Étalements urbains à la galerie Malagacha

Ouverte depuis cinq ans, la galerie Malagacha met en avant des œuvres d’inspiration urbaine en plein cœur historique de Strasbourg. Autodidacte comme les artistes qu’il représente, son fondateur et directeur Damien Seliciato réussit à étendre de plus en plus son rayonnement.

À la manière d’une boîte de nuit plutôt sélective, l’entrée de la galerie est délimitée par des poteaux aux cordons de velours rouge. Pourtant, rien d’intimidant à l’intérieur. Nul besoin de sonner, de monter des escaliers tortueux, d’ouvrir des portes closes ou de connaître les codes du milieu de l’art pour visiter la Malagacha Gallery. Directement accessible depuis une rue piétonne et animée, le lieu est reconnaissable par son importante vitrine qui permet aux indécis·es de tâter le terrain avant de passer la porte. Une fois à l’intérieur, un large espace, une musique lounge et Damien nous accueillent. En toute détente.

Damien Seliciato. ©Christophe Urbain

Un projet aux racines mulhousiennes  

À ce jour, près d’une quinzaine d’artistes sont représenté·es par la galerie, dont un noyau dur de quelques amis fidèles que Damien accompagne depuis de nombreuses années. Car Malagacha c’est au départ une histoire de potes de Mulhouse qui pratiquaient leur art sous le signe de la débrouille, mais dont l’ambition était vive. Sven, Yrak et Fernand Kayser graffaient pendant que Damien, pour qui « le talent se trouve dans l’œil », prenait le relais pour la promotion des œuvres et l’organisation d’expositions plus ou moins schlag. Le petit groupe se faisait d’ailleurs appeler le Schlager Club*. Au fil des shows, le galeriste en devenir commence à prendre goût à ce rôle et c’est en 2019 que son changement de vie est acté. Damien quitte une série de jobs plutôt vides de sens pour l’adrénaline de l’entreprenariat. Au-delà du frisson de liberté dont il peut faire l’expérience, cette reconversion représente surtout la concrétisation de sa passion pour l’art contemporain, qui peut désormais s’exprimer à temps plein.

Une palette urbaine diversifiée  

Cinq ans après le début de l’aventure, la fougue est toujours présente chez le fondateur et la décision (comportant pourtant son lot d’inconnues) n’est pas regrettée. Les amis de jeunesse se sont professionnalisés ensemble et la galerie est un succès. Ce bilan positif a permis en novembre 2023 l’exportation du concept de la galerie à Lausanne, en Suisse. En plus de ces deux pied-à-terre qui exposent généralement une nouvelle sélection chaque mois, la galerie Malagacha part régulièrement (à raison de six ou sept fois par an) à la rencontre d’un public plus vaste lors de salons d’art urbain et contemporain.

02— Bastien Marienne, Half Open, 114 x 143 cm

Si on peut parfois se perdre dans les différentes définitions que l’on entend de ces champs, il n’en reste que les œuvres portées par la galerie Malagacha se trouvent à leurs frontières. Les pièces vendues ne sont pas des motifs volés à l’espace de la rue mais des toiles ou sculptures réalisées en atelier. Les artistes de Malagacha s’approprient des éléments de l’art urbain sans pour autant les assécher de leur histoire, car leur propre parcours y est lié. Par exemple, Sven reprend frontalement les codes du graffiti comme du tag, à coups de bombes et de blazes, en allant jusqu’à reconstituer le crépi d’un mur sur ses toiles. D’autres comme Yrak détournent ces mêmes poncifs et se dirigent vers l’abstraction. Dans son cas, sa signature se caractérise par une identité colorimétrique et formelle impactante. À un pas de plus de notre idée première du street art, Max Rodéo ou Bastien Marienne, « néo–impressionnistes », selon le directeur, produisent des œuvres figuratives où la lumière est reine. L’ouverture à des styles de représentation plus traditionnels permet à la galerie de proposer un point d’entrée différent à une clientèle étonnamment variée. La diversité des touches mises à l’honneur correspond à celle des regards portés sur l’atmosphère urbaine. Outre l’interaction directe avec ses parois, l’expérience de la ville peut également s’accomplir par l’observation des détails de ses rues, comme des appartements qui les surplombent.

Sven, Never Fall, 180 x 120 cm

En terrain connu

Durant le mois d’avril, la galerie Malagacha présente un nouveau format d’exposition avec des œuvres inédites. Il est le résultat d’une invitation faite à des artistes résidents à travailler sur la thématique « Un autre Strasbourg ». Parmi eux, deux Marseillais et un Mulhousien qui ont pu (re)découvrir la capitale alsacienne le temps d’un week-end grâce à leur guide, Damien. Pour lui qui est « autant à l’aise dans un bar PMU que dans un palace », on imagine que la ville est synonyme de paradoxes. Ainsi, on retrouve évidemment dans l’exposition les lieux et monuments emblématiques de la métropole, mais aussi plus intimement ses intérieurs cosys ou ses épiceries nocturnes.


* L’atelier de Sven, Yrak et Fernand a ouvert ses portes à la photographe Laurence Mouillet à partir de 2019. Une belle collaboration initiée par Damien Seliciato, qui a permis la réalisation d’un ouvrage regroupant 150 photographies du ­Schlager Club en pleine ébullition créative.

Schlager Club,
Laurence Mouillet, 2022.
mediapop-editions.fr


Exposition « In Urbe : un autre Strasbourg », Fernand Kayser – Bastien ­Marienne – Max Rodéo
Jusqu’au 20.04

Malagacha Gallery
9, rue du Parchemin
malagacha.com


Par Maïta Stébé
Photo Christophe Urbain