Magnum opus
Ils sont sept à travailler dans l’immense atelier. « Sydney, c’est celui qui vole », indique Sébastien Paillard en désignant un homme les pieds dans le vide, appuyé sur sa presse – « gare à ne pas trouer le papier, il faut appliquer la bonne pression ! » Plus loin, il y a Khalid, 36 ans d’entreprise, qui forme Fernando, arrivé il y a six mois. Au poste suivant, Youssef, 20 ans d’entreprise, Lucas, ébéniste qui vient d’arriver, et Olivier. Tous sont imprimeurs à la planche, hormis Bruno, le coloriste qui s’assure d’éviter les fausses notes. Les imprimeurs utilisent les outils et techniques des anciens et sont spécialisés soit dans l’ornement panoramique, soit le répétitif. « Tout se fait étape par étape, chaque planche pressée va apporter une couleur, un motif, et une fois le papier sec, une nouvelle planche peut être utilisée pour compléter la scène au fur et à mesure », explique Sébastien Paillard. Ça grince, ça pousse, ça glisse, et à force de superpositions de planches sur le papier, comme un gigantesque sandwich, les esquisses prennent vie et deviennent bâtiments, personnages ou motifs fleuris.
La fin de la visite approche et une question s’impose : combien ça coûte et qui peut se permettre d’acheter de tels chefs-d’œuvre ? « Il faut compter 8 à 18 mois pour fabriquer un décor panoramique. Le prix varie de 8 000 à 50 000 euros, tout dépend de la largeur du dessin et du nombre de couleurs. Pour les motifs répétitifs, comptez entre 500 et 1 500 euros le rouleau. » Quant aux chanceux acquéreurs, il s’agit principalement d’hôtels, de restaurants et de décorateurs pour une clientèle plutôt américaine ou moyen-orientale, 80 % du chiffre d’affaires de Zuber se faisant à l’étranger. Le papier alsacien ne manque donc pas de voyager aux quatre coins du monde… pour faire voyager à son tour.