Gaëtan Weissbeck : de Seebach aux portes de la Ligue 1

Entre Dimitri Liénard et Gaëtan Weissbeck, l’enfant de Seebach, les similitudes sont nombreuses malgré leur différence d’âge (neuf ans). Si le premier est une légende vivante au RCSA, le second est l’icône montante du FC Sochaux-Montbéliard. Tous deux, qui se sont côtoyés au Racing, peuvent se targuer d’un parcours chaotique avant d’épouser carrière dans le foot pro et d’arborer le brassard de capitaine de leur équipe respective. Et, à 25 ans, l’ancien joueur du FR Haguenau frappe aux portes de la Ligue 1. Même si son club a échou, vendredi 20 mai, lors du second barrage d’accession perdu à Auxerre (0-0) à l’issue de la séance de tirs au but.

Si l’histoire de Dimitri Liénard est gravée dans le béton de la Meinau, celle de Gaëtan Weissbeck en est encore à ses premiers chapitres du côté d’Auguste-Bonal. Pour lui, tout commence réellement le 28 janvier 2019. « Je suis en famille chez ma grand-mère pour fêter son anniversaire lorsque mon agent appelle. Il est 19h30 et il me dit de prendre ma voiture, qu’on m’a réservé un hôtel à Montbéliard où je dois passer une visite médicale le lendemain à 8h30 », se souvient le milieu offensif qui en touche un mot à ses parents avant de s’éclipser. « Quand j’arrive, il y avait de la neige, tout était blanc alors que chez nous, il n’y avait rien ». 

Formé au RCSA, Gaëtan Weissbeck a ensuite rebondi à Haguenau où il possède de nombreuses attaches, avant de briller à Sochaux. © Grégory Massat

Dans le Doubs, le doute subsiste à quelques jours de la fin du mercato d’hiver. Il faut dire qu’à 22 ans, le jeune homme a déjà eu son quota de désillusions. Issu d’une famille de footballeurs, il apprend vite. Dès l’âge de 4 ans avec le maillot de l’AS Seebach, son village natal. Au point d’être régulièrement surclassé et d’intégrer le FR Haguenau en poussins (U11). Cinq ans plus tard, son père lui montre un courrier tamponné par le Racing Club de Strasbourg qui l’invite à passer des tests de détection en compagnie d’une vingtaine de gamins d’Alsace et de Lorraine. L’adolescent croit d’abord à une blague. « Je pensais que c’était lui (son père) qui avait écrit la lettre », sourit-il. Surtout qu’à ce moment, tous deux sont abonnés à la Meinau, en tribune ouest haute, là où le kop a depuis posé ses étendards. Mais la blague tourne court et Gaëtan se retrouve chaque lundi soir à s’entraîner avec « des étoiles plein les yeux » au centre de formation du RCS en compagnie d’Anthony Caci, alors licencié à la SG Marienau. Tous deux intègrent le centre bien que le club dépose le bilan. Ce qui ne l’empêche pas de se façonner tandis que le Racing se reconstruit sous la houlette de François Keller. Gaëtan Weissbeck évolue avec la réserve le temps que l’équipe fanion ferraille en National 1 avant de se hisser en Ligue 2 à l’été 2016. Thierry Laurey arrive aux manettes, redistribuant pas mal de cartes au sein de l’effectif strasbourgeois. « Au premier jour de la reprise, il me met au poste de latéral droit, un poste où je n’ai jamais joué, raconte l’aspirant. Je suis jeune, je me tais et je bosse, peu importe où on me met ». Plus grand chose ne se passe pour celui qui est désigné comme doublure d’Eric Marester. Jusqu’à Noël où une équipe allemande de D3 souhaite se faire prêter Gaëtan Weissbeck. Veto de Laurey qui lui redonne un soupçon de confiance en le faisant entrer, le 7 janvier 2017, à la 117e minute en remplacement d’Abdallah Ndour face à Épinal en 32es de finale de la Coupe de France (4-2 ap). Il ne le sait pas encore mais ces trois minutes seront les seules disputées avec les pros sous le maillot bleu à la Meinau. « Pour moi, ça ne compte pas, c’est comme si je n’avais jamais joué », juge-t-il aujourd’hui. Fin de la parenthèse enchantée.

Deux mois plus tard, il intègre la réserve qui finira tout de même championne de CFA2 tandis que le Racing accède à la Ligue 1. Mais la porte se referme définitivement pour l’Alsacien. « Avec beaucoup de frustration car je n’ai jamais vraiment eu ma chance ». Comme si le club avait grandi trop vite par rapport à ses jeunes pensionnaires. Retour au FR Haguenau en CFA2 (N3) pour « deux années magnifiques ». La première se traduit par une accession à l’échelon supérieur et pas mal de samedis soirs dans les bars et boîtes de nuit du coin. « On était tout le temps ensemble comme dans les équipes amateurs », se souvient-il.
L’année d’après, la Coupe de France envoie le FC Sochaux au Parc des Sports pour le compte du 7e tour de l’épreuve. « Ce jour-là, je réussis tout ce que j’entreprends, je suis décisif, je marque. C’était vraiment mon match sauf que je ne me rendais pas compte que je jouais contre une équipe de Ligue 2 », indique-t-il. Sa prestation de haut vol n’empêche cependant pas le FRH de s’incliner 4-3 au bout des prolongations. Il n’empêche que le héros se trouve chez les vaincus, ce ne qui ne passe pas inaperçu aux yeux des vainqueurs. « Il a fait un match extraordinaire et a tapé dans l’œil de notre président de l’époque, M. Lee. Il y avait un agent à côté de lui qui l’a aussi remarqué et l’a contacté directement », évoque Freddy Vandekerkhove, intendant du FCSM. On connait la suite. 

« Je suis arrivé sur le tard
mais tout est allé très vite quand même »

Gaëtan Weissbeck Grégory Massat
Le milieu du FCSM a inscrit 7 buts lors de la saison régulière 2021-2022. © Grégory Massat

À Montbéliard, après avoir satisfait à la visite médicale, Gaëtan Weissbeck paraphe son premier contrat pro d’une durée de 3 ans et demi. Sauf que le club franc-comtois est en crise et lutte pour son maintien. Après un échange avec Omar Daf, l’Alsacien obtient le feu vert de son nouveau coach pour être prêté et finir la saison avec Haguenau en N2.
Le 26 juillet 2019, il connaît sa première titularisation au poste de N.10 dans le onze sochalien pour la réception de Caen (0-0) en ouverture de la saison de Ligue 2. « C’est un joueur qu’on ne connaissait vraiment pas et il s’est vite imposé comme meneur de jeu », se souvient Kem Lalot.
« C’était une bouffée d’air frais, d’autant qu’il manquait quelqu’un pour orienter le jeu. C’est un joueur généreux, il se donne à fond, il court beaucoup, il fait tout, il est omniprésent, les supporters l’adorent, c’est l’un des chouchous de la tribune nord de Sochaux », poursuit le programmateur des Eurockéennes, fervent supporter des jaune et bleu.
Un mois plus tard, Gaëtan Weissbeck inscrit son premier but face à l’AS Nancy-Lorraine (3-0). Il ne tarde pas à constituer un élément indispensable des Lionceaux bien que la saison s’achève prématurément à la 28e journée en raison de la pandémie. Tandis que le groupe immobilier chinois Nenking devient officiellement la propriété du club franc-comtois, à la place de Ledus, le joueur est promu capitaine la saison suivante. Le brassard le transcende. Au point de planter 10 buts et délivrer 6 passes décisives lors de l’exercice 2020-2021.
« C’est déjà un papa, même s’il n’a pas d’enfant, loue Freddy Vandekerkhove. Les valeurs du monde amateur ressortent chez lui. Quand on a mangé son pain noir en bas de l’échelon, on réalise à quel point jouer en pro, c’est énorme. Tout change dans la vie, on est plus entourés et protégés. Mais il le répète chaque jour : il sait d’où il vient. »

Réponse de l’intéressé : « Je suis arrivé sur le tard mais tout est allé très vite quand même. Passer de CFA à un joueur cadre de Ligue 2 en deux ans, c’est quand même assez rapide. Au final, la roue a tourné. » Cette saison, le calendrier lui a offert l’opportunité de regarder dans le rétroviseur à l’occasion de ses retrouvailles avec Thierry Laurey, désormais sur le banc du Paris FC.
« C’était le match que je voulais gagner à tout prix car il y a quand même un esprit de revanche (Sochaux s’est imposé 2-0, ndlr). Chaque coach a ses idées, je n’entrais pas forcément dans ses projets. Il faut l’accepter et je l’ai accepté. Mais ma réussite prouve qu’il a fait une petite erreur », avance le meneur de jeu sochalien. En marge de la rencontre, l’ancien entraîneur du RCSA avait déminé le terrain dans les colonnes de L’Est Républicain : « Gaëtan est un très bon garçon. À l’époque, il n’était pas suffisamment mature, la cuisson n’était pas parfaite. On n’avait pas de certitude que ça puisse le faire. Repasser par le monde amateur lui a fait du bien. Avec Sochaux, il est très actif, décisif, le brassard lui donne des ailes. Et peut-être qu’aujourd’hui il pourrait jouer à Strasbourg… »
La Ligue 1, donc. L’ex-joueur du FRH aurait pu la découvrir l’été dernier après avoir été contacté par le Stade Brestois. Mais l’arrivée de Michel Der Zakarian, en remplacement d’Olivier Dall’Oglio sur le banc finistérien, a sans doute retardé l’échéance. « Un objectif à court, moyen terme. Ça viendra au moment ou ça doit venir », temporise Gaëtan Weissbeck. Surtout que l’actuelle saison du FCSM, solidement ancré dans le Top 5 à l’amorce du sprint final, autorise ce genre d’ambition. « Son profil et son niveau font qu’il a sa place pour jouer en Ligue 1, glisse Freddy Vandekerkhove. Même s’il s’en sort très bien, il n’a pas le style Ligue 2. Au plus haut niveau, avec le bagage technique qu’il a, il pourrait encore davantage progresser. S’il y va, j’espère que ce sera avec nous. »  Avec ou sans, l’intéressé sera très vite fixé.


Portrait issu du hors-série Zut « Racing : une passion sans limites – Un seul amour et pour toujours #2 ». Toujours disponible ici.


Par Fabrice Voné
Photos Grégory Massat