment physiognomoniques. Dans ces définitions-là apparaissaient des notions de genre, avec une idée de déviance. Et pendant longtemps, une déviation de genre pouvait être le signe d’une sexualité pathologique ou psychopathologique. On assiste alors, dans les discours de condamnation d’abord sociaux puis moraux, à une articulation explicite entre genre et sexualité. »
Histoire des femmes et du genre à l’université
« Lorsque ce cours a été créé en 2003 ou 2004 à la faculté des sciences historiques, c’était une option. Cette année, c’est un cours obligatoire, au même titre que l’Histoire des religions ou les cultures politiques. Quand j’ai commencé à faire ce cours, dans les premières séances j’expliquais les notions, et je sentais des résistances (nous étions en plein débats tendus autour du pacs qui traumatisait pas mal de gens), et la littérature sur les questions d’inégalités était moins connue. Alors même qu’on arrivait avec des outils et des définitions scientifiques, des documents historiques, on était regardés comme des personnes trop engagées. Aujourd’hui, lors de mes premières séances de cours, je n’ai plus besoin de faire ces mises au point théoriques, car je vois dans les yeux des étudiants qu’il y a pour eux des évidences. Ce sont les jeunes qui ont changé. Désormais, je dois aller plus loin dans mon cours car les deux premières séances que j’avais préparées ne sont plus nécessaires. Il y a eu une prise de conscience des questions d’égalité, de genre, qui s’articulent avec les questions d’intersectionnalité, d’hiérarchisation, de vulnérabilisation. Il est aujourd’hui possible d’aller beaucoup plus loin dans nos approches des documents, et la recherche – même sur l’antiquité – va avancer aussi avec ces nouvelles formes de luttes sociales. »
À lire
— Une histoire des sexualités (chapitre Sociétés ancienne : la Grèce et Rome), sous la direction de Sylvie Steinberg, PUF (août 2018)
— Bien avant la sexualité. L’expérience érotique en Grèce ancienne David Halperin, John Winkler & Froma Zeitlin (dir.), traduction (dir.) et préface Sandra Boehringer, éditions Epel
Propos recueillis par Cécile Becker
Avec l’aimable collaboration de Sylvia Dubost
Photos : Myriam Commot-Delon, Jésus s. Baptista