La possibilité des îles, rencontre avec Bertrand Gillig.

Bertrand Gillig, fervent défenseur d’art – contemporain avec sa galerie, ou patrimonial grâce à son titre de président de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg (SAAMS) –, bataille pour aider au financement d’un domaine où l’argent ne coule, hélas, pas à flots. Rencontre en son repaire, son île.

Tableau Paradise Valley de Ayline Olukman, présenté à la galerie Bertrand Gillig. Composé d'un chemin partant vers l'horizon, encadré par deux surplomb de verdure, quelques conifères asséchés, et un ciel bleu pâle, avec deux gros nuages ronds. ©Galerie Bertrand Gillig
Paradise Valley de Ayline Olukman, présenté à la galerie Bertrand Gillig. ©Galerie Bertrand Gillig

 « Rendez-vous au premier étage d’un élégant immeuble en pierre de taille et en brique de la fin du XIXème siècle ». Telle est la présentation faite de la galerie de Bertrand Gillig. Nous foulons un magnifique parquet et semblons traverser une luxuriante végétation picturale, parmi les étincelants feuillages « avec persistances rétiniennes », les « paysages romantiques » forestiers et autres « cosmologies aquatiques ». Par la fenêtre, un gigantesque thuya danse avec grâce au gré du vent. L’espace habité par les toiles éclatantes de Benoît Trimborn nous fait l’impression (soleil levant) d’un îlot de fraîcheur en cette journée caniculaire. Confortablement affalé dans un canapé molletonné, j’écoute Bertrand – polo vert pin assorti à ses lacets – me parler de l’écriture de son second roman, une (fausse) enquête sur une (hypothétique) conspiration contre l’Autrichienne Marie-Antoinette qui fit une (véridique) escale sur l’île aux Épis – entre Strasbourg et Kehl – avant de débarquer en France, le 7 mai 1770, pour retrouver Louis XVI. Une folle aventure mêlant histoire et fiction, têtes couronnées et figures complotistes, avec un certain Johann Wolfgang von Goethe et un joli pavillon. Un polar politico-historique insulaire écrit en grande partie dans une résidence secondaire bourguignonne où Bertrand trouve calme bucolique et indispensable inspiration. Son atoll.

Strasbourg, 11 mai 2023. Bertrand Gillig, galeriste. Portrait dans sa galerie. ©Pascal Bastien.
Strasbourg, 11 mai 2023. Bertrand Gillig, galeriste. Portrait dans sa galerie. ©Pascal Bastien.

D’Apple à Gadenne

Avant de s’adonner à 100 % dans sa passion pour la chose culturelle, Bertrand a longtemps œuvré en tant qu’ingénieur commercial pour différentes sociétés, Apple, IBM ou au sein d’une start-up qu’il co-dirigea. Il quitte les gros salaires, le monde du business informatique, les logiciels et l’intelligence artificielle pour l’Espace G, il y a vingt ans, combinant son expérience et son réseau dans le milieu des affaires ou des stratégies de vente et son goût pour l’art, transmis par sa mère, conseillère pédagogique spécialisée en arts plastiques, et son père, strict inspecteur à l’éducation nationale. « Il pouvait être sévère, mais je remercie aujourd’hui encore mes parents : ils m’ont ouvert les yeux et l’esprit sur l’architecture, les monuments, la peinture, la sculpture… », dit-il reconnaissant.

Extrait du tableau dElisabeth Fréring, Les dessous ©Galerie Bertrand Gillig
Extrait du tableau dElisabeth Fréring, Les dessous ©Galerie Bertrand Gillig

Monet, money

Les paysages impressionnistes de Monet, les toiles fluides de Marc Desgrandchamps, les aquarelles de Marlène Dumas… Le goût personnel de Bertrand se retrouve bien sûr chez les artistes qu’il défend, en commençant par Ayline Olukman et ses peintures aux allures de carnets de voyages en zones aquatiques, les grues portuaires ou docks de la presqu’île Malraux peints par Patrick Bastardoz ou les coulures picturales desgrandchampiennes de Stéphanie-Lucie Mathern. Les contours des figures vaporeuses créées par SLM sont flous et illustrent bien l’ardeur de Bertrand « pour l’absence/présence, la trace, l’effacement et la mémoire ». La vingtaine d’artistes avec lesquels il évolue depuis longtemps, dans un climat de confiance réciproque, est récompensée par une bonne visibilité publique et des œuvres qui rejoignent le salon de discrets collectionneurs ou s’intègrent dans des projets immobiliers comme le quartier d’affaires… Archipel. Dans le giron de Bertrand, des « artistes de la galerie » comme Benoît Trimborn, bien sûr, mais aussi Leonardo Vargas, Patrick Cornillet ou Elisabeth Fréring et ses aquarelles fantomatiques. Il y a également les « artistes invités » sur des one-shots ou des foires. Citons François Malingrey, ex-HEAR dont on adore les étranges objets du désir qui habitent ses toiles.

Strasbourg, 11 mai 2023. Bertrand Gillig, galeriste. Portrait dans sa galerie. ©Pascal Bastien
Strasbourg, 11 mai 2023. Bertrand Gillig, galeriste. Portrait dans sa galerie. ©Pascal Bastien

Bertrand et ses « amis »

Sa défense de l’art et des créateurs se mène sur plusieurs terrains. À travers ses activités de galeriste, mais aussi en tant que membre suractif au sein de la SAAMS depuis douze ans et en tant que président depuis deux ans, souhaitant sensibiliser de généreux donateurs et autres bienfaiteurs pour leurs contributions à « la préservation et l’enrichissement du patrimoine strasbourgeois ». Les dons, legs et mécénats doivent permettre de poursuivre les actions de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg « dans un contexte de réduction des budgets publics ». Non seulement, la Société, forte de ses 900 membres, enrichit les collections (citons le Portrait de Marie Le Cœur de Renoir ou le Don Juan et la statue du Commandeur de Fragonnard), mais également aide financièrement à la restauration de pièces maîtresses et précieuses comme le Grand Cabinet des Gobelins (1675) du musée des Arts décoratifs au Palais Rohan. Dernier « gros coup » de la SAAMS, la participation à l’acquisition d’un sublime Martyre de sainte Catherine de Simon Vouet, chef-d’œuvre au clair-obscur caravagesque qui n’est pas sans déplaire à Bertrand. « Je me suis marié à Rome l’an passé. Avec ma femme, nous souhaitions organiser la cérémonie à l’église Saint-Louis-des-Français où sont accrochés plusieurs tableaux du Caravage, notre peintre fétiche ! » L’heureux événement a bien failli s’y dérouler, si le couple n’avait pas eu affaire à un ambassadeur dont ils ne partagent pas les mêmes valeurs (actuelles). Finalement, la cérémonie eut lieu en la basilique San Bartolomeo située sur… l’île Tibérine. Tous les chemins y mènent.


Expositions à venir à la galerie :
– Solo-show de Christoff Baron du 08 septembre au 1er octobre
– Solo-Show de Cornélia Komili du 13 octobre au 10 novembre
– Solo-Show d’Ayline Olukman du 18 novembre au 23 décembre


Galerie Bertrand Gillig
11, rue Oberlin
bertrandgillig.fr


Par Emmanuel Dosda
Portrait Pascal Bastien